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Armarius
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MessageSujet: Re: En attendant le sacre En attendant le sacre - Page 2 Icon_minitimeSam 25 Jan - 12:37
L'épaule de Charles était bombée et molle, celle de Lanfranc tombante et osseuse.
Les deux intendants se regardèrent d'un air inquiet. D'un geste Lanfranc retira son épaule des mains du duc. Il lui faisait presque mal.

Lanfranc : « Monseigneur, les sénéchaux passent déjà une fois par an devant le Parlement pour contrôler leur compte. Que voulez vous faire de plus ? Nous ne pouvons pas être derrière chaque percepteur. »
Daguerre : « Et je ne suis pas sûr que cela soit une bonne idée. Si on surveille trop nos intendants, si on doit à chaque fois éplucher leurs comptes, l'administration va s'en retrouver paralysée. Là où il nous faut un mois pour lever l'impôt il nous en faudra deux, voir plus.
Et puis c'est la guerre monseigneur, bien sûr qu'il n'est pas agréable pour le peuple de voir les gabelles augmenter, surtout sur les denrées alimentaires, mais nous ne pouvons pas faire autrement. Où voulez vous trouver de l'argent pour payer vos troupes ?
 »
Lanfranc : « Et puis, si on augmente le vinage, nos exportations de vin vont s'en retrouver lésées, je vous le garantis. »
Eudes II de Cahogne
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MessageSujet: Re: En attendant le sacre En attendant le sacre - Page 2 Icon_minitimeSam 25 Jan - 12:53
Regardez-moi ces animaux qui se défendent. Comme si je ne savais pas qu’ils prenaient dans la caisse. Je continue de leur sourire, bien gentiment. Je fais semblant d’être un gros niais manipulable devant eux. En même temps, ils n’ont pas tort : Je ne comprend vraiment rien aux affaires d’imposition et de perception de l’impôt. Ce que je connais, ce sont les hommes, ce sont les gens, ça je suis bon juge. Mais toutes les affaires de chiffres…

« Vous avez tout à fait raison, maître Daguerre. Eustache Brascourt vous a dit au conseil que c’est votre travail de trouver de l’argent, on vous demande du jour au lendemain de payer les soldes de douze mille hommes, nous n’allons pas en plus avoir l’outrecuidance de vous reprocher la manière dont vous fouillez ces expédients ! Vous vous y connaissez mieux que moi dans toutes ces affaires, j’aurais l’air bien bête de vous dire comment faire. J’essaye simplement de trouver des pistes, en m'en remettant à vos expertises à tous les deux... »

Je fais semblant de baisser les yeux et de me gratter la barbe, comme si j’étais fort peiné.

« Il nous faudra prendre des mesures très fortes contre la corruption. Faire des exemples. C’est, je le pense, le seul moyen de convaincre les États Généraux d’augmenter la capitation. Vous me dites que ça augmentera le travail : Certainement au départ. Une fois des fraudes constatées, et punies avec force, les précepteurs marcheront beaucoup plus droit, soyez-en assurés. »

Je place mes mains dans le dos.

« N’abolissez pas le vinage pour l’instant. Nous réfléchirons à le faire si nous parvenons à achever la guerre du Valais – En cas de victoire, la guerre paiera la guerre, nous aurons des rançons, le Vaujour tout neuf pourra nous fournir de nouvelles rentes et de nouveaux contribuables. En cas de défaite, alors, nous repartirons la queue entre les jambes et il faudra se reconstituer sur plusieurs années. Le vin est productif, ses taxes font du mal à de grands propriétaires, mais moins qu’au peuple.
Si vous devez augmenter la gabelle, faites-le sur l’huile et le sel. Mais je le répète, certainement pas sur les céréales. Je vous interdis, formellement, d’augmenter les impôts sur les céréales. Le pain c’est le dénominateur commun. Le peuple a faim, le peuple détruit tout. Les gens de Soulans sont à trois repas de tous nous couper la tête, ça je peux vous l’assurer. »


Petit signe de tête à Daguerre.

« Et le drap, qu’en pensez-vous ? Le Pays-Plat est rempli de gens bien vifs et fiers, une noble race, d’où les Bohains viennent. Ne risquent-ils pas de grandement souffrir d’augmenter les taxes sur le drap ? »
Armarius
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MessageSujet: Re: En attendant le sacre En attendant le sacre - Page 2 Icon_minitimeSam 25 Jan - 13:20
Daguerre fit un signe de tête en souriant, son suzerain était compréhensif, sa mission n'était pas simple.

Daguerre : « Oui, peut être que des lois contre la corruption seront bénéfiques à tous. Mais ce n'est pas le moment de les promulguer, car cela ralentirait l'administration. Faisons cela après la guerre, je pourrais même y réfléchir pour vous. »

Lanfranc lui n'avait pas l'air satisfait.

Lanfranc : « Peut être pourrions nous dans un premier temps baisser le vinage plutôt que de l'abolir totalement ? Cela desserrerait l'étau sur les marchands de vin, ce qui serait extrêmement bénéfique à notre commerce. Disons une baisse de 10 deniers par unité de vin vendu ? »
Daguerre : « D'accord pour ne pas toucher à la gabelle sur les céréales. Mais vous ne pouvez pas me demander de ne pas augmenter celle sur la draperie. C'est notre plus grande industrie, et donc là où il y a le plus d'argent à prendre. Évidemment que le Pays-Plat va en souffrir, mais c'est l'effort de guerre. Ils souffriront autant que nos soldats par solidarité !
Nous pourrions aussi taxer la metallurgie, une taxe de 15 deniers sur chaque produit pourrait nous rapporter plus de 60 000 livres sur l'année. Et ça touchera moins le peuple.
 »
Eudes II de Cahogne
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MessageSujet: Re: En attendant le sacre En attendant le sacre - Page 2 Icon_minitimeSam 25 Jan - 14:02
« Après la guerre, nous réunirons les États Généraux et nous nous occuperons de tout ça. Prions le Seigneur pour que nos armées soient victorieuses. »

Lanfranc force vraiment avec sa baisse de taxes sur le vinage. C’est particulièrement énervant. J’en serre les dents.

« Maître. J’ai bien compris. Nous baisserons les taxes sur le vinage – mais plus tard. Après la guerre. Pour l’heure, je me range à toutes vos autres opinions : Faites les taxes sur les draps, augmentez la gabelle sur le cuir, la laine, le sel, l’huile, les orfèvreries – tout cela est déjà beaucoup, non ? Et pourquoi pas sur la métallurgie, c’est une excellente idée, maître Daguerre.
La seule chose que je refuse, ma limite absolue, c’est les céréales. Vous devez bien comprendre à quel point l’augmentation du prix du pain entraînerait des troubles gravissimes. »


Je force un sourire pour mes deux intendants.

