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Armarius
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MessageSujet: Re: La guerre du Vaujour : Claujacques La guerre du Vaujour : Claujacques - Page 2 Icon_minitimeDim 7 Fév - 13:11
Charles d'Annequin acquiesça d'un signe de tête.

« Bien entendu monseigneur, il est toujours bon d'honorer Dieu avant une bataille.
Votre chapelain personnel étant resté en arrière, je vous propose mon propre clerc pour administrer le service. Je propose une messe dans la chapelle du camp et une procession de nos reliques suivi par votre oriflamme pour appeler sur nous la protection des saints.
 »

Tous étaient d'accord. Ils étaient chevaliers et parfois leur comportement était loin d'être en accord avec les préceptes de l'Eglise, mais ils devenaient superstitieux à la veille de chaque bataille et craignaient les volontés divines.

« Si vous voulez d'ailleurs vous confesser avant l'assaut, mon chapelain sera bien entendu tout disposé à vous entendre mon seigneur. » dit-il en affichant un large sourire pour plaire à son suzerain.
Eudes II de Cahogne
Eudes II de Cahogne
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MessageSujet: Re: La guerre du Vaujour : Claujacques La guerre du Vaujour : Claujacques - Page 2 Icon_minitimeMar 9 Fév - 18:26
Évidemment, la confession est un sacrement liturgique, et il ne viendrait jamais à l’esprit du chapelain personnel du sire connétable de répéter ce que je pourrais lui avouer afin d’obtenir le pardon et la rémission de mes fautes…
…Mais j’avoue que je préfère parler à un chapelain que je connais un peu plus, si je dois dire à quelqu’un tout le mal que j’ai commis sur Terre.

« Merci pour votre offre, sire connétable. Ce serait avec grand plaisir. »

J’ai bien quelques menues fautes sans importances à aller lui dire — que j’ai déjà pensé à des femmes de manière licencieuse, sans préciser lesquelles ; que j’ai mangé un morceau de saucisson un jour maigre ; que je me suis moqué d’un ami qui est tombé de sa selle lors d’une chasse… Que des fautes menues, communes, et qui n’ont rien à voir avec les vices dont je suis véritablement épris.
Le fait que je vive de manière débauchée, en couchant avec des femmes qui ne sont pas mes épouses. Que j’éprouve des sentiments proches de l’ignoble envers ma propre sœur. Que je négocie avec des serviteurs de la Pègre, au sein de ma propre ville. Que je manipule mes seigneurs pour qu’ils se dressent les uns contre les autres. Que je mens à un prélat de la foi. Que je discute, sans trop de peine, d’un projet de faire assassiner un de mes loyaux serviteurs avec un autre.
J’aime me dire que ce sont là des fautes qui appartiennent aux princes. Que nous autres, dirigeants, sommes sur un autre niveau d’intégrité que le commun des mortels. Mais je me dis surtout ça pour me rassurer.

Je n’ai jamais voulu être Duc.

J’aurais aimé finir ma vie dans le Ponant. J’aurais aimé épouser une princesse d’Outremer. J’aurais voulu entretenir un harem de courtisanes, et finir mes vieux jours dans une orangeraie, à étudier les arts et les sciences, à tomber en pâmoison devant des animaux exotiques dont les moines de l’Abbaye Rouge ne peuvent qu’imaginer en dessinant leurs enluminures.
Toute ma vie, j’ai vécu dans l’ombre de Hugonnet. Mon grand frère était plus pur, plus preux, plus beau, plus sage que moi, on n’a cessé de me le répéter. Lorsqu’il est mort, mon crétin de père n’avait que son nom à la bouche. Je lui en veux, autant que j’en veux à mon frère aîné de m’avoir laissé seul. Les morts on leur pardonne toujours tout. Mon père était un incapable, un incompétent, un lâche qui a laissé la Cahogne faible, humiliée, soumise à des semi-chevaliers comme Landebroc, des coupes-jarrets comme Malestoit, des puterelles comme ma cousine du Porez ; mais parce qu’il est mort, soudainement, tout le monde le retient comme un bon monarque pieux et sagace.

Je n’en veux même pas du Vaujour. Je ne veux pas écraser ses gens, je ne veux pas de cette région remplie de gens qui me haïssent. Je suis ici parce que ma noblesse me presse, parce que je dois prouver quelque chose aux Franges, voire à l’Empire tout entier. Le Prince de Cahogne ne peut pas échouer devant ses plus minables ennemis.
Je dois vaincre. Mais ce n’est pas le glaive de Dieu qui me dirige. Je ne suis pas insufflé par le Verbe, je n’accomplis pas la volonté des Trois. Tout ça c’est des conneries. C’est Eudes de Cahogne qui le veut. Moi-même. Le ridicule humain qu’on a élevé avec un peu d’huile et une couronne plaquée or.

Il n’empêche que l’on a une messe. Si moi je ne gobe pas les conneries qu’on y prononce, je me plie au rituel. Je m’agenouille, je fais preuve d’une humilité grotesquement feinte — comme un prince d’Empire pourrait être humble ? Je participe à la Gratitude, écoute les chants en langue morte, et lorsque je m’élève devant l’autel, c’est pour y placer des deniers d’argent pour symbole de la Sainte Offrande. Il ne faudrait pas que les prêtres oublient de s’enrichir par eux-mêmes. Si je vaincs dans le Vaujour, il sera nécessaire d’offrir des présents bien plus formidables.

Quelques Housecarles sont présents dans la tente. Certains ont été convertis. Mais beaucoup attendent patiemment dehors, en rangs. Lorsque je sors de la tente, ils se dressent tous au garde-à-vous, et deux d’entre eux marchent derrière moi avec la hache contre l’épaule. Je croise une bande de fantassins qui reçoivent eux aussi les grâces. Ils sont tous les deux genoux par terre, les mains liées, pendant qu’un semi-prêtre pérore dans une langue qu’il maîtrise à peine. Même les vilains et les mercenaires ont une foi.

Le grand trébuchet est élevé au loin. C’est vers là que je me dirige. Des servants sont en train de soigneusement vérifier les boulons et les vis. Un ingénieur observe les boulets taillés que de solides bonhommes font rouler près de la corde. Il y en a dont la sphère a été recouverte de paille, et qu’on recouvre d’un liquide avec une cuillère — c’est pour les enflammer, dans le ciel de la nuit, l’effet sera terrifiant.

Je suis tout recouvert de mon armure, à l’exception des gants, des mitaines de fer et du grand casque. C’est deux tout jeunes pages, des petits nobles de la cour, qui se chargent de les porter derrière moi. Le casque est la pièce la plus importante, c’est un magnifique heaume avec des tortils et un lambrequin, couleur ocre-or, et un cimier constitué d’une fleur-de-lys, qui marque aussi les fentes dorées.
Mon état-major me suis juste derrière. Mon ventre commence à se serrer. J’observe le donjon de la forteresse que l’on doit prendre, et je me rends enfin compte de l’affaire qui nous attend.
Alors, je demande une aide bien plus sérieuse que celle divine :

« Qu’on m’apporte du vin ! »
Armarius
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MessageSujet: Re: La guerre du Vaujour : Claujacques La guerre du Vaujour : Claujacques - Page 2 Icon_minitimeMar 16 Fév - 16:24
L'armée se mit en place : cette nuit, Claujacques allait tomber et avec elle Malestoit et ses sbires.

Alors que Beaucoeur et les siens étaient tapis dans l'ombre, les troupes du connétable Charles d'Annequin étaient bien en vu, éclairées par des centaines de torches pour bien montrer l'agitation qui se préparait. La diversion ne manqua pas et l'on vit plusieurs mercenaires s’agglutiner sur les murailles Sud, laissant dépeuplées celles surveillant la barbacane secondaire, celle-là même que devait ouvrir une petite troupe d'élite en empruntant le chemin dérobé qu'avait indiqué le sire de Pene-Penac.
C'était une bataille dangereuse qui s'annonçait pour le duc, car devant lui se tenaient des routiers, des gens sans foi qui n'hésitaient pas à tuer, tout ignorant de l'honneur des chevaliers animés par l'idéal chevaleresque. Même les Sanlars qu'avait combattu Eudes en Ponantique avaient de l'honneur, partageant bons nombres des valeurs de la noblesse de l'Empire. Qu'un de ces écorcheurs réussissent à faire tomber le duc de son cheval pour lui entrer un coutelas entre les failles de son armures et il en serait terminé du règne de Eudes II, commencé il y a trois mois seulement.
C'est pour cela qu'autour du duc se tenait serrée sa garde housecarle, comme les mailles d'une armure vivante, gardiens du corps sacré revêtu du saint chrême. Mais si le vêtement de Dieu était une bonne armure spirituelle, elle n'allait être d'aucun secours contre la lame d'un routier.

A l'abri des bois et du relief qui cachaient les troupes du maréchal Richard Tancarvelles, le duc attendait patiemment qu'on lui ouvre les portes de son château.
De l'autre côté, le connétable s'affairait à préparer un faux assaut.
Construit en seulement une semaine et dans un bois médiocre, le trébuchet n'était pas aussi majestueux qu'il aurait dû être et l'on craignait qu'il ne se brise au premier tir. Il n'avait rien à voir avec la "grosse berthe", le légendaire trébuchet déployé par les armées d'Hugues Ier pour prendre la ville de Marameth et dont les récits de la croisade du martyr faisaient l'éloge. Eudes aussi en avait vu des mieux construits lors des sièges en Ponantique, les croisés étant devenus des maîtres dans l'érection des engins de guerre. Quoi qu'il en soit, et ce malgré la modestie de la machine, le trébuchet allait être suffisant pour insuffler la peur chez les mercenaires de Malestoit. Car là était sa véritable fonction, plus que de percer les murs de la forteresse, elle était là pour percer le courage des cœurs les plus valeureux.
D'Annequin entraîna ses troupes à cogner leurs armes contre leur bouclier, provoquant un terrible brouhaha qui annonçait la tempête. Mais les mercenaires ignoraient que le vent n'allait pas frapper de ce côté.

Soudain, une flèche enflammée illumina le ciel, jusqu'à sembler perforer la lune. C'était le signe que le duc attendait : la porte de la barbacane secondaire était ouverte, l'heure de la bataille avait sonné.

« Par les Trois mon seigneur, appliquons la divine justice ! » s'écria Beaucoeur.

Ce qui allait se déroulait ici était un simple prélude à la vraie bataille que le duc allait devoir mener contre Landebroc. C'était l'occasion de voir si Dieu soutenait son héraut, le bras de sa justice en Cahogne.
Eudes II de Cahogne
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MessageSujet: Re: La guerre du Vaujour : Claujacques La guerre du Vaujour : Claujacques - Page 2 Icon_minitimeSam 20 Fév - 12:09
Ce qui me tire de ma torpeur, c’est le vacarme.