« Une fois le conflit terminé, soit ce sera une victoire, et nous pourrons baisser massivement les impôts, soit ce sera une défaite, et alors il faudra licencier les gens de guerre, retraiter diplomatiquement, et, de toute manière, baisser les impôts. Faisons en sorte que tout ceci se termine le plus rapidement possible.
Merci beaucoup pour le service que vous rendez au duché, maîtres. Les nobles ont tendance à ne voir le monde qu’au bout de leur lance couchée, mais sans vous, il serait impossible pour moi d’atteindre ma gloire. »
Armarius
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MessageSujet: Re: En attendant le sacre En attendant le sacre - Page 2 Icon_minitimeSam 25 Jan - 17:22


Plus tôt dans la matinée du 5 Cadembre 1299, Eudes avait accueillis Jean, son oncle et évêque de Villiers, qui était de retour à Soulans.
Après avoir accompagné le duc à Aigues-en-Puy, Jean avait été invité par Claude de Salignac à le suivre jusqu'à Espellier. Là, l'évêque avait revu sa petite cousine Clotilde et l'époux de celle-ci, le comte de Trémanche Thomas d'Estaing.
En retrouvant son neveu au palais ducal, Jean n'avait pas abordé le sujet tout de suite. Ils avaient simplement échangé quelques banalités, puis discuté des actualités, de la guerre du Vaujour, du sacre à venir.
Après le repas, ils s'étaient retrouvés sur la terrasse du palais qui offrait un vaste panorama sur les faubourgs de Soulans, avec le port fluvial et la tour de la banque derzie. Le temps était dégagé si bien qu'à l'horizon on pouvait voir la Bréa sillonner dans tout le soulonois.
Appuyait sur la balustrade du balcon, Jean buvait un verre de mauriac pour digérer.

« J'ai une nouvelle à t'annoncer Eudes... une nouvelle qui ne me réjouit pas, mais je n'ai pas pu refuser. Tu as apprit la mort de sa sainteté Ixion V ? L'archevêque voudrait m'envoyer à Archopole pour le représenter lors des élections... Tu connais mon peu d'enthousiasme pour les voyages... mais je n'ai pas osé dire non. Ça va être long. »

Comme pour se donner du courage, Jean s'enfila d'un coup son verre de mauriac, puis regarda dans le vide, avant de soudainement se ressaisir, comme si une mouche venait de le piquer.

« Oh j'y pense, le plus important. »

Il fouilla dans une sacoche et en sortit d'épais papiers fermés par le sceau du comté de Porez.

« Voici les fameux traités que tu dois signer. Clotilde me les a confié pour toi. Le sire de Salignac m'a parlé de votre entrevue et des négociations. Je suis heureux que tu ais trouvé une issue pacifique avec Clotilde. Une guerre n'est jamais bonne, surtout lorsqu'elle concerne deux membres de la même famille. »
Eudes II de Cahogne
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MessageSujet: Re: En attendant le sacre En attendant le sacre - Page 2 Icon_minitimeDim 26 Jan - 11:59
Je me saisis des papiers que Jean me tend. Je m’éloigne du balcon, vérifiant la manière dont les scribes de Trémanche ont rédigé le tout. Il y a bien ce que j’avais négocié avec sire Salignac.
Je pose distraitement les papiers sur un coin du bureau.
Je ne les signerais pas.
Pas tout de suite.
Pas après la lettre de Clotilde que j’ai reçu, où elle cherche à éviter le paiement de son relief. Le manque de respect répété des Trémanchottes a de quoi me faire grincer des dents.

« Archopole est une ville magnifique, tu verras.
Quant à nous, prions pour l’âme de Sa Sainteté. »


Je me retourne et embrasse mon oncle.

« Que Dieu te garde partout où tu vas. »
Armarius
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MessageSujet: Re: En attendant le sacre En attendant le sacre - Page 2 Icon_minitimeDim 26 Jan - 15:59
« Merci mon neveu.
Je ne doute pas de la beauté d'Archopole, mais Villiers aussi est pas mal, j'aurais aimé retrouvé ma cité plutôt que de voyager à l'autre bout de l'Empire.
On m'a affrété un navire, je pars pour Vaucouleur demain. Je devrais arriver dans l'Isthme début Pentobre (Juillet). J'ignore combien de temps le conclave va durer... peut être que je ne rentrerais pas avant fin Septembre... Je crains donc de ne pouvoir assister à ton sacre, malheureusement...
Aimerais tu que je dises certaines choses au nouveau Triarque ? Si tu as du courrier à transmettre, je pourrais le prendre avec moi.
 »

Mais l'oncle et le neveu furent interrompus dans leur discussion par un brouhaha de femmes. C'était Blanche qui débarquaient sur la terrasse avec sa suite. Elle était accompagnée de ses courtisanes, des jeunes femmes de la petites noblesses, toute plus belles les unes que les autres. Mais l'une d'elle dénotait par rapport aux autres, par le mâte de sa peau et ses manières, Arda.
L'ancienne favorite de l'émir portait la robe carmin que lui avait offerte Blanche. Elle était belle, ses longs cheveux noires lui descendant jusqu'au creux des reins, son cou et ses poignets habillés de bijoux d'or et d'argent, son visage maquillé à la mode du Ponant.
Lorsqu'elle vit Jean, Blanche se mit à sourire. Elle lui ouvrit ses bras.

« Mon oncle ! J'ignorais que tu étais ici.
- Blanche ! Quelle plaisir. Nous étions en pleine discussion avec ton frère. Je pars demain pour Archopole.
- Toi ? A Archopole ? Ce n'est pas sérieux,
dit-elle en riant. Jean simula une grimace pour signifier son désespoir, puis reprit son expression guilleret.
- Je vois que tu es en charmante compagnie. Bonjour mesdames. Qui es cette femme étrange que tu as là dans ta suite. C'est une Sanlar ?
- Oui mon oncle, un cadeau du Ponant rapporté par Eudes. Elle se prénomme Arda.
 »

Arda s'approcha, dans sa démarche maniérée, et fit une révérence devant l'évêque.

« Enchanté monsieur, dit-elle en landique dans une voix mal assurée.
- Oh, tu lui as même apprit notre langue ! Charmant
. »

Arda fit un grand sourire hypocrite à Jean, puis lança un regard assassin à Eudes.
Blanche attrapa la main d'Arda, puis lança à son oncle et son frère :

« Bien, je vais vous laisser parler entre homme. Nous nous retrouvons ce soir pour le dîner ? »
Eudes II de Cahogne
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MessageSujet: Re: En attendant le sacre En attendant le sacre - Page 2 Icon_minitimeDim 26 Jan - 16:52
« Au nouveau Triarque ? Non, rien de spécial. Juste lui assurer ma loyauté, mon attachement au culte orthodoxe, et puis bien sûr lui rappeler que je suis un preux croisé.
Par contre, si tu passes par Vaucouleur, vas-tu y rencontrer l’évêque ? J’aimerais bien rencontrer monseigneur Odilon Simon, pourrais-tu- »


Je n’ai pas le temps de finir ma phrase que Blanche débarque avec toute sa suite de courtisanes. Je ne peux pas m’empêcher de sourire en voyant les jeunes filles de la noblesse Cahonne, joliment vêtues et habillées. De tous les vices triaphysistes, le plus marquant chez moi est sans doute la luxure. Je suis un coureur de jupons. Chevalier, j’étais plus fort pour le côté amour-courtois que pour les rixes sur les lices. Je connais sur le bout des lèvres des poèmes et des chants, et il n’y a rien qui ne me plaît plus que de voir une jeune femme rougir de mes attentions, encore plus avec l’ivresse de l’interdit, lorsque je sais qu’il s’agir de la fille ou de la nièce d’hommes très importants.
Plus que tout, il y a Arda parmi elles. Elle me fait rougir, même si je reste discret et essaye de ne pas la regarder plus que les autres.

Jean me fout un peu la honte. Il le fait gentiment, avec sa bonhomie habituelle. Il ne se rend pas compte à quel point il insulte Arda ; Elle a apprit à parler le landique toute seule, elle le connaissait déjà lorsque je l’aie rencontrée. Elle sait chanter, danser, connaît des pièces de théâtres, y comprit de notre Empire – la culture Valentine a pénétré loin, et malgré la haine religieuse que se vouent triaphysites et infidèles, la cour du Prince Basile a un certain cosmopolitisme qu’on imaginerait extrêmement mal ici. Au moins, Arda attise la curiosité. Elle doit détester ce rôle, être réduite au fait de simplement attirer l’œil et susciter des fantasmes lointains – mais c’est ça qui la protège de la haine. Je préfère qu’on la voit ainsi plutôt que comme une simple mécréante qu’il faut animer du Feu Sacré, par la parole ou le bûcher.

Blanche se prépare à partir. Je fais un grand sourire et rétorque immédiatement :

« Oh non, pas besoin ! Nous avions presque terminé de toute façon ! Restez, installez-vous, mesdemoiselles – Que le Duc de Cahogne soit resté en votre présence sera notre secret à tous, non ? »


Je fais un sourire taquin à Jean. En tant qu’évêque, peut-être que lui fait un peu plus attention à sa réputation. Bien qu’il serait loin d’être le premier homme d’église « sensuel ».

« Installez-vous. On vous fera monter à boire.
Blanche, je peux te parler une toute petite seconde seul-à-seule ? »


On s’éloigne pas beaucoup. Tout juste quelques pas pour éviter les oreilles indiscrètes, vers la balustrade sur laquelle s’appuyait Jean tout à l’heure.

« Comment cela se passe avec Arda, tout va bien ? Tu as l’air de bien t’entendre avec elle. »

Je regarde derrière-moi ma maîtresse et le reste des courtisanes interagir, afin de me faire une petite idée. Y a de jolies jeunes femmes avec elle : Je vais laisser Blanche me les présenter ensuite.
Armarius
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MessageSujet: Re: En attendant le sacre En attendant le sacre - Page 2 Icon_minitimeDim 26 Jan - 17:25
Les courtisanes gloussèrent à l'humour du duc.

« C'est gentil à toi Odilon. Nous attendons sieur Monart, il doit peindre mon portrait. Je prendrais bien un verre de viverose.
De quoi veux tu me parler ?
 »

Blanche et Eudes s'éloignèrent. Jean était un peu gêné de rester seul en compagnie de toutes ces femmes.

« Arda est très charmante oui, une gentille femme. Je comprends que tu sois tombé amoureux d'elle.
Mais l'air mélancolique qu'elle affiche parfois me chagrine. J'essaye de la garder heureuse par des robes et des bijoux, mais rien n'y fait. Je crois que son pays lui manque, qu'elle s’acclimate mal ici. Elle déteste être une attraction, que les gens la regardent avec de grands yeux, qu'ils s'étonnent qu'elle parle notre langue... Blanche jeta un regard en souriant à son oncle.
Heureusement que son fils est là pour l’égayer un peu.
D'ailleurs... à propos du petit Salim... je me demandais, qui est son père ?
 »
Eudes II de Cahogne
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MessageSujet: Re: En attendant le sacre En attendant le sacre - Page 2 Icon_minitimeDim 26 Jan - 17:47
Edgar Monart ? En personne ?! Je vais être forcé de rester – j’ai toujours rêvé de le voir à l’œuvre. C’est un génie, un génie comme il y en a qui naissent seulement une fois par siècle. Si beaucoup de gens viennent me témoigner un franc respect, pour le coup, c’est moi qui ait envie de lui témoigner tous mes hommages.
Et en plus, ça me permet de traîner un peu avec de jolies jeunes filles, et profiter discrètement d’Arda. Pour une fois que je peux la voir ici, en public, et non uniquement lors de nuits bien secrètes.

Je discute donc avec Blanche, qui m’informe de la tristesse d’Arda. Au moins, je suis fort touché de l’attention que ma sœur lui offre. En revanche, sa dernière question m’étonne.

« Tu ne te doutes pas de quelque chose Blanche ?
Allons, tu as toujours été la plus intelligente de toutes. Ne fait pas comme si tu n’avais pas deviné. »


Je lui fais un sourire taquin, même si un peu pincé. Clairement malaisé.

« C’est mon fils. Et il ne s’appelle pas Salim, il s’appelle Albert. Il a été oint et sera éduqué dans notre religion et notre culture. »

Même si je sais que sur cette promesse, Arda est beaucoup moins prête. Je serre un peu des dents, alors que je l’observe au loin.

« J’ai peur pour elle. Pour eux deux. La faute aux renards et aux vipères qu’il y a à la cour. Tout le monde n’a pas la même compréhension que toi, Blanche. La Cahogne est un pays rempli d’hypocrites, de rapaces et de bigots. »


Je pose mes deux mains sur la balustrade, tandis que je tourne mon dos au panorama afin de mieux regarder la terrasse.

« Et toi Blanche, comment tu vas ?
Espien me fait chier pour que je te marie, tu sais. T’as de la chance, je ne suis ni papa, ni maman. Je compte pas te poursuivre ou te forcer à faire quoi que ce soit contre ton gré, mais c’est un sujet qu’il faut qu’on aborde à un moment. »
Armarius
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MessageSujet: Re: En attendant le sacre En attendant le sacre - Page 2 Icon_minitimeDim 26 Jan - 18:07
Blanche ne fut pas choquée par la révélation, évidemment qu'elle se doutait de quelque chose, même si elle aurait aimé se tromper.

« Je m'en doutais... un enfant illégitime est toujours ennuyeux, surtout s'il est issu d'une étrangère infidèle. Je ne vais te jeter la pierre évidemment, mais je comprends ceux qui pourront te le reprocher. Ils ne sont pas mu par l'amour que j'ai pour toi. »

Elle s'approcha de son frère et posa sa main sur la sienne en lui faisant un large sourire.
Sur la terrasse, les courtisanes ricanaient. Visiblement Jean s'en sortait très bien avec elles.
Blanche rejoignit Eudes pour observer la scène. Elle aimait ce genre de moment, comme suspendu au milieu des intrigues de la cour et de sa violence. Le soleil de Cahogne frappait fort, mais à cette altitude, sur le rocher du Lion, une brise légère soufflait et venait apaiser la chaleur. Du vin, des plateaux de fruits, les amis et la famille, tout était parfait.