Nous sommes cachés sous les arbres, tapis dans l’obscurité d’une nuit sans lune — on ne voit pas à dix pas. Tout ce qui permet d’être certain que nous sommes entourés de dizaines de camarades, c’est des petits bruits : un cheval qui éternue, un autre qui bouge un peu sur ses pattes, entraînant le cliquetis d’une bride. Et puis il y a cette odeur, cette odeur forestière, de sève et de sous-bois.
Personne ne parle. Personne n’a envie de parler. Les vétérans s’endorment un peu sur les selles de leurs chevaux. Les novices s’impatientent, serrent des dents en même temps que leurs mains qui saisissent bien les rênes de leurs bêtes.

Mais il y a un vacarme.

Des cors, et des tambours. Des armes qu’on frappe contre des boucliers, et des cris de guerre si lointain qu’on n’arrive pas à véritablement distinguer autre chose qu’un hurlement désincarné.
Mais nous sommes-là, à attendre, la belle chevalerie de Cahogne.

Je regarde à ma droite. Beaucoeur est en train de prier. J’aperçois juste sa silhouette dans la nuit, mais il a lié ses mains, et ses lèvres bougent dans un murmure contemplatif. La messe improvisée ne lui a pas suffi : il a besoin de savoir que Dieu est avec lui.
Mon ventre se serre. Mon cœur bat bien vite.

Je suis nerveux. Et pour une raison que j’ignore, je me mets à penser à mes sœurs.

« Vous devez tous en vouloir au Duc de Cahogne, pas vrai ? »


C’est moi qui parle. Je trouble le silence d’outre-tombe qui s’est emparé de tous les hommes d’armes camouflé. D’un ton railleur, je me penche un peu sur ma selle pour parler à tous ceuxqui se trouvent derrière moi.

« Je vous ai promis une glorieuse ordalie, et à la place, voilà que vous attendez dans le noir !
Ça va bien ? Pas trop froid ? Dans le désert d’outre-mer, on se les gelait la nuit — alors qu’on passait nos journées à transpirer. De quoi être fiévreux. »


Le vin m’est monté au nez. J’ai un peu trop forcé sur le courage liquide. Je m’en suis enfilé plusieurs godets, qui m’ont rendu pompette. Si seulement on était pas dans le noir, tout le monde pourrait voir à quel point j’ai la face rougie.

« C’est pas une bataille qui vous attend, messeigneurs, mesdamoiseaux ; c’est une curée aux chiens errants. Les cottereaux qu’on va affronter, c’est même pas des êtres humains — c’est une bande de sergents sans foi ni loi, de la chienlit vomie de la Géhenne. Y en a de plus en plus de ces raclures, à travers l’Empire : des gens qui tuent pour de l’argent. Pas pour Dieu, ni pour le pays, juste pour des pièces.
Un jour, un jour terrible, messeigneurs, mesdamoiseaux, les preux chevaliers laisseront leur place à ces raclures. Nous vivrons dans des pays de piquenaires et d’arbalétriers. Mais pas ce soir.
Ce soir, je vais vous demander de décoller tous ces bâtards. Vous allez rétablir le vrai ordre des choses. »


J’entends pas de réponse, alors je crie plus fort.

« Vous m’entendez ?!
Dites-moi que vous allez buter ces chiens sans aucune pitié ! »

C’est des jeunes chevaliers que fusent les réponses à mes aboiements : « Oui monseigneur ! » « Sus aux brigands ! » « Cahogne ! »

« Y a encore quelques mois, j’étais en train de faire mon devoir de l’autre côté de l’Océan !
Soyez tous témoin de ce que je dis ici : Je n’ai jamais voulu être Duc ! Je répugne mon devoir ! Je hais Soulans et ses gens, je hais le Parlement et tous les bourgeois qui achètent leurs offices !
Mais puisque Dieu m’a forcé à hériter, vous pouvez être sûrs et certains que je vais botter le cul de tous les ennemis de Dieu et du Duché ! Et vous allez le faire avec moi, chevaliers ! Parce que c’est sur vous que repose mon trône, pas sur tous les courtisans et les officiers de mon palais ! Il est temps pour l’Empire de se rappeler ce qui a fondé notre pays !
La Furie Cahonne ! »


Cette fois-ci, mes invectives recueillent beaucoup plus d’enthousiasme, même chez les vieux. « Montjoie ! » « Le Duc et le Pays ! » « À Mort ! »

Je regarde à nouveau tout droit. Je soupire longuement.
Je suis très fort pour crier comme un crétin. Pour instiguer la haine et instiller la rage chez les autres. Mais moi, est-ce que je suis vraiment pétri de ça ?
Est-ce que je souhaite vraiment la mort d’autres êtres humains ?

Je suis un dégénéré. Un inverti. Je n’ai pas le cœur à haïr autrui.

Je me souviens de quand j’ai trouvé Arda. Je me souviens d’une ville magnifique, qui était mise à sac. Je me souviens de mon petit frère et de mon oncle couverts de sang de mamelouks, les yeux pétillants de toute la violence d’un siège qu’on venait de briser. Je me souviens de leurs regards… Des regards bovins, furieux, comme ceux des taureaux que chevauchent les Platois.
Je me souviens d’un air vicié. De fumée noire à cause de l’encre des livres qu’on brûlait.
Je me souviens des cris de bébés, qui cessaient soudain lorsque la piétaille livrée à elle-même les fracassaient contre des murs.
Je me souviens de soieries teintées de vermeil.
Et je me souviens de celle que j’aime, pétrifiée dans un coin, recroquevillée contre elle-même…

Malestoit fait partie de ces gens. Les violeurs. Les assassins. Les pillards.

Oui, je suis rempli de colère. Ce n’est pas seulement le Maurannais que je veux punir ce soir — c’est tous mes frères d’armes.
Tous les chevaliers derrière moi avec.



Le silence nous regagne, un long moment.
Jusqu’à la flèche qui illumine le ciel.

Soudain, c’est comme si mon corps s’effondrait. J’y retourne. J’y échapperai jamais. Encore, et toujours des champs de bataille. La même trouille. Les mêmes hurlements. Non, la guerre c’est pas un tournoi — la vraie guerre, je veux dire, et c’est une vraie guerre que je réserve à mes jeunes guerriers derrière moi.
Je me retourne et rugis comme un fou furieux, en cachant bien la peine et la trouille dans ma voix.
Si le Duc a peur, comment eux peuvent-ils être courageux ?

« Battez-vous pour moi, et avec moi !
BATTEZ-VOUS POUR MOI ET AVEC MOI, CAHOGNE, CAHOGNE ! »


Soudain nous ne sommes plus dans le noir. Parce que les sergents et les meneurs de conroi lèvent leurs torches induites de poix liquide, et frappent sur des briquets en amadou pour les allumer. En quelques instants, toute la forêt s’éclaire, et l’on peut apercevoir les couleurs et les teintures sur les tabars et les étendards. On peut voir les dragons, les vouivres, les castels et les fleurs-de-lys de tout un pays. Landais, Platois, et même quelques Franc-Marchois. Ils gardent les visières de leurs heaumes, pour ceux qui ont été assez riches pour s’en acheter une, bien haute afin de découvrir leurs visages et voir ce qui se passe. Ils ne tirent pas l’arme tout de suite : mais au pas, qu’ils veulent pressant, ils partent un à un du bourbier, et rejoignent le sentier principal sur lequel ils accélèrent au pas.
Je me tourne vers Beaucoeur et le pointe du doigt :

« Menez l’assaut, sire Tancarvelles ! Allez les châtier ! »

Il me répond par un franc hochement de tête, lève le menton, et crie ordonne d’une voix tonitruante à ma mesnie de me suivre.
Et je reste là, pendant que tout le monde s’agite. Je reste là, tandis que la forêt se vide, qu’un tas d’armures de fer et de chevaux excités se forment en herse le long de la route.
Je ne suis pas assez suicidaire pour être le premier à charger. On ne me verra jamais en première ligne au combat. Je ne tire pas grande fierté de cette sale besogne.
Un de mes Housecarles l’a remarqué ; Harald, le vieux vétéran, amène son percheron en face du mien, et me salue de la main.

« Pas pressé d’aller châtier les mécréants, messire ?
– Pas pressé de crever d’un carreau d’arbalète dans la gorge. »

Il approuve mon pragmatisme d’un simple sourire : Les Housecarles n’ont aucun oripeau chevaleresque. Ils sont payés pour me défendre, ils me défendront contre n’importe quoi.

« Quand vous serez près du château, on fera un mur de boucliers autour de vous. Je pense pas que ceux qu’on affronte s’attendront à voir ça. »

Non, peut-être pas.

Lorsque je juge la forêt suffisamment dépeuplée, je décide finalement d’y aller. Je donne une caresse à l’encolure de ma monture, la rassure en lui chuchotant un petit mot à l’oreille, puis je donne deux coups d’étriers dans ses flancs. Je démarre au petit trot, suivi derrière par les claquements de sabots d’une douzaine de Housecarles montés, et derrière, de jeunes pages, des écuyers de familles grandes et mineures, qui sont en train de vivre le tout premier combat de leur vie.
Nous grimpons jusqu’au petit relief qui nous dissimule. Nous le faisons escalader à nos chevaux. Et là, devant nous, se trouve Claujacque en plein soleil, alors que nous sommes au cœur de la nuit.

C’est horrible à dire, mais la guerre a une sorte de beauté. Quand on la voit de loin, en fait. Quand on est pas au cœur. J’aurais dû proposer à Edgar Monnart de venir ici, ça le changerait certainement des quartiers de Blanche. Ce que je vois, c’est digne d’un tableau.
Claujacque brille. Elle brille au contre-jour des gros boulets de pierre recouverts d’huile et de toile enflammées que projette le trébuchet. Elle brille par les torches des assiégés. On les voit, sous la forme de silhouettes de la taille de fourmis, en train de courir d’une courtine à une autre, à décocher leurs arbalètes lorsqu’ils se penchent au-dessus des créneaux des remparts.
Je continue mon chemin jusqu’à la porte secondaire. Il y a un embouteillage devant : les chevaliers passent deux-à-deux, obligés de ralentir devant. Au-dessus, dans la barbacane, on voit un homme être poussé par deux autres, il se retient désespérément à la pierre de l’édifice, tout en hurlant. Finalement, il cède, chute en agitant ses bras et en criant soudain bien aigu : il se fracasse la tête la première sur le sol en bas. Des hommes d’armes rutilants, vêtus de peaux de bêtes et avec de longues haches brillantes, grimpent sur le toit, et agitent leurs armes pour faire sauter les crânes des mercenaires arrivés en urgence pour reprendre le contrôle de la barbacane.
Mes Housecarles sont des animaux. Je ne les avais jamais vus combattre, mais ils sont une insulte vivante à la chevalerie. Ils rient. Ils sont en train de rire. Ils grimacent, et tirent leurs langues, tandis qu’ils se jettent à l’assaut, avec leurs armes qui volent et frappent pour réduire en éclat leurs adversaires. Je n’aperçois le spectacle qu’à travers des meurtrières dans la pierre, qu’à travers des reflets de loupiottes au milieu de l’obscurité ; mais il me suffit amplement.

Finalement, c’est mon tour de passer sous la grande herse relevée. Je découvre les cadavres un peu partout. Démembrés, vidés de leurs sangs, tombés dans un coin comme les poupées qu’Alix laisse derrière elle lorsqu’elle a fini de jouer. Je suis tellement obnubilé par la vue de ces cadavres, que Harald est obligé de me donner un gros coup dans mes côtes pour me réveiller :

« Baisse la visière de ton casque, putain ! »

C’est comme si j’avais été engueulé par mon mentor, à l’époque où moi aussi était page. Sans relever le juron, je baisse bien la feuille d’acier qui protège mon visage, et dorénavant, je n’aperçois le monde qu’à travers de fines fentes posées sur mes yeux.
On ressurgit de l’autre côté. Nous sommes dans Claujacques.

Un tas de chevaux ont été rassemblés dans un coin près des murs. Des pages les gardent : des gamins de dix à quinze ans, qu’on a vêtus de gambisons et filé des fauchoirs en guise d’armes. Ils ont l’air de trembler dedans. Je pointe l’un d’entre eux du doigt et lui hurle dessus :

« Où est Beaucoeur ?! »

Le gosse se met au garde-à-vous.

« Sire Richard est en train de se battre sur les remparts, messire !
– Bien, Housecarles, en avant ! »

Je retire mes pieds des étriers et glisse sur le côté. Derrière moi, les écuyers courent pour en saisir les rênes, et les places à l’abri à l’écart.
Je n’ai pas le temps de faire plus de dix pas à l’intérieur de l’enceinte. Parce qu’immédiatement, Harald courre à mon côté et me pousse à droite ; de même, un de ses congénères fait la même chose, mais me pousse à gauche. Et je me retrouve avec des boucliers ronds qui me gardent, de tous les côtés, comme si j’étais un chat d’archer ambulant.

On trotte dans la basse-cour. Autrefois ici, il y avait un poulailler, là-bas un four à pain, plus loin une grange. Tout est en train d’être envahi. Pour suivre Beaucoeur, il suffit de retrouver les corps qu’il a semés.
Mes ordres ont été entendus au pied de la lettre : c’est rempli de morts. Des morts en traître, par surprise. J’ai enfin la confirmation de la réussite de mon plan ; Malestoit ne s’attendait pas du tout à voir sa place forte être ainsi attaquée par surprise. Les mercenaires ont été chargés dans le dos, et sans même une occasion de crier miséricorde, ils ont été jetés à terre, frappés, et saignés.

« J’en ai assez vu.

– Vous voulez pas vous battre, votre altesse ?!
– À quoi bon ? C’est plus une guerre, maintenant, c’est parti pour être une boucherie. »

Je pousse mes Housecarles pour mieux voir le donjon. Il se tient encore bien haut, bien insolent.

Derrière moi, un nouveau groupe de chevaliers remonte pour atteindre le rempart. Je les arrête en me découvrant au milieu de ma garde de bonhommes bien plus grands et costauds que moi. C’est en reconnaissant mes armoiries sur mon corps qu’ils se figent et me saluent.

« Commencez à entourer le donjon ! Il ne faut pas laisser Malestoit tenter une sortie pour déloger ses camarades !

– Oui, monseigneur ! »
Armarius
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MessageSujet: Re: La guerre du Vaujour : Claujacques La guerre du Vaujour : Claujacques - Page 2 Icon_minitimeVen 5 Mar - 18:36
Sur les remparts, Beaucoeur faisait parler la puissance de son acier. Eudes pouvait constater en personne pourquoi son maréchal était ainsi surnommé, tant il mettait du cœur à la guerre. Cette homme semblait être fait pour être sur un champ de bataille à occire la canaille qui avait causé tant de tort à la Cahogne. Recouvert de sa carapace de métal, il donnait ça et là de violents coups d'épée dans la chair des mercenaires bien moins protégés que lui. La force de Beaucoeur, l'un des meilleurs chevaliers de Cahogne, égalait celle des housecarles qui entouraient le duc.

Bientôt la place fut baignée dans la lumière orangée des incendies qui se déclaraient dans les divers bâtiments de la basse cour, révélant à la lueur des flammes des tas de cadavres. L'herbe ruisselait de sang vermeil, les corps allongés, figés par la mort, étaient ouverts de part en part. Certains étaient démembrés, d'autres éventrés. Des intestins d'homme se mélangeaient à ceux de leur cheval.
La guerre était toujours moche à voir, mais la prise de Claujacque n'était pas une bataille mais un massacre.

Il fallut à peine une heure pour que l'armée ducale s'empare de la basse cour. La ruse avait payé, les mercenaires totalement prit au dépourvu n'avaient rien pu faire face à la déferlante.
Quelques uns résistèrent. Un groupe d'une dizaine d'hommes se retrancha dans une tour carré pour empêcher les hommes de Beaucoeur d'ouvrir la herse de la barbacane principale. Lorsqu'ils cédèrent et que la grande porte tomba au main de la Cahogne, d'Annequin pu ordonner à ses hommes d'entrer à leur tour. Il en était finit de la résistance vaine des mercenaires de Malestoit.
Devant le nombre, certains déposèrent les armes. Ceux qui avaient le malheur de se retrouver devant un housecarle recevaient un coup de hache sur le crâne, les autres qui avaient affaire avec des chevaliers cahons pouvaient espérer avoir le vie sauve, l'honneur chevaleresque empêchant la plupart d'exécuter des hommes sans armes.

Au petit matin, lorsque le soleil pointa doucement à l'horizon, le calme était revenu, les flammes s'étaient presque éteintes et des tas de cadavres dépouillés avaient été empilés, près à être enseveli dans des fosses communes creusé par les survivants.
Le connétable Charles d'Annequin et son maréchal Richard Beaucoeur rejoignirent le duc. Pene-Penac était avec eux. Le maître du château de Claujacques observait les dégâts causés par l'assaut. Seule les bâtiments de bois avaient brûlé, la muraille et le donjon étaient intacts.
Beaucoeur avait le visage recouvert de filets de sang, non le sien mais celui de ses ennemis, son heaume était cabossé et l'un de ses gantelets noirci par le feu. On aurait cru qu'il avait été le seul à se battre.

« Comme nous l'avions prévu, Malestoit s'est retranché dans le donjon. Il est inatteignable, affirma le connétable. Que fait-on des prisonniers ? Ils réclament votre miséricorde monseigneur.
- Ils se sont vaillamment battus, ils méritent le vie sauve,
intervint Beaucoeur tout animé de l'esprit chevaleresque.
- Mais se sont des traîtres à la couronne, ce qu'ils méritent c'est la mort.
- C'est Malestoit qui a trahi, ces hommes n'ont fait que suivre.
- Il l'ont suivi par choix et ont défié l'autorité ducale. Ils sont tout autant responsable que leur capitaine.
 »
Eudes II de Cahogne
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MessageSujet: Re: La guerre du Vaujour : Claujacques La guerre du Vaujour : Claujacques - Page 2 Icon_minitimeSam 13 Mar - 23:05
C’est une bataille immonde. C’est pourtant moi le seul responsable de ce massacre : c’est moi qui aie encouragé les soldats. Merde, c’est moi qui les ais amenés jusqu’ici. Cette sale sergenterie, des chiens Maurannes… ils méritaient d’être châtiés, mais à présent qu’ils recouvrent les rues, je ne peux qu’être écœuré. Un homme mort, c’est moche à voir. Ils ont l’air désarticulés, comme des poupées qu’on aurait jetés dans un coin une fois qu’un enfant s’en est désintéressé. C’est juste ça qu’ils sont devenus.

Beaucoeur revient héroïquement de son combat. Il est dégoulinant de sang, des morceaux de son haubert ont été brisés, il a le tabar tailladé : il a véritablement l’apparence d’un homme qui s’est battu. À l’inverse, le connétable et moi-même avons nos armures flambant neuves, sans un impact, sans une gerbe carmine sur nos mantels. On sait qui a donné de lui-même ce soir.

La question du sort des prisonniers est rapidement posée. Je grogne et montre les crocs.

« Le droit est de mon côté — ces cottereaux sont félons. En plus d’être félons, ils ont refusé de se rendre mais se sont obstinés dans le combat. Ils sont des pillards qui ont fait souffrir le Vaujour.
Personne, et j’insiste bien là-dessus, personne ne pourrait me reprocher de tous les faire tuer. »


Je pointe alors du doigt le donjon.

« Mais j’ai encore besoin de cette place-forte, et il me faut une monnaie d’échange.
Malestoit doit payer, mais ses sbires n’ont pas à subir leur sort. Alors voilà ce que l’on va faire :
Que mon héraut d’armes fasse une déclaration à ceux qui occupent la place-forte. Si la garnison du donjon me remet Malestoit, j’épargne toute la compagnie et lui accorde un sauf-conduit. Ils doivent quitter les Franges et ne plus servir au conflit, ni pour moi, ni pour Landebroc.
S’ils refusent, alors nous allons mettre à profit ce trébuchet que nous n’avons même pas eu l’occasion d’utiliser. »


Je sens que Pene-Penac ouvre déjà la bouche pour protester.
Mais non : Je ne compte pas réduire le donjon à coup de pierres. Ce que je vais dire est bien plus horrible et choquant.
Quelque chose que j’ai appris à faire en croisade…

« Nous allons balancer les prisonniers sur le donjon, un par un : Croyez-moi qu’en voyant une telle horreur, ils vont se rendre aussitôt ! »
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MessageSujet: Re: La guerre du Vaujour : Claujacques La guerre du Vaujour : Claujacques - Page 2 Icon_minitimeMar 30 Mar - 17:02
Eudes vit les yeux de ses compagnons s'écarquiller après sa proposition.

« Quelle barbarie, c'est donc cela que l'on fait en Terre Sainte ? s'indigna Beaucoeur.
- Monseigneur,
intervint Robert de Lescure qui avait rejoint le groupe après s'être lui aussi vaillamment battu comme le montraient les marques sur sa cuirasse, vous pouvez vous permettre cela avec des infidèles mais ici ce sont nos frères triaphysites que vous proposez d'envoyer contre les murs.
- Nous parlons de mercenaire qui sont loin d'être connu pour leur piété, ils sont du même acabit que les infidèles d'outremer,
répondit le connétable. Mais je suis d'avis d'envoyer des pierres plutôt que des corps, détruisons ce donjon comme il est de tradition dans les pays Cahons. Le duché payera les dommages dit-il en dirigeant son regard vers Rattier de Pene-Penac, le maître des lieux.
- C'est trop généreux,
répondit celui-ci avec ironie, mais je préférerais retrouver ma maison intacte.
- Vous avez peut être une nouvelle ruse à nous proposer pour prendre ce donjon ? Un autre passage secret ?
- Non. Ce donjon a justement été conçu pour empêcher l'ennemi d'entrer. C'est mon dernier bastion pour résister. Mais les réserves sont faibles et le donjon n'est pas grand. Nous ne savons pas exactement combien ce sont retranchés avec Malestoit, mais ils ne vont pas résister longtemps. Je propose d'attendre qu'ils meurent tous de faim, ainsi la vie de nos "frères" triaphysites seront épargnées et mes murailles avec.
- Mais le temps est précieux, la saison déjà bien avancée, nous ne pouvons nous permettre d'attendre.
- Je propose plutôt de tenter l'assaut,
proposa Richard Beaucoeur. Voyez comme nous avons fait qu'une bouché de ces mercenaires. Construisons des échelles et montons dans le donjon pour arracher Malestoit de cet endroit. »

Plusieurs solutions s'offraient au duc : suivre son plan et lancer des corps sur le donjon pour effrayer les mercenaires et les forcer à la reddition, ou bien tenter l'assaut de la place forte, ou simplement attendre que ses occupants meurent de faim.