« Je vais bien. Bien mieux depuis que tu es revenu. J'attends Lothaire pour être parfaitement heureuse...
C'est avec Jeanne que tu devrais avoir cette discussion. Elle me parle souvent de son mariage. Elle s'impatiente, elle a déjà 24 ans et elle s'inquiète beaucoup de ne pas encore avoir de mari. Elle a peur de finir dans un couvent...
Moi je me plais beaucoup à la cour et je n'envisage pas de me marier pour le moment. Mais si tu veux qu'on aborde le sujet c'est parce que tu as des projets pour moi n'est ce pas ? Dit moi tout.
 »
Eudes II de Cahogne
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MessageSujet: Re: En attendant le sacre En attendant le sacre - Page 2 Icon_minitimeDim 26 Jan - 18:13
Je me contente de hocher la tête et de répondre au sourire de Blanche. Alors qu’elle pose sa main sur la mienne, je l’attrape afin de pouvoir lier mes doigts aux siens.
Finalement Jean a décidé de rester. Il se sert un nouveau verre et amuse la galerie. Il va me manquer. Il m’a déjà manqué durant ces cinq longues années. Comme l’absence de Lothaire continue de me faire un vide.

« Non. Je n’ai pas véritablement de projets, pour tout te dire. Je n’ai pas envie de t’éloigner de ma cour trop vite non plus. Je peux tout juste profiter de toi après cinq longues années, ce n’est pas pour tout de suite t’envoyer dans les bras d’un autre homme.
Je serais atrocement jaloux de lui. »


Je lui fais un sourire taquin en coin.

« Jeanne a toujours voulu se marier. Ça a toujours été son rêve. J’ai peur de la décevoir, selon l’époux que je lui propose.
J’imaginais lui proposer Eustache Brascourt : Il est jeune, énergique, un preux guerrier. Mais tu as vu comment il se comportait aux jeux taurins – c’est un pur chevalier, pas un chevalier issu des romans de chevalerie que dévore notre Jeanne. J’ai peur qu’il la terrifie ou la dégoûte.
Avant qu’ils ne puissent s’épouser, j’aimerais bien qu’ils se rencontrent et s’apprivoisent un peu. Qu’ils ne soient pas tous les deux mis devant le fait accompli dans une église… Ce serait le meilleur moyen d’avoir un mariage malheureux. »
Armarius
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MessageSujet: Re: En attendant le sacre En attendant le sacre - Page 2 Icon_minitimeDim 26 Jan - 18:24
Blanche tressauta à l'annonce de l'époux qu'envisager Eudes pour leur aînée. Elle retira sa main de celle de son frère.

« Eustache ? Le Tancarvelles ? Le fils de Mauger ? Tu n'es pas sérieux Eudes ! C'est l'exact opposé de Jeanne ! »

Elle se mit à rire.

« Notre Jeanne, si gentille et si douce, qui va devoir épouser l'infirme au bras court ! »

Blanche rentra son bras dans la manche de sa robe pour singer Eustache, exagérant l'infirmité du chevalier qui lui donnait son surnom.

« Via là Jeanne, que je te fasse des caresses avec mon bras trop courts ! Bâh bâh ! » dit-elle vers Eudes en imitant la voie d'Eustache.
Elle remit sa robe correctement et reprit difficilement son sérieux.

« Mais enfin Eudes, qu'as tu été manigancer ? Tu fais bien d'avoir peur qu'il la terrifie et le dégoûte, Eustache est terrifiant et dégoûtant !
C'est Raymond qui va être content d'apprendre ton projet...
 »
Eudes II de Cahogne
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MessageSujet: Re: En attendant le sacre En attendant le sacre - Page 2 Icon_minitimeDim 26 Jan - 19:32
Je peux pas m’empêcher de sourire et de rougir de rire à l’imitation vilaine et mesquine de Blanche. J’essaye de me retenir, mes lèvres tremblotent alors que j’essaye de faire une mine fâchée, faire comme si j’étais outré de la manière dont elle ridiculise ainsi le fils Tancarvelles, mais Blanche doit bien voir sur ma trogne que ça marche pas du tout. Ça ne marche jamais avec elle. Devant toutes les autres personnes que je rencontre, je peux feindre la tristesse, la joie, la compréhension ou la colère – la baronne d’Aigues m’a surprit en parvenant à lire à travers moi comme dans un livre ouvert. Mais Blanche ? Blanche me connaît. On a une relation extrêmement fusionnelle elle et moi.

« Raymond ? Attend, notre Raymond ? »

Je reprend mon sérieux à cette nouvelle, et agite la tête.

« Je crois que j’avais entendu parler de ce projet oui, papa voulait qu’il épouse Jeanne… Mais…
Mais c’était plus qu’un projet ? Ils ont pu se rencontrer ? Tu penses qu’ils... Éprouvent quelque chose, l'un envers l'autre ? »


Cela bouleverse tout mes plans. Fait chier. J’ai fais une promesse à Mauger. Bon, nous pouvons toujours lier nos familles, mais il va falloir que je trouve un autre moyen.
Raymond, après tout, n’est pas un mauvais parti. C’est le fils du vicomte de Laudéron. C’est juste embêtant qu’il soit cousin avec Jeanne.

« Cela m’embête. J’avais besoin de rapprocher Eustache de moi pour le retourner contre son abruti de père. C’est un crétin violent, je pense qu’il sera facile à manipuler par le bout du nez une fois que Mauger sera parti loin de Soulans crever comme un vioc. »
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MessageSujet: Re: En attendant le sacre En attendant le sacre - Page 2 Icon_minitimeDim 26 Jan - 20:07
« Je pensais que tu le savais. Ça se voit tellement, il suffit juste de les regarder tous les deux.
En vérité le projet de mariage entre Jeanne et Raymond n'était qu'une rumeur, Papa n'a jamais envisagé ça. Raymond est notre cousin, l'Eglise n'accepterait jamais une telle union.
Je pense qu'ils le savent aussi, c'est pour qu'ils gardent leur relation secrète. Connaissant Jeanne "la Pure" ils n'ont rien fait, ils se voient juste de temps en temps pour jouer à la dame prude et au chevalier servant, comme dans les romans. J'ai essayé plusieurs fois de lui tirer les vers du nez, mais Jeanne n'a jamais rien voulu me dire, et pourtant d'habitude elle me confie tout. Elle doit bien savoir que dans le fond, c'est mal ce qu'elle fait avec Raymond.
 »

Blanche fronça les sourcils en croyant déceler l'idée de son frère. Elle le pointa du doigt.

« Ne compte pas sur moi pour épouser Eustache !
Tu n'as qu'à sacrifier Alix, cette petite prétentieuse sera bientôt en age de se marier et ça lui ferait du bien d'avoir un mari comme Eustache pour la remettre à sa place.
 »
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MessageSujet: Re: En attendant le sacre En attendant le sacre - Page 2 Icon_minitimeDim 26 Jan - 20:16
« J’étais absent depuis cinq ans, Blanche. Je n’ai pas pu me tenir au courant de tout ce qui se tramait à la cour.
Jeanne et Raymond, bon sang... »


J’agite la tête de gauche à droite, avec un semi-sourire.

« Le pire, c’est que ça ne serait pas un si mauvais plan. Le Landéron est une terre alliée. On pourrait renforcer nos relations avec eux. Ce serait un bon moyen.
Et puis quoi s’ils sont cousins ? Comme si c’était la première fois qu’Église fermait les yeux sur des choses qui contreviennent à leur morale. On parle d’une fille de duc et d’un héritier à une vicomté, pas de deux cousins meuniers.
La morale c’est un rideau. On sait tous ce qui se passe derrière. »


Et disant cela, je fais un geste de tête avec un grand sourire carnassier en direction de notre oncle qui est en train de rire aux éclats avec de jeunes filles nobles, alors qu’il est un évêque âgé. Ou bien peut-être est-ce vers ma Arda ?

« Tu es franchement dure avec Alix. Elle est si horrible que ça ? Je me souviens qu’elle était adorable enfant, moi…
Enfin, nous verrons bien. Pour l’instant tout cela ne presse pas. Mais Raymond et Jeanne ! Roh, ce que j’apprends. »


Je ricane, avant de commencer un pas vers les courtisanes.

« Et si tu me présentais donc tes charmantes amies ? »
Armarius
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MessageSujet: Re: En attendant le sacre En attendant le sacre - Page 2 Icon_minitimeDim 26 Jan - 21:36
Blanche ne rigolait plus, parler de sa plus jeune sœur l'insupportée.

« Alix adorable ? Tu plaisantes ? C'est une peste hautaine et fainéante. Elle ne cesse de se moquer de moi. Elle faisait la fayote avec papa, mais moi je vois clair dans son jeu alors ne te fait pas avoir non plus. Si tu ne l'as marie pas, envoie la dans un couvent des Sabines, qu'on lui apprenne un peu la discipline ! »

Elle préféra changer de sujet.

« Oui, je vais te présenter. »

Mais alors que Eudes et Blanche rejoignaient le groupe de courtisanes et leur oncle, Edgar Monart fit son entrée. Il était en retard, comme à son habitude, et semblait quelque peu éméché, comme à son habitude aussi...
Il était un peu débraillé, portant un pourpoint bleu richement brodé mais mal boutonné et un chapeau de travers sur sa tête. Il avait une bouteille de roussec à la main, qui devait provenir des caves du palais.
Malgré sa grosse barbe châtain clair, il avait un air efféminé, avec des gestes précieux et une démarche élégante. A le voir on aurait pu douter de son orientation sexuel, mais la légende de ses nombreuses conquêtes n'était plus à refaire. Peut être trop influencé par son temps passé en Valentine, Monart était un séducteur excentrique et scandaleux.
Blanche s'approcha, les mains sur les hanches et fit mine de le disputer.

« Sieur Monart, vous êtes encore en retard !
- Veillez m'excuser oh belle Blanche, mais j'étais à la recherche de ce...  (il lit l'étiquette de la bouteille) "roussec", le carburant de mon art !
 »

Malgré sa visible alcoolisation, le peintre se tenait presque droit et parlé distinctement.
Blanche lâcha son rôle de jeune fille mécontente et lui fit un large sourire.

« Maître, je suis heureuse de vous revoir. Voici mon frère, le duc de Cahogne, Eudes. »

A la vu du duc, Monart se redressa, s'essuya la bouche du revers de sa manche et tenta de cacher vainement sa bouteille derrière lui. Les courtisanes gloussèrent, toutes charmées par le peintre.
Il fit une révérence.

« Monseigneur, nous n'avons pas encore eu l'honneur de nous rencontrer. Je suis Edgar Monart, peintre de la cour et titulaire de la chair des arts à l'Académie. »

Il s'approcha légèrement, dévisageant le duc de son œil expert.

« Vous avez le visage parfait monsieur le duc, les yeux de votre mère avec le nez de votre père, et un mélange des deux pour la forme du visage. Vous êtes un bien belle homme ! Ce serait un honneur pour moi que de vous peindre !
- Mais pour le moment c'est moi qui vous devez peintre vieux fou !
intervint Blanche en rigolant.
- Oh oui ma dame, je ne vais vous faire patienter plus longtemps. C'est donc ici que vous voulez procéder ?
- Cela vous convient-il maître ? J'aime ce panorama.
- Il est spacieux oui, et la lumière est belle. Elle siéra à votre teint jolie Blanche. Qu'en pensez vous monsieur le duc ? Je serais curieux de connaître votre point de vu.
 »
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MessageSujet: Re: En attendant le sacre En attendant le sacre - Page 2 Icon_minitimeDim 26 Jan - 22:02
Edgar Monart. Le voilà. Le fameux. Le grand nom de la Cahogne. L’artiste légendaire.
Il est exactement comme je l’imaginais. Irrévérencieux, irrespectueux, peu commode, choquant. Il arrive une bouteille à la main, et parle avec des mots propres à outrer un Judicalien.
Je l’adore instantanément.

Je le laisse donc piailler avec Blanche, sous les rires des courtisanes, avec un grand sourire. C’est ensuite qu’il s’intéresse à moi, et qu’il me complimente. Je hausse un sourcil tandis que mon sourire se fait d’autant plus amusé.

« Pas de jalousie, ma Blanche. À moins que maître Monart n’est pas honnête et ne me complimente que pour obtenir les faveurs de son Prince ? »


Je dis ça d’un ton clairement sarcastique, semi-taquin. J’aime beaucoup qu’on me caresse dans le sens du poil. Il faut dire que c’est un grand avantage que j’ai : Je suis jeune et beau, et je le sais. C’est très utile, d’être jeune et beau. Cela permet d’impressionner les autres, et le peuple. Les hommes antipathiques, laids, et couverts de cicatrices ont souvent des ennuis en politique.
Pour ça que je n’ai jamais aimé être au front, à la guerre.

Il me pose des questions sur le panorama. Je me retrouve à hausser les épaules, en ricanant.

« Vous vous y connaissez mieux que moi, maître Monart. Je ne serai pas un cuistre qui vous dira comment faire.
J’ai hâte de voir comment vous rendrez honneur à la beauté de ma sœur. Il faut dire que nous, les Bohains, avons été bénis par la nature. À croire que l’épouse de Lothaire de Bohain était une Fée Mördwym. »


Et vu la superstition des gens, je suis sûr que ce ne serait même pas un bobard pour pas mal de gens.

« Pas vrai, mon oncle ?
Qu’en dites-vous, mesdemoiselles ? »
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MessageSujet: Re: En attendant le sacre En attendant le sacre - Page 2 Icon_minitimeMar 28 Jan - 7:51
Jean fût surprit par la question de son neveu. Edgar Monart le mettait un peu mal à l'aise.

« Euh, oui mon neveu. »

Les jeunes femmes gloussèrent en choeur.
Le peintre excentrique continuait son numéro de charme.

« Je suis malhonnête monseigneur, mais avec vous je n'aurais point besoin de mentir.
Si vous le permettez, j'aimerais vous inviter à mon atelier. Pas celui de Soulans, non, ce n'est qu'un vestibule, je vous parle de ma résidence en Gévologne, près de Vézier. Je voudrais vous le faire visiter et vous montrer mes œuvres.
Evidemment, je rangerais les peintures de votre sœur nue.
 »

Blanche leva les yeux au ciel, le sourire en coin.

« Mon frère m'a déjà vu nue sieur Monart, il ne sera pas choqué.
- Peut être mais vous avez bien changé depuis vos 15 ans.
- Arrêtez donc de dire des sottises !
 »

Au milieu des courtisanes, les yeux d'Arda lançaient des éclairs à son amant. On ne pouvait pas vraiment dire qu'elle était amoureuse de Eudes, il était plus un ravisseur pour elle, qui l'avait traîné de force dans son pays lointain, mais elle n'aimait pas trop qu'il charme ouvertement d'autres femmes devant elle. Eudes était son point d'accroche dans ce pays étranger, s'il venait à se détourner d'elle pour s'enticher d'une autre, il en serait fini.
Monart continuait, faisant de grands gestes théâtraux pour accompagner ses paroles.