« Nous avons une dernière solution, indiqua Pene-Penac. Je vous ai parlé du passage secret pour s'échapper du donjon. Si Malestoit l'emprunte nous pourrions simplement le cueillir à la sortie. Mais pour cela il doit avoir connaissance de ce passage. Je pourrais l'informer secrètement en lui faisant croire que je joue un double jeu et que je suis là envoyé par le comte pour le sauver. Reste à savoir s'il me fera confiance. »
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MessageSujet: Re: La guerre du Vaujour : Claujacques La guerre du Vaujour : Claujacques - Page 2 Icon_minitimeJeu 1 Avr - 21:38
Ma « suggestion » suscite l’effroi, et le dégoût. Ça se voit dans les mines que m’offrent mes conseillers. Beaucoeur a un petit tressautement à la commissure de ses lèvres, Lescure écarquille des yeux, Annequin hausse un sourcil… Ils sont partagés entre croire que je raconte une plaisanterie, imaginer que je suis demeuré, ou me prendre tant au pied de la lettre qu’ils sont teintés d’effroi.
Et, succinctement, les voilà qui se mettent à débattre à la volée d’autres idées pour prendre le fort : L’attente, la ruse avec Pene-Penac comme émissaire, l’assaut frontal… Des solutions bien classiques pour attaquer un château.
Des solutions bien Impériales.

Ils n’ont pas vécu ce que moi j’ai vécu en Ponantique. Les horreurs affreuses dont j’ai été témoin, complice, ou coupable. Ils étaient tous prêts à me féliciter et à m’admirer lorsqu’ils m’ont vu revenir d’Outremer — il est tant que les Franges comprennent ce que c’est, d’avoir un Prince Croisé comme suzerain.

« Si les guerres étaient plus atroces et cruelles, peut-être que les gens des Franges auraient moins le goût d’en provoquer — et peut-être que l’on commencerait enfin à prendre la Cahogne au sérieux.
Ma cousine du Porez et son époux sont assez demeurés pour avoir prit ma générosité comme une faiblesse, je vais apprendre à tout l’Empire ce dont je suis capable. »


Je pointe du doigt le donjon.

« Qu’on fasse venir des paysans des hameaux environnants ! Qu’on amène des témoins ! Je veux que des prêtres, des marchands, des femmes observent ce dont je suis capable, et qu’ils aillent ensuite répandre la rumeur sur ce dont ils ont été témoins.
Pendant de long mois, Malestoit s’est senti assez puissant pour faire du tort à ce pays, pour bastonner des moines, pour se saisir de reliques. Et malgré son salaire, il s’est déclaré félon. Et malgré son expérience dans la Grande Légion, il a perdu la bataille. Il n’a donc aucune qualité pour lui, rien qui puisse me convaincre de lui épargner sa vie.
Et malheureusement, en tant que bon capitaine, ses hommes sont liés à sa personne. »


Et ensuite, je pointe du doigt le trébuchet.

« Que mon héraut aille hurler haut et fort aux soldats de la garnison que j’épargnerai ceux qui déposent les armes, qui m’ouvrent les portes et qui me donnent Malestoit enchaîné.
Et s’ils ne répondent pas à mon ultimatum — qu’on catapulte des prisonniers sur les murs !
Le trébuchet que vous avez construit n’a pas l’air en état de lancer des pierres, Annequin ; j’espère qu’il supportera les poids de sergents ! »
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MessageSujet: Re: La guerre du Vaujour : Claujacques La guerre du Vaujour : Claujacques - Page 2 Icon_minitimeJeu 27 Mai - 15:31
« Bien monseigneur » acquiesça le connétable sans discuter plus longuement les ordres de son suzerain.
Le duc avait parlé, mais Richard Beaucoeur semblait toujours dubitatif. Le chevalier platois s'approcha de Eudes.

« Monseigneur, si vous tenez tellement à poursuivre les traditions de l'Outremer à vouloir lancer des gens plutôt que des pierres sur les murailles, commencez au moins par jeter des cadavres. Nous avons pléthore de munition ici, dit-il en désignant la basse-cour jonchée de corps, épargnez à votre âme la mort de plus de nos frères. 
- Ne discutez pas plus sire Richard,
intervint Charles d'Annequin, monsieur le duc a donné ses ordres. Qu'on rassemble les prisonniers et qu'on les dirige vers le trébuchet. Qu'on ameute la foule du Valais pour qu'ils voient la justice ducale s'abattre sur les félons ! Dites aux hérauts de proclamer aux pieds des murailles la miséricorde du duc à ceux qui livreront Malestoit. »

Beaucoeur fit la moue, puis se soumit par un signe de tête.

« Si tels sont les ordres mon oncle. Mais je désapprouve ces méthodes. »

Obéissant au connétable de Cahogne, on envoya des soldats crier aux murailles les assurances du duc. Mais nul ne réagit ni aux promesses ni aux menaces, Malestoit s'était retranché avec ses vétérans, ceux avec qui il avait combattu en Valentine lorsqu'ils étaient membres de la Grande Légion. Tous lui resteraient fidèles jusqu'au bout.
Alors on approcha les prisonniers du trébuchet. Aucun ne savait ce que le duc leur réservait pour avoir suivi leur capitaine.
Tous avaient été dépouillés de leurs broignes, leurs corps exhibés nus comme sur l'un de ces marchés aux esclaves du Ponant, parqués les uns contre les autres, l'air hagards.

Eudes et les siens étaient sortis de l'enceinte du château pour se rapprocher du trébuchet et observer le spectacle de loin. Le Haut-Sénéchal du Valais semblait s'amuser de la situation, satisfait qu'on ne jette pas de pierre sur son château.
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MessageSujet: Re: La guerre du Vaujour : Claujacques La guerre du Vaujour : Claujacques - Page 2 Icon_minitimeJeu 3 Juin - 19:50
Les mercenaires aux pieds du trébuchet ont cette espèce de regard hagard, comme seul un soldat sorti d’une bataille peut avoir. La peau pâle, les yeux exorbités, leur regard qui est incapable de se fixer sur quoi que ce soit. Ils ont des sales trognes. Des barbes, des gueules couturées, avec des gros nez d’êtres humains qui ont reçu des coups dessus toute leur vie.
Des gueules de guerriers pour qui la guerre a représenté toute leur façon d’exister jusqu’à ce soir.
Il est temps de changer la donne.

Assis sur mon destrier, moi et mon état-major nous approchons du couillard qu’a fait construire Annequin — il a mauvaise mine, mais après tout, c’est quelque chose de bien moins lourd que des pierres d’artillerie que nous allons lancer aujourd’hui.
Sur la plate-forme devant, les soldats me regardent. Ils me reconnaissent à ma livrée, et à ma couronne posée au-dessus de mon casque. Certains s’agenouillent et lient leurs mains, tandis que quelques-uns, plus fiers que les autres, restent bien debout à me dévisager.
Beaucoup de soldats sont venus s’approcher pour voir ce qui est en train de se passer. Les victorieux sont en train de boire du vin clairet, et discutent fort entre eux. Je vois beaucoup de massues et de haches ensanglantées. Des petits pages, dans un coin, sont en train d’aiguiser certaines de ces armes.
Je hausse de la voix, et parle très fort :

« Nous, Duc de Cahogne, avons été ceint du saint-chrême afin de diriger toutes les terres que Dieu nous a confié ! »

Ils se taisent, et tous les regards se tournent vers moi.

« Les truands qui se tiennent ici devant vous sont des cottereaux de la pire espèce — alors qu’ils étaient payés par le duché, par les taxes et les contributions de mes honnêtes sujets avec l’accord du Parlement, ils ont décidé de trahir leur contrat ! Ils ont martyrisé la population du Vaujour, rançonné les moines, terrorisé les habitants !
Par la Grâce Divine, il est de notre devoir de redresser les torts ! Ce fort doit revenir à la Cahogne et l’ordre doit être rétabli ! Et puisque leur capitaine a refusé de se rendre afin de payer de ses crimes par sa vie, ce seront à ses sbires d’être châtiés à sa place ! »


Jusqu’ici, je suis dans mon bon droit. C’est ainsi. Malheur aux vaincus. Quand on est pas noble, et pire encore, quand on est un félon, la mort après la bataille est légale.
Mais ce que je m’apprête à faire ensuite, ça, personne ne s’y attend.
Pas Malestoit. Pas même mes hommes.

« Mercenaires, sachez que ce n’est ni par cruauté, ni par sadisme que nous nous en prenons à vous de cette manière — mais bien car c’est la volonté de Dieu, comme je l’aie vue en combattant en Terre-Sainte pour la défense de tous les croyants !
Je suis Eudes d’Outremer, et les Franges vont voir ce que mon surnom implique ! »


Je fais un geste de la main.

Alors, un de mes Housecarles monte sur la plate-forme. Il fait le tour, et regarde un par un chacun des mercenaires nus qui sont alignés comme du bétail.
Il s’arrête devant l’un de ceux qui se tiennent toujours debout.

« Agenouille-toi devant Duc », le Housecarle grogne dans un accent nordique à couper au couteau.
Le Maurannais racle sa gorge, et crache un molard aux pieds du guerrier.

Le Housecarle lui donne un gros coup de poing dans le ventre. Alors qu’il se courbe sous la douleur, deux autres de mes gardes surgissent et le tirent.
Tout le monde doit s’attendre à le voir décapité dans la minute par une des longues haches de mes Barbares.
Mais non. Tout va très vite. Ils le dirigent vers le couillard alors qu’il est encore sonné. Ils le jettent par terre. L’un d’eux accroche la grosse corde qui sert à propulser des pierres autour de son cou.
Il lève les yeux. Et alors, tout le monde, sidéré, observe ce qui va suivre.

Un autre geste de ma main. Et un des Housecarles tire sur la grosse corde qui sert à libérer le mécanisme à torsion de l’arme de siège.

Il y a un bruit, métallique, alors que le contre-poids est abaissé. Le bras se lève, et emporte avec lui le Maurannais, qui vole dans le ciel, en hurlant. Propulsé en l’air, soudain, il ne hurle plus — la force avec laquelle il a été jeté en l’air est telle que tous ses os ont dû être disloqués.
Il y a des cris et des hurlements. Les petits pages se couvrent les yeux. Mes chevaliers ont les yeux grands ouverts.
Et il y a quelques sadiques, pour hurler de rire et m’applaudir.

Le Maurannais vole jusqu’au donjon, et s’éclate contre le grand mur. On voit juste, dans la nuit, une ombre chuter à toute vitesse vers le sol.

Immédiatement, tous les prisonniers se jettent à terre et se mettent à m’implorer dans une cacophonie incompréhensible.

« Voilà comment un Prince ramène l’ordre ! »
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MessageSujet: Re: La guerre du Vaujour : Claujacques La guerre du Vaujour : Claujacques - Page 2 Icon_minitimeVen 4 Juin - 17:48
Richard Beaucoeur rongeait son frein devant cet ignoble spectacle.

« Ce n'est pas comme ça que l'on mène la guerre en Cahogne. J'ai combattu ces hommes et ils ont riposté avec courage. Ils ne méritent pas d'être transformés en munition... »

Son oncle le connétable lui lança un regard pour qu'il taise ses protestations.
A côté, Pene-Penac affichait un grand sourire, bien content de voir des corps plutôt que des pierres s'éclater contre les murs de son château.

« C'est une juste punition pour ceux qui ont ravagé mes terres. » lança t-il au duc de Cahogne.

Les artilleurs s'affairèrent à réarmer le trébuchet sous les cris des prisonniers qui craignaient tous d'être le prochain à voler dans les airs.
Les housecarles n'attendaient qu'un ordre de leur maître pour aller choisir un autre pauvre malheureux à balancer, mais Eudes ne fit aucun geste, préférant temporiser.
Après quelques minutes de flottement, un jeune sergent arriva des pieds du château.

« Vôtre Grâce, monseigneur le duc ! Ils nous ont enfin répondu. J'ai ici une lettre du capitaine Malestoit.
- Ce routier sait écrire ? Ce Malestoit est décidément un homme plein de ressources.
 » s'étonna Pene-Penac
Le connétable Charles d'Annequin arracha des mains du sergent la lettre du traître à la Cahogne, puis l'ouvrit et la lit d'une voix claire pour que tout le monde entende.

« A monsieur le duc de Cahogne, Eudes II.
Ayant été fait chevalier par messire Rodrigo di Calve, général de l'armée impériale au service de l'Empereur Cornelio-Duarte lors de la campagne de Valentine, je réclame le respect pour moi et mes hommes des traditions chevaleresques.
Je vous demande monsieur le duc de nous laisser les 10 jours d'attente comme la coutume le veux jusqu'à l'arrivée d'une armée de secours.
Si dans ce laps de temps monsieur le comte de Valais n'est pas venu libérer la place, nous nous rendrons à vous.
En attendant, je vous demande de cesser vos actes de barbarie et d'épargner mes hommes.
Signé Malestoit.
 »

« Comment Malestoit peut-il se prétendre chevalier ? Il n'est pas noble ! s'exclama Pene-Penac.
- En Gallance être noble n'est pas une condition pour être fait chevalier,
lui répondit Richard Beaucoeur, il n'est pas rare d'y voir des serfs être adoubés par leur seigneur. Si Malestoit a servi dans la Grande Légion de l'Empereur, il a pu y recevoir la colée. Je suis d'avis de lui accorder ce qu'il demande.
- Mais avons nous 10 jours à attendre ? Nous ne savons pas ce que fabrique Landebroc pendant ce temps,
fit remarquer Charles d'Annequin.
- Et êtes vous bien certain que Malestoit respectera sa parole ? Il gagne peut être simplement du temps,
s'inquiéta Pene-Penac.
- S'il se prétend chevalier je lui offre ma confiance. La guerre entre chevaliers possède ses droits et nous devons les respecter
 » dit Richard Beaucoeur en regardant son duc.
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MessageSujet: Re: La guerre du Vaujour : Claujacques La guerre du Vaujour : Claujacques - Page 2 Icon_minitimeLun 7 Juin - 17:34
Beaucœur est dégoûté par ma façon de faire. Il ne le cache même pas. Mais je ne peux pas le laisser dire ce genre de choses à voix haute. Je corrige, du tac-au-tac, sitôt après son commentaire :

« Les lois de la guerre me laissent châtier ces mercenaires comme je le souhaite. J’ai proposé un moyen d’offrir ma miséricorde.
Leur capitaine est le seul responsable de cette situation. »


Et ayant dit ça, je retourne tranquillement dans ma tente, où je peux m’affaler dans un fauteuil et demander à l’un de mes pages de boire un verre de vin.
Je suis encore trop à cran pour trouver le sommeil, alors que j’ai d’énormes poches sous mes yeux et l’impression d’avoir mon âme ailleurs. Le vin n’aide pas à tempérer la fatigue. Je me demande si je ne vais pas m’endormir assis, quand un valet fonce dans ma tente avec un message de Malestoit.

Au fur et à mesure de la lecture de mon connétable, je me mets à exulter. Je deviens rouge, et serre violemment un de mes poings.

« La chevalerie ! C’est incroyable, depuis que je suis rentré dans l’Empire, je n’arrête pas d’entendre des sires avoir le mot chevalerie à la bouche, alors que personne ne semble savoir ce que ça signifie !
Quand le Porez présente à l’ost un seul homme d’armes dépenaillé et des sergents affamés, la guerre a-t-elle l’air chevaleresque à vos yeux ?!
La chevalerie ! Vous vous rendez compte ! »


Je me relève et ramasse mes gants, que je remets à mes doigts.

« Si Malestoit prétend être chevalier, ses actions sont pires encore !
La chevalerie ce n’est pas que des droits, c’est aussi un grand nombre de devoirs — au chef desquels se trouve la loyauté. Un mercenaire passe un contrat, il se bat tant qu’il est sous ce contrat. En trahissant ce contrat, ce Maurannais de mes deux est devenu un traître selon les ordres de la Légion, un fraudeur selon les coutumes des mercenaires, et pire que tout, un félon selon la chevalerie !
Je ne vais pas offrir les dix jours à un homme qui n’a eu aucun comportement chevaleresque ! Qu’on brûle sa lettre, et qu’on aille répéter aux pieds du donjon que j’offre la miséricorde à toute la compagnie sitôt la reddition de Malestoit !
En attendant, bombardez-moi un autre de ses ribauds ! Si Malestoit a pris la peine de me répondre avec une lettre, c’est bien qu’il se sent sous pression ! »
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MessageSujet: Re: La guerre du Vaujour : Claujacques La guerre du Vaujour : Claujacques - Page 2 Icon_minitimeLun 7 Juin - 18:05
« Pour sûre qu'il se sente sous pression, nous sommes dix milles à sa porte, marmonna Beaucoeur, puis plus distinctement : votre Grâce, le fait que Malestoit ait trahi ses devoirs de bon chevalier ne vous donne pas le droit d'en faire autant. Vous êtes le premier chevalier de Cahogne, notre chef à tous, vous devez montrer l'exemple aux chevaliers du pays. Si Malestoit se réclame de la chevalerie et qu'il demande ces dix jours d'attente nous devons le lui accorder. »

Charles d'Annequin intervint, voyant bien que son neveu agaçait quelque peu le duc.

« Monseigneur, Malestoit a trahi il est vrai, mais nous ne savons toujours pas exactement pourquoi. Peut être faudrait-il temporiser et tirer cela au clair avant de continuer ? Ne voulez-vous pas attendre le prochain matin ? La nuit porte conseil dit-on. Vous semblez exténué, comme nous tous ici, du sommeil me semble nécessaire et nous rendrait plus clairvoyant. N'agissons pas trop hâtivement. »

Rattier de Pene-Penac, restait en retrait et sans un mot, affichait un sourire figé qui n'avait rien de naturel.
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MessageSujet: Re: La guerre du Vaujour : Claujacques La guerre du Vaujour : Claujacques - Page 2 Icon_minitimeDim 13 Juin - 1:48
Beaucoeur est d’une naïveté écœurante. Mais si je lui montre les crocs et fronce les sourcils, je n’ose pas m’opposer à lui plus férocement.
Il s’est battu ce jour, tandis que je suis resté assez en retrait. Cette victoire — car aujourd’hui était bien une victoire — lui revient. Il n’est pas de bon ton d’attaquer celui qui a risqué sa vie sur les remparts.
En plus, son protecteur, Annequin, se range vite à une position neutre, en nous conseillant de dormir. Je n’aime pas que l’on mette en cause la justesse de mon jugement, mais il faut admettre qu’il n’a pas tort ; j’ai bu, je suis exténué, et en colère. Peut-être que ces émotions hâtives obscurcissent ma capacité de raison…

« Vous avez probablement raison, sire connétable. S’il est hors de question de laisser dix jours à Malestoit, un seul renforcera nos esprits, sans pour autant apporter des fruits au Mauranne…
Mais il va falloir redoubler d’une extrême vigilance avec tous ces prisonniers. Je n’aime pas en avoir autant : ils sont des bouches à nourrir, et ils peuvent à tout moment s’enfuir ou reprendre les armes. En temps normal, il vaut mieux soit leur offrir une sortie honorable pour s’en débarrasser, en leur faisant jurer de demeurer neutre et de ne plus se battre, soit tous les égorger avant qu’ils ne deviennent un problème. »


Je regarde Rattier. Il fait une tête étrange. Est-ce qu’il a une idée derrière la tête ?

« Le spectacle d’un des leur pulvérisé contre les murs a dû bien terrifier les prisonniers. Mais si nous les pressons trop, la peur peut se transformer en colère.
Sire connétable, je compte sur vous pour faire interroger les prisonniers. Ma garde Housecarle peut prêter main-forte à vos prévôts sur ce point — peut-être pourrons-nous découvrir des explications quant à la félonie de Malestoit. »


J’observe Lescure, le chef de ma garde.
Surveiller les prisonniers est une chose, mais j’ai aussi envie de lui demander de garder un œil fort vigilant sur Rattier, mon futur haut-sénéchal.
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MessageSujet: Re: La guerre du Vaujour : Claujacques La guerre du Vaujour : Claujacques - Page 2 Icon_minitimeDim 13 Juin - 14:00
Le connétable acquiesça d'un signe de tête.

« Bien monseigneur, cela sera fait. Mais je doute avoir besoin de vos hommes, les miens suffiront. »

La noblesse ne cachait pas son aversion pour la nouvelle garde des ducs de Cahogne. La trahison de la garde Sigilaire pendant la guerre civile, composée de nombreux cadets de grandes familles nobles du pays, avait forcé sa dissolution. Hugues III s'était alors entouré d'une garde rapprochée faite d'étrangers à sa solde. Les housecarles n'étaient ni cahons ni nobles, là où les chevaliers de Cahogne considéraient la protection de leur duc comme un privilège. Mais ce qui dérangeait le plus en vérité, c'était l'efficacité de ces Norges, obéissant et dépourvu de l'orgueil propre à la noblesse. Ils s'attirèrent rapidement la jalousie des chevaliers.