« J'aimerai vous peindre monseigneur ! Vos traits m'inspirent ! Je vous imagine dans une composition guerrière, vous, droit et fier, la tête couronnée d'or, le torse nu et bombé, à la main, une épée, de l'autre, un bouclier, et sous votre botte, le cou d'une vouivre terrassée ! Le tout derrière un décors de furie et d'ombres, entrelacé de lumière et d'anges !
Le vouivre, vous l'aurez comprit, représenterait symboliquement les infidèles vaincus.
J'ai un marché à vous faire monseigneur, je vous peints gratuitement et en échange vous me laissez épouser votre sœur !
- Mais vous êtes déjà marié maître !
Intervint Blanche, amusée des projets du peintre.
- Oh oui, je le suis huit fois, dans huit pays différents. Mais je ne le suis pas encore en Cahogne !
- Je ne saurais satisfaire votre appétit.
- Aucune d'elle ne le peut, c'est bien pour ça que j'ai huit femmes !
 »

Jean était un peu gêné par cette discussion, en tant qu'homme d'Eglise et en tant qu'oncle. Edgar Monart voyait bien la détresse dans les yeux de l'évêque.

« Ne vous inquiétez pas monsieur l'évêque, je plaisante évidemment, Blanche est déjà bien trop vieille pour moi !
- C'est agréable, merci maître.
 » répondit Blanche en simulant sa contrariété.
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MessageSujet: Re: En attendant le sacre En attendant le sacre - Page 2 Icon_minitimeMar 28 Jan - 16:18
Monart m’impressionne. La liberté avec laquelle il dit des propos qui lui mériteraient le cachot dans la cour de n’importe quel autre prince m’amuse ; C’est un putain de vaurien, il a beaucoup trop de culot pour son bien. Et c’est un génie. On ne contrarie pas les génies. Des comme lui, on n’en aura pas d’autres de ma vie humaine. Il est précieux.
Beaucoup de Cahons sont des judicaliens vulgaires et grossiers pour qui le bon goût c’est les jeux taurins et les chansons paillardes. Avec Monart on est en compagnie de quelqu’un qui a plus de classe tout de même.

Mon sourire disparaît. Je fronce les sourcils. Je prend une mine de haine, et ma voix se faite menaçante.

« Prenez bien garde à la teneur de vos propos, maître. Les Bohains sont des gens changeants, et le Duc pourrait bien prendre certaines paroles comme extrêmement vexantes. »

Qu’est-ce qu’il y a de vexant dans ce qu’il vient de dire ? Vouloir épouser ma sœur ? Lui indiquer qu’elle est vieille ? Se vanter de la voir nue ?
Je fais un pas en avant et fait comme si je chuchotais, alors qu’en réalité, je parle bien assez à voix haute afin que tout le monde entende.

« À parler ainsi de ma sœur, vous me rendez jaloux. »

Gros sourire carnassier en coin. Je ris à ma propre blague. Je tourne alors mes yeux vers tonton, qui a vraiment pas l’air dans son assiette. Je rigole de plus belle.

« Allez, mon oncle, on plaisante ! Ce ne sont que des blagues. »

Je croise aussi le regard d’Arda. Pour le coup, ça me fait disparaître mon petit sourire et je prend soudain une mine beaucoup plus sérieuse. Elle me terrifie, à me regarder comme ça.

« Voyez mesdemoiselles, c’est de votre faute ! Vous mettez mon pauvre oncle dans l’embarras, c’est que c’est un pieux homme d’Église ! Je vais devoir vite l’arracher à vos mains afin de venir en aide à son âme mortelle !
Blanche, nous nous reverrons donc ce soir. Mesdemoiselles. Maître. »


Je fais une petite révérence à la compagnie de ma sœur avant d’indiquer à Jean de me suivre. J’ai un grand sourire tout le long. Je sens que le pauvre gus est mal à l’aise.
Je change vite de sujet.

« Depuis mon retour en Cahogne je m’empâte. Je passe ma journée vissé sur un fauteuil à bouffer, ça m’énerve.
Je comptais aller faire un peu d’exercice. Je vais inviter les cousins, Raymond et Hubert, à me suivre dans une chasse. J’aimerais bien inviter des gens de la cour aussi – Pierre d’Annequin, par exemple, et puis quelques petits chevaliers qui aimeraient bien se faire voir du duc.
Est-ce que cela te dit de nous accompagner ou bien tu préfères te reposer au palais ? »
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MessageSujet: Re: En attendant le sacre En attendant le sacre - Page 2 Icon_minitimeJeu 30 Jan - 0:23
« Merci mon neveu, mais la chasse n'est pas pour moi. Je suis un homme d'église et... enfin tu sais très bien que je préfère rester me reposer. »

Jean accompagna son honnêteté d'un petit sourire. Il était inutile de mentir à son neveu en prétextant son statut de clerc, non, Jean n'avait tout simplement pas envie de s'épuiser après un cerf.
Eudes quitta son oncle ici et rejoignit Raymond qu'il savait dans sa chambre. Il fût ravie de la proposition de son cousin.



Avec quelques hommes, Eudes s'était éloigné pour rejoindre la forêt ducale de Soulans. Ce bois réservé à la chasse, était la propriété du duc dont il avait l'unique jouissance, aucun paysan du coin n'étant autorisé à y entrer, à y prendre le gibier ou à y promener ses bêtes.
Le duc de Cahogne s'était entouré par ses cousins Raymond d'Espérac et Hubert de Vaudrincourt, ainsi que par Pierre d'Annequin, le fils du connétable, Sébire Tancarvelles et Odilon le Chétif, le chambellan.
Ils étaient accompagnés par la meute de chiens de chasse du duc et plusieurs auxiliaires, dont le grand veneur, l'officier de l'hôtel ducal chargé de l'organisation des chasses.

Raymond était tout heureux de pouvoir chasser de nouveaux avec Eudes. Depuis 5 ans il attendait ce moment qui lui rappelait leur jeunesse. Mais bien qu'il ait lui même proposé l'activité, Eudes n'avait pas vraiment cœur à chasser. Il était distrait, la tête ailleurs, parlait peu et regardait parfois dans le vide, l'air un peu inquiet.
Après être ressorti des appartements de Raymond, le duc avait croisé son amante qui l'attendait dans les couloirs du palais. Il avait bien vu sur la terrasse comment Arda le regardait avec ses yeux noirs chargés d'éclairs. Il avait prit ça pour de la jalousie.
C'est alors que sans afficher la moindre émotion elle lui lança :

« Je suis enceinte. »
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MessageSujet: Re: En attendant le sacre En attendant le sacre - Page 2 Icon_minitimeJeu 30 Jan - 15:13
La nouvelle d’Arda eut l’effet sur moi d’un très bref choc. Je me suis mis à regarder mes pieds, un peu honteux. C’est une des rares personnes envers qui je peux me permettre d’être soudainement honnête. Je peux sentir chez elle sa rancune, et son manque de patience. Mes croisés ont brûlé la ville dans laquelle elle vivait, passé par l’épée les gens qu’elle aimait. Je l’aie arrachée à son pays en lui promettant, en échange, que je la traiterai bien, et dignement.
Je n’ai toujours pas respecté ma promesse.

Au fond, qu’elle m’apprenne qu’elle est enceinte n’est pas aussi terrible que ça devrait l’être. J’ai déjà un fils. Ce qui m’ennuie, c’est si je pourrai être un bon père pour lui.

J’attrape les mains fuyantes d’Arda, et la regarde droit dans les yeux.

« Si tu souhaites le mettre au monde, sache qu’il ne manquera jamais de rien. Je le reconnaîtrai. Comme je reconnaîtrai Albert.
Avant la fin de cette année, je te présenterai à la cour. »


Les promesses sont faciles. Et elles n’engagent que ceux qui les croient. Je viens de promettre deux choses différentes, à Espien et à Arda. La raison d’État et la raison du cœur.

Et je ne peux plus jouer la montre. Les enfants ne nous attendent pas pour grandir.
Il faut vite que je me marie.



Je suis parti à la chasse avec un mauvais air, et des idées qui m’embrouillent. Je ne suis ni en colère, ni triste. Juste mal à l’aise. Une petite partie de moi est étrangement heureuse à l’idée d’avoir un nouvel enfant. Je suis amoureux d’Arda, ça je n’ai pas menti à Espien. Et j’aime Albert. Mais il est encore à l’âge où il ne sait pas parler. Je souhaite le voir grandir, et pas caché au milieu de femmes, parmi les courtisanes de Blanche.
Les secrets nous forment. On est ce qu’on choisit de révéler sur soi. J’avais dis à Espien que j’étais un homme de bien peu de secrets : Je me rend compte qu’en réalité, ce n’est pas la quantité qui compte.

« Vous vous y connaissez en chasse, Odilon ? »

Je dis ça pour me changer les idées, alors que je tapote l’encolure de mon destrier.

« Je me souviens que je passais mon enfance dans ces bois. Tu te souviens Raymond ? Bon sang, ce qu’on foutait le bordel, avec Claude et Lothaire.
Et Hugues... Hugues nous a ramené un Dix-Cors une fois. J'ai jamais réussi moi. »
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MessageSujet: Re: En attendant le sacre En attendant le sacre - Page 2 Icon_minitimeVen 31 Jan - 15:40
« Bien sûr monseigneur, répondit Odilon, j'accompagnais souvent votre père à la chasse. C'est lui qui m'a tout apprit. Mais je suis plus attiré par la chasse au faucon que la chasse à cour, je vous l'avoue. »

La troupe traversa une clairière, un puits lumineux au milieu de la forêt assombrie par la dense canopée. Raymond et Hubert ouvraient la marche. Les deux hommes avaient l'air de bien s'entendre, Raymond était un peu le grand frère dévergondé et rieur, Hubert le jeune coincé et timide. Mais bizarrement, ces deux personnalités opposées se complétaient.
Fermaient la marche Sébire Tancarvelles et Pierre d'Annequin qui ne s'adressaient pas un mot. Au milieu, Eudes et Odilon.
La forêt était empreinte d'une atmosphère nostalgique, comme si Eudes avait voyagé dans le temps pour revenir dix ans en arrière. Tout ici lui rappelait son enfance : l'odeur des arbres, le bruit des feuillages balayé par la brise, la brume légère qui s'élevait du sol, le chant des oiseaux...

« Oui je m'en souviens parfaitement. Ce sera peut être ton jour de chance aujourd'hui Eudes ! »

Mais pour le moment, les chiens n'avaient flairé aucune piste de gibier, au grand dam du veneur et de ses auxiliaires qui étaient un peu honteux de ne trouver aucune bête à poursuivre pour la première chasse du duc depuis son retour.
Ils sortirent de la clairière pour entrer à nouveau dans l'épaisseur de la forêt. Ils longèrent un ruisseau qui sillonnait au milieu des arbres jusqu'à atteindre une petite chapelle de pierres lézardées entrelacées de branches montantes et recouvertes de mousse. Elle renfermait la statuette d'une sainte.  
Hubert arrêta son cheval près de l'édifice.

« C'est la stèle de sainte Marguerite. Je propose qu'on fasse une halte pour prier, en espérant que Dieu nous soit favorable en nous envoyant un gros cerf.
- Je n'ai pas besoin de l'aide d'une sainte pour chasser le cerf sire Hubert,
contesta Raymond en riant.
- Si nous nous arrêtons ici il faudra faire attention aux lutins,
intervint le jeune Pierre, ils pourraient venir nous voler. Ils sont intelligents et vifs.
- Il n'y aucun lutin qui vit dans cette forêt,
répondit sèchement Sébire, on ne les trouve que dans les bois de Souaix.
- Mon père en a déjà vu ici.
 »

Par tradition familiale, Sébire et Pierre rapporté ici la querelle qui opposait leurs maisons.
Odilon s'approcha discrètement de Eudes et lui parla à voix basse.

« Tout va bien monseigneur ? Je vous sens préoccupé. »
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MessageSujet: Re: En attendant le sacre En attendant le sacre - Page 2 Icon_minitimeVen 31 Jan - 22:38
J’agite la tête à la phrase d’Odilon.

« C’est un art bien noble, la fauconnerie. J’ai toujours été plus intéressé par ça que la chasse à la lance, pour tout vous dire.
Mais bon, quand on est un jeune homme noble, faut prouver qu’on est viril et fort, qu’on a pas peur de charger un sanglier. Lothaire ou Raymond ils ont jamais hésité à charger comme des fous, moi, disons que j’ai toujours été plus… Mesuré. »


Ou pétochard. Ça dépend d’à qui vous demandez. Je pense que tonton Jean a raison, j’ai toujours été un peu plus spécial comparé au reste de la famille. Je suis un beau jeune homme en pleine forme, mais j’ai les mains douces, j’ai jamais aimé particulièrement la bagarre. Alors que la bagarre, ça forme toute la jeunesse d’un noble chevaleresque. Encore plus chez les Cahons.
Heureusement que mes frères et ma famille m’ont toujours aimé.

En tout cas, c’était une bonne idée que j’ai eu d’aller me détendre. De renouer avec mon passé, et mes racines. De profiter du beau temps. Même si on ramène pas un dix-cor, au moins, ça aura changé de l’ambiance pesante à Soulans, des intrigues et des complots, des préparations militaires et des pétitions à signer.

On arrive devant une petite chapelle. Raymond est assez cynique, plus que Hubert. Moi ça me fait ricaner.

« Allons, Raymond. Faut toujours avoir le plus de cartes possibles dans sa manche. En plus des chiens et des yeux alertes de notre veneur, si on peut avoir l’assistance d’une Sainte, pourquoi pas ? »


Je retire mes pieds de mes étriers et tombe à terre. Je prend mon cheval par les rênes et trouve un tronc d’arbre autour duquel le nouer. Je m’approche alors de la stèle, paré à prier, lorsqu’Odilon vient m’embêter un peu à part, alors que j’allais rejoindre Hubert qui s’apprêtait à prier. Je grimace.