« Je découvrirai ce qui il y a à découvrir. En attendant vous pouvez dormir tranquille monsieur le duc. Nous vous laissons. »

Annequin fit signe à son neveu de le suivre, peut être de peur que Beaucoeur ne continue à s'opposer à leur duc.
Eudes se retrouva seul, ou presque puisque plusieurs housecarles restaient en permanence avec lui, et rentra dans sa tente - en vérité celle du connétable que Charles d'Annequin lui avait généreusement laissé. Il restait encore quelques affaires du connétable, à Eudes n'appartenait que la cathèdre ducale sur laquelle seule le duc pouvait s'asseoir. Ou dormir s'il le voulait...
Le duc était fatigué de sa nuit de combat, même s'il ne s'était pas vraiment battu. Mais le stress d'un souverain était suffisant pour épuiser un homme.
Assis à somnoler, manquant de faire glisser son verre de vin entre ses doigts rendus lâches par le demi-sommeil, un homme vint le réveiller.
C'était un moine barbu portant une bure rouge. Eudes le reconnu pour l'avoir déjà vu plusieurs fois suivre l'armée et savait qu'il s'agissait du chapelain personnel de Richard Beaucoeur. Il s'exprima d'une voix douce :

« Monseigneur le duc. Excusez moi de vous déranger. Je me disais que vous auriez aimé confesser vos pêchés avant de vous endormir. Il n'est pas bon de rester le cœur lourd avant de rejoindre le sommeil. Et vu ce que vous avez fait à ces pauvres prisonniers, j'imagine qu'un seigneur tel vous doit être tourmenté par les remords, bien que la guerre nécessite parfois quelques sacrifices au devoir d'un bon triaphysite, je vous le concèdes. Puisque votre chapelain est absent, je me propose à vous écouter et à vous délivrer la miséricorde de Dieu. Puisse les Trois vous pardonner. »
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MessageSujet: Re: La guerre du Vaujour : Claujacques La guerre du Vaujour : Claujacques - Page 2 Icon_minitimeDim 13 Juin - 22:23
Trouver le sommeil après une bataille n’est pas chose aisée.
Y a tout qui trotte encore dans la tête — les cris, les flammes, le sang. Les sensations qui picotent le dos, qui inondent les aisselles de sueur. Aujourd’hui, c’était le baptême de guerre de plusieurs écuyers ; au sein de mon ost, il y a probablement des jeunes garçons, encore tremblants, les dents qui claquent, qui sont incapables de parler. Et il y a les vieux vétérans, qui se torchent la gueule à coup d’alcools forts, pour fêter une cruelle victoire.
Dans toutes les tentes, on doit discuter de ce que j’ai fais avec le trébuchet. Et il doit y avoir ceux qui sont outrés, et ceux qui au contraire sont amusés. Et puis il y a moi. Le coupable.

Je rumine un tas de choses, enivré par l’alcool, quand quelqu’un se présente à ma tente. Un moine se montre outrecuidant. Il me file déjà un mal de crâne.

Je le regarde, et le détaille rapidement.

« Quel est ton nom ?

– Je suis le père Arnaud, monseigneur.
– Tu fais partie de l’Abbaye Rouge ?
– Oui monseigneur.
– Des gens très érudits, les frères de l’Abbaye. Vous avez tout mon respect. »

Il me fait un signe de tête entendu. Je lui indique de s’approcher de la main. Je me lève, et balance mon godet vide dans un coin de la tente du connétable.
Il n’a même pas eu le temps d’atteindre le sol qu’un petit page pousse un pan de la tente, trottine, et se penche pour l’attraper et s’éloigner avec.

Le moine Arnaud s’approche. Je toussote, et pose un genou puis l’autre à terre. Je lie mes mains entre elles, et je répète la phrase que j’ai apprise lorsque j’avais quatre ans :

« Pardonnez-moi mon père, car j’ai pêché. Je ne me suis pas confessé depuis mon départ de Soulans.
– Parle, mon fils.
– J’ai péché en pensées, en paroles, par action et par omission, envers le Tricéphale, envers les Saints, envers mon prochain, et même envers moi-même.
– Confie-toi, mon fils. »

Je parle par automatisme. Tous les fidèles du monde disent les mêmes choses chaque semaine en étant pressés par leurs parents ou leur épouse. Ils se confient sur des sottises, admettent quelques choses malsaines qui sont fort inconséquentes, puis on les punit en leur demandant de faire des prières.
La confession, en voilà quelque chose de complètement inconséquent. En privé, ça n’a aucune utilité : personne ne confesse jamais rien de vraiment malfaisant. Quel meurtrier a déjà avoué un meurtre devant un prêtre, à moins de chercher secrètement à se faire prendre ? Et en plein jour, la confession n’est qu’une arme de l’Église, pour humilier les puissants. Ça arrange bien les-dits puissants. Ça leur donne une image accorte de modestie et d’humanité.
Parfois, il faut se prendre une gifle pour mieux s’en venger plus tard.

Mais les choses que j’ai sur le cœur, c’est vraiment quelque chose qui peut torturer un homme. Mais ce n’est pas à un homme d’Église que je les confie. C’est dans les bras d’amantes. C’est dans l’oreille d’Arda.
Arda connaît tous mes crimes, toutes mes fautes, tous mes plans. Arda sait qui je déteste, qui j’aime, qui me met mal à l’aise. Qui je jalouse, qui je veux posséder, qui je respecte. Et elle sait mieux apaiser mon âme que les moines de l’Abbaye Rouge.

« Depuis que je suis dans le Vaujour, j’ai commis de nombreuses fautes qui sont inhérentes à la guerre. J’ai menacé l’évêque de Raveaux, même si, par la grâce du Paraclet, il a su me montrer mes erreurs et j’ai pu garder la Géhenne sur cette ville en maintenant mon épée au fourreau.
– Péché véniel.
– J’ai bu et insulté autrui, comploté avec des seigneurs, convoité le bien d’autres personnes.
– Péché mortel.
– J’ai rêvassé du pays de Cahogne. Regretté l’amour de maîtresses. Convoité la femme d’autrui.
– Péché véniel.
– J’ai ordonné la mise à mort de prisonniers, et déchaîné la guerre sur les remparts de Claujacque.
– Péché mortel.
Est-ce que tu regrettes toutes ces fautes ? »

Non.

« Oui. »

Arnaud sourit.
Je lève mes yeux pour voir sa grimace.

« Quoi ?
– Je fais confesser des hommes depuis tant d’années, je sais lorsque l’on me ment, monseigneur.
Pourquoi vous méfier de moi ? Je sais que vous êtes Duc, monseigneur, et que vous avez des raisons d’être craintif, mais en gardant des secrets, c’est vous seul qui en souffrez. »

Je serre des dents.

« Toute cette putain de guerre n’a aucun sens. Je règle des conneries de mes prédécesseurs incompétents.
– Vos… Prédécesseurs… ?
– Mon père.
C’est lui qui a mit en gage le Vaujour. C’est lui qui a laissé des cottereaux policer un territoire dans lequel il a enlisé son ost. C’est lui qui a laissé les gens du Valais nous haïr, tellement qu’ils ont préféré mettre au pouvoir un bâtard qui a — disons-le clairement — fait assassiner sa belle-mère et sa demi-sœur.
Si ça ne tenait qu’à moi, nous ne serions pas en train de tuer des gens ici. Tous ces guerriers seraient chez eux à être de bons pères de famille, et tout le monde vivrait bien chez soi : Les Cahons en Cahogne, les sujets du Vaujour en Valais.

– Alors… Pourquoi ? Pourquoi toute cette violence, monseigneur, si vous ne croyez pas en cette guerre ?
– Parce que Annequin, Tancarvelles, et tous les nobles de ce pays sont des chiens enragés. Parce qu’ils complotent. Parce qu’au moindre signe de faiblesse, ils mordent, comme il sont fait avec mon père.
Tout le monde admire Hugues III. Tout le monde ne dit que du bien de lui — c’est normal, il était gentil et généreux. Mais les gens aimés sont rarement respectés. Et qu’est-ce que sa gentillesse et son bon cœur lui ont donné ? La trahison de tout son Parlement, de ses barons, de ses évêques, même de sa garde.
J’ai servi l’Église en Croisade, et j’y ai vu un pays atroce, si atroce. Un pays où il est normal d’empoisonner ses adversaires, où il est commun d’écorcher des otages pour forcer une trêve. Ici, les gens sont tout aussi veules et cruels qu’en Ponantique, mais ils se cachent encore derrière des règles pour se protéger, comme ton maître Richard.

– Richard de Tancervelles est un preux chevalier, vous le savez monseigneur, autrement vous ne l’auriez pas nommé maréchal.
– C’est ce qu’il en pense ? Je l’ai nommé maréchal parce qu’il sait démolir des gens avec des masses à dos de cheval. C’est parce qu’il est un guerrier et un meneur d’hommes, comme il l’a prouvé à nous tous ce soir.
Mais qu’il sache chanter des poèmes et être généreux envers ses pages… En quoi ça me sert ? En quoi ça sert quiconque ?

– Les chevaliers suivent ces règles pour garantir la paix de Dieu. Pour assurer que les biens et les corps des plus humbles soient protégés.
– Mais toute cette chevalerie n’a pas empêché Malestoit de faire du mal aux gens du Vaujour ? Et toute cette chevalerie n’a pas empêché Landebroc et ses barons de trahir des serments ? Et regardez-les, ces chevaliers, ils ne cessent de trahir. Vous avez vu Rattier de Pene-Penac ? Il a brisé un contrat féodal pour me rejoindre moi, et je suis sûr que, si le vent tournait, il trahirait à nouveau aussitôt.
Mais moi j’ai vu comment on faisait quand on aime vraiment Dieu. Je ne veux pas de cette guerre. Alors je vais montrer au peuple ce que c’est, une guerre horrible et atroce. Je vais donner à mes nobles de très bonnes raisons d’être terrifié par moi. Je vais leur montrer que je ne suis pas comme mon père.
Et vous verrez que les Franges seront plus en paix qu’elles ne l’ont jamais été. »

Le père Arnaud papillonne des cils. Il a perdu de sa superbe et de son assurance. Mais il se ragaillardit, toussote, et se donne un air faussement impassible.

« Si vous ne regrettez pas vos fautes, si vous ne les admettez pas, je ne puis vous donner l’absolution. C’est regrettable, pour vous plus que quiconque, car vos fautes vont vous empoisonner, vous faire du mal, vous détruire petit à petit, vous et les gens qui vous aiment.
– J’ai essayé d’être bon et compréhensif. Envers mes sœurs, envers ma mère. Envers ma cousine, la comtesse du Porez. Envers mon cousin, le fils d’Espérac. Tous ne m’ont témoigné en retour que du mépris. Ils voudraient que je sois comme mon père, ou mon frère aîné — les morts ont toujours raison, après tout.
Mais je suis bien vivant. S’ils m’aiment vraiment, ils accepteront qui je suis. »


Je me relève, et regarde Arnaud droit dans les yeux.