« Oui… Quelque chose d’inquiétant me tracasse. Une bêtise personnelle qui risquerait d’influencer la Cahogne.
Permettez que je vous en parle un peu plus tard ? »


Je ne sais pas encore si je fais confiance à Odilon. Mais si Espien est déjà au courant, autant que lui aussi le soit.
Je m’approche donc de la stèle, où je rejoins Hubert dans sa petite prière. Je le laisse raconter, je dis juste « Ainsi soit-il » à la fin, il est plus inspiré que moi niveau religion.
Alors que nous avons à présent l’aide de Sainte-Marguerite, je peux voir comment derrière moi ça se dispute. La Damoiselle Sébire est aussi sanguine que sa famille, tandis que le tout jeune Pierre d’Annequin a le même air déterminé que son paternel.
Je ne peux pas m’empêcher de rire – je n’arrête pas de rire quand je suis en public – à les voir ainsi se chamailler pour une affaire de lutins.

« Regardez-moi ça mes cousins ! Tancarvelles et Annequins, vous les mettez tous les deux ensemble et ils n’arrêtent pas de se chamailler, sur n’importe quoi, n’importe quand, n’importe où ! On dirait l’eau et l’huile ! »

Je tape dans mes mains et les frottes vivement, tandis que j’approche les deux zigotos avec un grand sourire à pleines dents.

« Le bon Dieu est facétieux. Il m’a donné les deux familles les plus nobles, les plus valeureuses et les plus chevaleresques de l’Empire, et il a décidé qu’elles ne s’aimeraient pas !
Allons donc, de toute manière, ce n’est pas des lutins que nous devrions avoir peur. C’est plutôt des Fées. Il y en a plein dans ces bois, pas vrai Raymond ?
Ou alors non, je confonds, c’était la fille d’un forestier que tu as courtisé la dernière fois qu’on était venus ? »

Grand sourire à mon camarade.
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MessageSujet: Re: En attendant le sacre En attendant le sacre - Page 2 Icon_minitimeSam 1 Fév - 15:51
Raymond ria d'un rire franc. Ce rire reconnaissable entre mille que Eudes n'avait plus entendu depuis 5 ans.

« Fée ou filles de forestiers peu importe, tu sais bien que j'étais trop soul pour me souvenir.
Allons donc, la pause sainte est terminée, un dix-cors nous attend !
 »

Raymond, qui n'était pas descendu à terre pour prier avec les autres, tira sur la bride de son cheval pour lui faire reprendre le chemin. Au loin, les chiens et les aides du grand veneur de la cour parcouraient toujours les bois à la recherche d'une piste.
Hubert regarda s'éloigner l'héritier du Landéron en fronçant les sourcils. Il aimait Raymond, mais son manque de piété le dérangeait. A son tour le comte de Vaudrincourt remonta en selle.
Même si la chasse n'était pas fructueuse, la ballade en forêt était agréable.
Hubert s'approcha d'Eudes, l'air un peu embarrassé. Il avait toujours cette expression là sur le visage lorsqu'il voulait demander quelque chose.

« Cousin Eudes, monseigneur, j'aimerai en profiter pour vous parler d'une chose... Voilà... j'ai 16 ans comme vous le savez et il se trouve que vous régentez mon héritage depuis que je suis petit. Je vous en remercie, je sais mon patrimoine entre de bonnes mains, mais voyez vous.... je... je ne suis plus un enfant aujourd'hui et je pense être en age de gouverner. »

Hubert se remit à bégayer. Il avait le regard fuyant, craignant la réaction du duc. Il prit une grand inspiration et se lança enfin :

« J'aimerai que vous me faisiez l'honneur de me faire chevalier pour que je sois reconnu en tant qu'homme et que je puisse gouverner seul mon comté. »
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MessageSujet: Re: En attendant le sacre En attendant le sacre - Page 2 Icon_minitimeDim 2 Fév - 15:01
La « pause sainte »… J’ai beau être un bien médiocre triaphysiste, je passe pour un exemple de piété et de dévotion à côté de Raymond. C’est ironiquement pour ça que je l’aime. J’ai toujours apprécié les gens marginaux, irrévérencieux, qui sont pas à leur place. Je les trouves passionnants. Comme ce frère Paul, un moine trop cynique pour la robe de bure. Comme Odilon, ce chambellan qui ne se contente pas que de gérer le linge de lit. Ou alors, cette damoiselle Sébire, une femme qui porte un pantalon d’équitation et un doublet, comme un homme.

Je cavale donc. Moins vite que les autres. Je profite de la ballade plus que je suis pressé de tuer un cerf, pour dire toute la vérité. Et visiblement, ça a l’air de profiter à certains. Hubert vient me voir, et, toujours aussi incertain et mal à l’aise, il se met à venir me réclamer quelque chose. Je le regarde avec les sourcils bien froncés, une lueur de hargne dans mon visage.

« Te faire chevalier ? Là, maintenant, ici, dans ce bois ? »

Puis je me déride, et sourit. Ce n’était qu’un moyen de le faire paniquer.

« Bien sûr que oui tu entres dans l’âge d’être chevalier ! Lorsque j’avais ton âge, j’ai pris la croix pour rejoindre ton père, c’est la fougue de la jeunesse, le moment où l’on doit se prouver. Et tu ne pourrais me faire plus grand honneur en revêtant les éperons et en accrochant pennon à ta lance. »


Je repose mes mains sur les rênes de mon cheval.

« Malgré tout, je ne peux pas accéder à ta demande. Pas encore. Je t’ai nommé maréchal en l’absence de Rodrigue, il y a une raison : Je crois que le Seigneur, parfois, cherche à nous tester par le destin. Si Rodrigue de Saint-Saëns s’est fait capturer par le mercenaire Malestoit, c’est qu’il y avait une raison. »


Je ne crois pas un traître mot de ce que je dis, mais je sais que mon cousin est un homme affable et pieux, donc sortir des bondieuseries est de bon ton.

« C’est un homme cruel, violent et hargneux, qui est puni pour ses péchés. Le Seigneur m’offre une occasion de te voir être testé, de vérifier ton audace et ton élan, de prouver que tu es un véritable chef de troupe au cœur vaillant, la nouvelle génération qui va remplacer les vieux intrigants comme Charles d’Annequin ou Mauger de Tancarvelles.
Je t’adouberai, Hubert ; Mais je t’adouberai sur le champ de bataille, où Dieu aura rendu son jugement par une ordalie de milliers de lances. Lorsque nous aurons vaincu la chevalerie de Valais, lorsque tu m’auras mit Landebroc dans une cage de fer, tu t’agenouilleras et je te donnerai l’accolade sur ton épaule. Alors, tu seras un véritable chevalier, et la Cahogne toute entière se souviendra de toi pour des générations.
Qu’en dis-tu ? »


Je cavale un peu plus en avant une fois ma discussion finie. Les chiens n’ont pas encore aboyé comme des fous furieux, ils ne trouvent pas encore de piste, je dois avoir quelques instants à profiter avant qu’on se mette à courir ventre à terre dans les bois.
Je me met au niveau de Sébire de Tancarvelles. Je vais la voir avec un petit sourire en coin, et prend une voix plus douce que d’ordinaire.

« Ma damoiselle, nous n’avions pas eu l’occasion d’être présentés. Vous n’étiez pas à Soulans avant mon départ pour la Croix ? »
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