« Cela t’as fait quoi à toi, de voir un homme être pulvérisé contre un donjon ?
– Cela m’a fait de la peine.
– Et peur ?
– Évidemment.
– J’espère que tout le monde a eut peur. J’espère que Malestoit chie dans son froc là-haut. Même en Valentine on ne voit pas ça.
– Vous m’avez fort mal compris, monseigneur — j’ai de la peine, et de la peur, pour vous. Que le premier de tous les Cahons soit quelqu’un de si haineux… C’est triste. Triste pour le pays tout entier.
Vous êtes le lieutenant de Dieu. Ne laissez pas d’autres forces s’emparer de vous, pour le salut de tout le duché. »

Je pouffe. C’est le genre de connerie diplomatique qu’on a dû lui enseigner à l’Abbaye Rouge. Puisque l’appel à son autorité, aux flammes de la Géhenne, ne fonctionnera pas, il en appelle à mon cœur. C’est certes plus plaisant.
Comment il réagira, lui, lorsqu’il saura pour Arda ? Comme tous les autres prêtres, en fait. Je ne suis pas assez dupe pour ne pas prendre ses attentions et ses gentillesses pour autre chose qu’une tentative de me contrôler.
Mais j’aime Dieu. Je n’y peux rien. Comme tout Cahon, j’ai peur de mettre Dieu en colère.

« Si tu refuses de m’absoudre, me béniras-tu au moins ?

– Bien sûr, monseigneur. Bien sûr. Remettez-vous à genoux, nous allons prier ensemble. »







Lescure entre dans ma tente pendant ma toilette. Je l’ai fait demander par un de mes hérauts. Alors que je me rase au-dessus d’une bassine d’eau, je lui fais un geste de la tête.
J’ai une putain de gueule de bois.

« Bonne journée à vous messire.
Vous avez bien fait surveiller Rattier ? Est-ce que notre nouvel invité a… Fait quelque chose d’étrange, pendant la nuit ? »

Armarius
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MessageSujet: Re: La guerre du Vaujour : Claujacques La guerre du Vaujour : Claujacques - Page 2 Icon_minitimeLun 14 Juin - 13:58
Robert II de Lescure, banneret de son cousin le baron Charles d'Annequin mais surtout Grand Ecuyer de Cahogne, entra sous la tente désormais ducale, mandé par son suzerain le duc.
Robert avait revêtu son armure, tenant son heaume entre ses mains. Son apparence était sobre, on notait l'absence de bijoux ou toutes autres ornements pouvant révéler son statut de seigneur, fidèle aux préceptes d'humilité judicalien dont Lescure était en fervent défenseur.
Bien que le chevalier faisant tout pour ne pas le montrer, les larges cernes sous ses yeux trahissaient sa grande fatigue.
Comme à son habitude, il s'adressa à son suzerain d'une voix claire et protocolaire.

« Bonjour monseigneur.
J'ai évidemment fait surveiller monsieur de Pene-Penac comme vous me l'aviez demandé. Mise à part sa façon de ronfler nous n'avons rien noté d'étrange. Monsieur a dormi avec le connétable. Je pense que celui-ci voulait garder un œil sur lui aussi. Après tout, jusqu'à la semaine dernière sire Rattier était l'un de nos ennemis, et sa rapide fidélité envers vous à quelque chose d'étrange. Mais pour le moment rien ne pourrait montrer une quelconque fourberie de sa part.
Monsieur le connétable vous attend dehors monseigneur, près à recevoir vos ordres.
 »

Alors que Lescure parlait, deux jeunes écuyers s'affairaient autour du duc pour l'habiller de fer. Pendant que l'un harnachait les jambières, l'autre s'occupait de fixer la cuirasse. En retrait, un troisième portait le heaume et l'épée ducale.
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MessageSujet: Re: La guerre du Vaujour : Claujacques La guerre du Vaujour : Claujacques - Page 2 Icon_minitimeMer 30 Juin - 14:27
« Bien sire, je vous remercie. »

Pas de changement. Pas d’évolution. Peut-être la nuit a-t-elle au moins permis à nos hommes de se reposer et de se reprendre.

En sortant dehors, je passe devant le grand trébuchet ; les prisonniers ont été descendus, et à la place, les voilà qui sont par terre par groupes de vingt, gardés par quelques sentinelles qui leur balancent des quignons de pains que les mercenaires doivent se partager en les déchirant entre eux.
Comme prévu, voir ça me fait grincer des dents. Les prisonniers sont un poids énorme — ils bouffent, il faut les garder, et ils ralentissent les armées en marche. Il vaut mieux s’en débarrasser très vite en s’assurant que quelqu’un va les racheter.
Avec leurs lieutenants morts ou en fuite, et leur capitaine enfermé dans la tour, il n’y a plus vraiment d’interlocuteur pour s’adresser à eux. Ça rend leur gestion d’autant plus compliquée. Tous les faire égorger serait une besogne cruelle, mais probablement plus simple pour tout le monde, à commencer par les gens du Vaujour.

Je trouve le sire connétable au bord des palissades du camp, à surveiller le château où flotte le drapeau de Cahogne ; à présent que les remparts de la basse-cour sont à nous, il est beaucoup moins risqué de se promener ici, et d’ailleurs les chats ne sont plus vraiment gardés par des archers. Beaucoup des soldats sont assoupis, avachis par terre, à se remettre du combat d’hier.

Je salue mon officier de la main, et arrive à sa hauteur.

« Pas de nouvelles de Malestoit ? »

Je regarde le donjon, et grommelle.

« Est-ce que vous savez de quel côté le vent va se mettre à souffler ?
On a laissé beaucoup de cadavres hier. On pourrait les incendier pour que la fumée de leurs charognes envahisse le donjon.
Peut-être que ça forcerait Malestoit à utiliser le passage secret que mes Housecarles sont en train de garder. »
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MessageSujet: Re: La guerre du Vaujour : Claujacques La guerre du Vaujour : Claujacques - Page 2 Icon_minitimeMer 30 Juin - 17:08
Le connétable salua son suzerain d'un signe de tête.

« Non monseigneur, Malestoit ne s'est pas manifesté. Ce manque de réaction de sa part m'inquiète quelque peu, après tout nous n'en savons rien s'il est vraiment enfermé dans ce donjon. Peut être a t-il trouvé le moyen de s'échapper pendant l'assaut ? Ses alliés nous feraient perdre du temps pour favoriser sa fuite. C'est peu probable. Ou alors il est gravement blessé, voir mort. »

Charles d'Annequin se tenait bien droit, tout revêtu de fer, portant son heaume à la main, sa cuirasse recouverte d'un tabar vert au couleur de sa famille, surmonté du dessin d'un pommier, symbole de Jean le Forestier, fondateur semi-légendaire de la famille d'Annequin.

« Pene-Penac nous a dit qu'il était peu probable que Malestoit ait connaissance de ce passage secret, mais tout ce qui peut nuire à ces hommes est bon. Je vais ordonner à sire Richard de faire rassembler les cadavres et d'y mettre le feu dans la direction du vent.
Vous semblez avoir apprit beaucoup de chose dans l'art de prendre les places fortes dans votre aventure en outremer. Peut être qu'il serait bon pour mon expérience de suivre votre exemple et de prendre la croix.
 »

Tout ceux connaissant un minimum Charles d'Annequin pouvaient savoir que cette promesse était faite en l'air. Le connétable n'était pas connu pour son amour de la religion, et son attachement à la Cahogne ne lui donnerait pas l'occasion de s'éloigner de son pays bien longtemps.

« Avez-vous réfléchi à la demande de Malestoit ? Allez-vous lui accorder ses 10 jours de trêves ?
J'imagine mal Landebroc venir le sauver, mais j'imagine mal Malestoit se rendre à une mort certaine sans résister.
 »
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MessageSujet: Re: La guerre du Vaujour : Claujacques La guerre du Vaujour : Claujacques - Page 2 Icon_minitimeMer 30 Juin - 22:15
Le connétable qui part en croisade ? Il ne manquerait plus que ça. Il dit sûrement ce genre de choses pour bien paraître auprès de moi.
Mais je me contente de sourire et agitant la tête.

« Mon retour en Cahogne n’est que temporaire. J’ai promis au Ponant que je retournerai les défendre avant l’expiration de la trêve.
Je serais ravi que vous vous joignez à moi lorsque je repartirai me battre Outremer. »


Je n’ai jamais laissé penser à quiconque que mon retour en Cahogne n’était pas définitif.
Que le connétable fasse ce qu’il veut avec cette information.

« Il est hors de question de lui offrir dix jours. C’est un félon. On n’offre pas les coutumes de la chevalerie à des félons, peu importe ce que le cœur de sire Richard en pense.
Mais il est vrai que Malestoit n’a pas de raisons de se rendre s’il est promis à la mort. »


Je regarde le donjon. Un obstacle si léger, et qui, pourtant, est une sacrée épine. Il faut gérer ses prisonniers, et maintenir des soldats sur place pour surveiller la place-fort. C’est un gâchis de temps.

« Punir Malestoit serait une victoire en soi. Un moyen de montrer au Vaujour que je suis sérieux lorsque je dis faire appliquer le droit. J’aimerais l’avoir vivant pour le faire tuer en public à Raveaux.
Mais si utiliser un de ses hommes comme projectile n’est pas une mesure suffisante pour le convaincre, il va bien falloir trouver quelque chose pour le ferrer. »

Je croise les bras.

« Vos hommes ont interrogé certains de ses sbires, donc ? Est-ce qu’ils peuvent me renseigner sur le capitaine ? »
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MessageSujet: Re: La guerre du Vaujour : Claujacques La guerre du Vaujour : Claujacques - Page 2 Icon_minitimeJeu 1 Juil - 11:12
Le connétable souleva un sourcil de surprise à apprendre l'attention du duc de retourner en croisade.

« Si vous partez monseigneur, il faudra quelqu'un pour garder la Cahogne. Je vous serez plus utile ici qu'en outremer. »

Et ainsi Charles d'Annequin se sauva de sa promesse fumeuse de prendre la croix.
Le connétable était un homme de guerre, mais il préférait combattre sous le ciel de la Cahogne.

« Je suis bien de votre avis monseigneur. Chevalier ou non, Malestoit est un félon qui ne mérite aucune considération de notre part. Mais il va bien falloir le faire sortir de son trou, et sire Rattier refusera qu'on s'attaque à son donjon. Il ne nous reste qu'à attendre que leurs ressources s'épuisent. Cela peut prendre un certain temps.
Mais si vous voulez le prendre vivant nous prenons le risque qu'il trouve la mort. L'exécuter en place publique devant le peuple de Raveau montrerait à tous votre sens de la justice.
 »

D'Annequin observa les prisonniers réunis, entassés comme un troupeau de brebis ensanglantées.

« Ils ne nous ont rien apprit de plus que nous ne savons déjà. Je proposes de tous les mettre à mort. Pour la plupart ce sont des Maurannais, ce sont vos sujets et ils vous ont trahi.
Gardons en une dizaine si vous voulez continuer de vous en servir de projectile, tuons le reste.
 »
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MessageSujet: Re: La guerre du Vaujour : Claujacques La guerre du Vaujour : Claujacques - Page 2 Icon_minitimeLun 12 Juil - 16:19
La nuit porte bien conseil ; Il semblerait que le sire connétable soit inspiré par la Géhenne. Je hoche de la tête en guise d’approbation à son plan.

« Je pense qu’éliminer tous ces mercenaires est la bonne chose à faire. Mais si nous accomplissons cette besogne, nous supprimons tout moyen de pression autre.
Attendons donc une journée ou deux, le temps que nos éclaireurs nous envoient des nouvelles de ce que Landebroc compte faite — et le temps que le donjon soit totalement enfumé par les cadavres que nous brûlons. Peut-être que tel tourment sera déjà suffisant pour forcer un des sbires du Maurannais de trahir son capitaine. »
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MessageSujet: Re: La guerre du Vaujour : Claujacques La guerre du Vaujour : Claujacques - Page 2 Icon_minitimeSam 7 Mai - 15:25
Eudes donna ses ordres que le connétable transmit à ses lieutenants. Bientôt, une montagne de cadavres empilés s'éleva de terre ; puis on y mit le feu. C'est comme ça que l'esprit superstitieux de Robert de Lescure imaginait l'enfer : des monticules de cadavres enflammés par le feu des démons.
Rapidement, une odeur atroce envahi les alentours de la forteresse.

Le lendemain matin, le soleil brillait comme s'il ne s'était pas levé depuis presque un an.

Dans la tente du connétable, qui était devenue celle du duc, s'était réuni le conseil de guerre : Charles d'Annequin, Richard Tancarvelles, Robert de Lescure et d'autres subalternes.
Ils discutaient de la suite des opérations. Malestoit n'avaient pas bougé depuis sa dernière lettre malgré les fumées macabres qui provenaient du charnier enflammé, et les éclaireurs n'étaient pas encore revenus de leurs opérations.
Nous étions dans une situation d'attente, ce genre de moments qui n'apparaissent jamais dans les chansons de geste alors qu'ils occupent la plus grande partie du temps d'un chevalier en guerre.

« Pene-Penac m'a fait part d'une idée pour forcer Malestoit à sortir de sa cachette, dit Charles d'Annequin, mais je ne sais pas si nous pouvons lui faire confiance.
- Pourquoi montrez-vous autant de méfiance à l'égard de sire Rattier ?
lui rétorqua Robert de Lescure. Jusque là il n'a montré que des signes de ralliement : il a juré fidélité à notre duc, il a livré une prisonnière, et c'est sur ses conseils avisés que nous avons prit le bayle de Claujacques.
- Je n'accorde pas facilement ma confiance sire Robert. La confiance se mérite.
- Je le sais bien, notre neveu en a fait les frais de votre défiance envers les hommes. Tous ne sont pas malhonnête et sire Rattier a de bonnes raisons de nous rallier, il m'a l'air d'un homme lucide.
 »

Peut être que comme pour son neveu le sire de Toussaint, d'Annequin voyait en Pene-Penac un potentiel rival. Les Annequin étaient une famille très orgueilleuse qui refusaient de voir un quelconque concurrent leur prendre une once de prestige.

« Vous êtes bien naïf mon cher cousin, Pene-Penac est un valaisan, ces hommes là n'ont aucune honte à ne pas respecter leurs serments. 
- Et quel est donc son plan ?
s'interposa Beaucoeur, légèrement agacé. Jusqu'à maintenant il a été de précieux conseils et comme la rappeler sire Robert, nous sommes à deux doigts de prendre Malestoit grâce à lui.
- Malestoit ignore que Pene-Penac nous a rejoint, il le croit encore Haut-Sénéchal du Valais. Si nous nous replions et que nous laissons Pene-Penac et ses troupes se présenter à la porte du château en brandissant la bannière du comte, il pourrait se faire passer pour une armée de secours envoyée par Landebroc. Malestoit lui ouvrirait ses portes et Pene-Penac en profiterait pour investir la forteresse et le capturer.
 »

le Grand Ecuyer de Cahogne réfléchit un instant.

« Hum... c'est une bonne idée, cela pourrait fonctionner.
- Mais pouvons nous lui faire confiance?
tempéra d'Annequin. Il pourrait en profiter pour aider Malestoit à s'enfuir, ou bien lui apporter des renforts et se retourner contre nous une fois dans le donjon.
- Je le vois mal agir ainsi, ce n'est pas dans son intérêt. S'il avait cette idée il ne nous aurait pas parlé de la sortie secrète que les Housecarles surveillent. Et pensez-vous qu'il irait nous trahir alors qu'il se trouve au milieu de notre multitude ? Nous sommes bien plus nombreux.
Qu'en pensez-vous votre Grâce ?
 » dit Robert en s'adressant au duc de Cahogne qui écoutait la discussion assis en silence sur sa cathèdre.
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MessageSujet: Re: La guerre du Vaujour : Claujacques La guerre du Vaujour : Claujacques - Page 2 Icon_minitimeLun 9 Mai - 19:16
Le connétable n’a vraiment pas de chance ; alors qu’il a mit en place son camp de siège et sa tente, je suis arrivé de nulle part pour troubler ses plans, et lui faire de l’ombre, jusqu’à voler le lit dans lequel il dort. Alors que l’héritier des Tancarvelles a une victoire unique à son palmarès, le duc retourné de croisade est ici pour embêter le chef de ses armées.

J’étais bien décidé à passer une journée enfermée à l’intérieur ; dehors, ça empeste, la faute à moi, et à mon ordre fort cruel de brûler des cadavres. Toute l’atmosphère est devenu viciée, ça pue la charogne et ça fait tousser les soldats. Je n’imagine pas l’enfer que doivent vivre les mercenaires de Malestoit…

…Pourtant, toujours aucune réponse de sa part. Et c’est ainsi qu’une nouvelle idée est mise sur la table, une donnée par Pene-Penac, ce rouquemoute qui m’a prêté hommage. Annequin ne lui fait aucune confiance, alors que les autres maréchaux sont tous disposés à suivre son conseil.

Ça commence à s’engueuler, quand enfin on me demande mon avis, moi, qui est assis sur la cathèdre, une jambe croisée sur l’autre, à lire un livre — une encyclopédie du vivant, offerte par l’Abbaye Rouge. Une bonne lecture pour un seigneur, même si elle ne fait pas très guerrière.
Beaucoup de seigneurs aiment parler. J’aime également écouter et laisser tout le monde s’exprimer à voix haute avant d’émettre mon opinion.

« Ce que j’en pense ?
J’en pense que quiconque vainc par des armes fourbes, ne doit pas s’étonner d’être défait lui aussi par des armes fourbes. »


Je ferme mon livre, et lève mes fesses, alors que je m’approche de la table au centre de la tente.

« Le plan de Pene-Penac me plaît bien.
Mais il ne l’exécutera pas avec ses hommes à lui ;
Il l’exécutera avec les nôtres. Nos chevaliers, nos sergents, habillés avec la livrée des Valaisiens. S’il peut fournir des soldats, il peut bien fournir des uniformes, non ?
Oui, il m’a prêté hommage… Dans un bois, avec bien peu de témoins. Je ne crois aux serments que lorsqu’ils sont publics et connus de tous. Et oui, c’est vrai, il nous a rendu une prisonnière — une femme, de bien peu de valeur, ce n’est pas comme s’il nous avait rendus Rodrigue de Saint-Saëns…
Je lui fais assez confiance pour lui permettre de regagner sa maison ancestrale, ce qui fait que je n’aurai pas à l’offrir à un autre de mes seigneurs en récompense — c’est déjà beaucoup pour lui. Mais je ne suis pas assez sot pour croire qu’il ne sera pas tenté de regarnir la forteresse dont nous venons juste de nous emparer, avant d’attendre en bonne posture les renforts de Landebroc. Il pourrait très bien apprécier de se retrouver dans la situation de pouvoir choisir le vainqueur, entre moi et le bâtard. »

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MessageSujet: Re: La guerre du Vaujour : Claujacques La guerre du Vaujour : Claujacques - Page 2 Icon_minitimeMer 11 Mai - 16:01
« Excellente idée monseigneur, cela nous permettra de surveiller sire Rattier de près. Cette solution vous convient-elle sire Charles ? » dit Robert de Lescure en se tournant vers son cousin.
Charles d'Annequin afficha un air sceptique, puis se résigna à rejoindre l'idée.

« Très bien, nos soldats remplaceront les siens en portant l'étendard du Valais. Nous pouvons broder quelques fanions qui feront illusions. 
- Votre Grâce,
intervint Richard Beaucoeur, je souhaiterais accompagner sire Rattier et être à ses côtés pour entrer dans le donjon. Je pourrais être vos yeux et vos oreilles et vous faire un rapport détaillé de ses actions. »

Charles fit un signe de tête pour acquiescer la proposition de son maréchal de bataille, puis il se tourna vers le duc :

« Monseigneur, avez-vous décidez de ce que vous allez faire de Malestoit une fois qu'on aura mit la main dessus ? »
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MessageSujet: Re: La guerre du Vaujour : Claujacques La guerre du Vaujour : Claujacques - Page 2 Icon_minitimeMar 17 Mai - 2:11
Comme d’ordinaire, Beaucœur est plus que ravi de se porter volontaire pour se porter au danger. C’est très courageux de sa part, mais c’est le genre d’affaire où j’ai besoin de quelqu’un de plus fourbe que lui…

Je le regarde, dégage ma gorge, et change légèrement mon accent, pour prononcer une phrase un peu incertaine :

« Depènd. Pòs pas parlar sa lenga ?
Seràs convencants ? »


Lando-Valaisin. J’ai commencé à apprendre la langue de ce pays. Tout comme les barbares de Transgarde, je reste persuadé qu’un duc ne peut pas régner sur une contrée dont il ne prend pas la peine de connaître les usages, et surtout, la langue. Je suis sûr que j’ai totalement écorché leur dialecte, mais je suis fier de mon petit effet d’annonce.

« Vous êtes quelqu’un de reconnaissable, Richard, et mon maréchal. Trop de risque que vous soyez reconnu, et pris.
Mais oui, je suis d’accord, il serait bon d’avoir un proche à nous près de Rattier. Mais je préférerais nommer quelqu’un qui paraisse bien pour un Valaisien, et qui s’assure que Pene-Penac ne parle pas à ses proches dans son propre dialecte. »


Quant à mon connétable, je hoche la tête.

« Malestoit est un félon qui a trahi son contrat, et s’est vendu comme une putain. Il mérite d’être puni. Je pensais que le faire rouer à Raveaux serait un châtiment suffisamment juste.
Remarquez, nous avons encore toute son armée de mercenaires comme prisonniers. Ces hommes sont très loyaux à leur capitaine. Une fois Malestoit entre mes mains, peut-être le Mauranne me fera une offre pour sauver son corps. Ce sera à lui de me convaincre. »
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