Les arguments de la Vipère font plutôt sens. C’est vrai qu’il vaut mieux avoir un diable qu’on connaît plutôt qu’un diable qu’on ne connaît pas. Au moins avec la Vipère en place, je peux peut-être espérer obtenir les noms de ceux qui agissent dans mon dos.
Du moins, c’est à la condition que la Vipère souhaite bien que je l’apprenne. C’est le soucis avec les espions, ils peuvent tout à fait jouer double-jeu. C’est une situation qui me met fort mal à l’aise. J’en fronce les sourcils, et garde les bras croisés.

« Il faut voir.
Vous aviez dit que vous avez des informations sur le Valais – Dites-moi donc quel est ce renseignement, que j’en juge la valeur. »

La Vipère sourit. Ses arguments avaient l'air d'avoir convaincu le duc. Resté à le convaincre de l'utilité d'un réseau d'informations fait de contrebandier.

« Mes contrebandiers quadrillent la zone bien plus efficacement qu'aucun autre de vos espions. Ils ne sont pas présent que sur le territoire du duché. J'ai des yeux partout.
Je sais ainsi que Robert rassemble une armée près de l'Isle-Bec, quelques 20 000 hommes d'après mes sources. Mais c'est une information que vous possédez déjà. Ce que je peux vous dire de plus, c'est que mes hommes placés dans cette région ont remarqué une circulation anormale des pièces marquées du sceau de la république de Vaucouleur. Apparemment, les mercenaires engagés par le comte les utilisent en abondance... »

La Vipère laissa le duc en tirer ses conclusions, puis il poursuivit.

« J'ai aussi d'autres informations, non pas sur le comte Robert mais sur sa jeune sœur, Marie. Demi-soeur devrais-je dire. Annemarie Hohenhaussen, la mère de Marie, aussi tante du comte de Roxemberg, le jeune Alphonse IV, est décédée récemment. On soupçonne Robert de l'avoir fait empoisonner, les deux se détestaient.
D'après mes sources, Marie serait la prochaine victime de son frère. Elle est en ce moment tenue en résidence, pour ne pas dire prisonnière, dans un couvent de la forêt de Pouillard, au Nord-Ouest de l'Isle-Bec. »

Vingt mille hommes. Une force considérable.

Je savais que le Duché de Haute-Julienne avait décidé de mettre une sale puterelle dans le lit de Landebroc. Mais si la République de Vaucouleur se mêle de cette affaire… J’en bous déjà de rage.

Au moins, la Vipère m’apprend autant de choses dont je dois me méfier, que de nouvelles fort alléchantes. Marie de Valais. Un outil dont j’aurais besoin pour calmer les ardeurs du Valais et renverser le Bâtard. Un moyen de m’assurer l’alliance de la maison de Roxemberg. La secourir est primordial.

« En effet. C’est… Impressionnant. »

Eustache Brascourt a raison : Le renseignement, c’est ça le moteur de la guerre. C’est ça qui permet de savoir où l’épée tranche. Ce que vient de m’apporter la Vipère est précieux, extrêmement précieux.
Difficile après ça de décider de le mettre en cage et de laisser Rigaud s’emparer de son territoire. Il vient de me prouver son utilité, alors même que j’ai toutes les raisons du monde de le haïr.

« Trouvez-moi de quoi faire chanter Lanfranc. Le mettre au pas. Ce sera la preuve de votre allégeance envers moi.
En échange, vous pouvez continuer votre contrebande de vin de votre côté. C’est assez marrant, Lanfranc avait essayé de me convaincre de baisser le vinage du duché de Cahogne… À présent, l’envie me titille de l’augmenter. Cela devrait bien faire votre fortune, n’est-ce pas ? »

Rigaud s’occupera de Népotain. La Vipère s’occupera de Lanfranc. Un bon moyen de regagner le contrôle de mon administration.

Le lieutenant de Dieu fait des pactes avec des Démons. C’est ainsi que l’on achète la paix en Cahogne.

Il faut que je mette la main sur Marie. Je me demande si mes Housecarles ne pourraient pas s’en occuper…

La Vipère secoua la tête.

« Je suis désolé sire Eudes, mais je ne vais pas pouvoir agir directement contre Lanfranc de Picquy. C'est l'un de mes collaborateurs, je ne peux pas jouer contre lui, pour qui on me prendrait ?
Dans mon milieu les nouvelles vont vites, si on apprend que j'ai trahi monsieur de Picquy il en va de ma réputation et de celle de mon organisation. Je ne pourrais pas trouver les preuves que vous me demandez, mais je peux toujours vous mettre sur la bonne piste.
La contrebande de Picquy pour la Hanse n'est pas secrète, il opère au grand jour. Et pour cause, votre intendant possède des papiers officiels signés par vos soins.
Il utilise des faux portant votre sceau pour faire passer les péages à ses marchandises et les exempter de taxes. Il n'a même pas besoin de se cacher, de prendre des routes détournées. C'est brillant.
Trouvez ces faux documents et vous aurez de quoi inculper Lanfranc de Picquy. »

La Vipère réfléchi un instant.

« En ce qui concerne l'augmentation du vinage, laissez le donc ainsi. Vos taxes pèsent déjà assez durement sur les pauvres gens, épargnez leur cela. »

Lanfranc utilise mon nom et mes sceaux pour faire passer son vin ?
À entendre cela, je suis sidéré. Il ne se cache même pas pour agir contre mes intérêts. Le genre de jugement qu’on pourrait rendre envers ce sale enfoiré…

Je me relève de la chaise. Et c’est là que la Vipère m’avoue que ce qui l’intéresse surtout, c’est ce le sort du bon peuple ? Quel homme fascinant.

« Je vous remercie pour toutes ces informations fort précieuses, maître. Vous êtes un talent nécessaire à mon règne.
J’espère que nous pourrons collaborer ensemble pendant de longues années. »

Je me tourne vers Odilon.

« Une idée de comment on peut mettre la main sur ces papiers ? Ce serait une preuve énorme de ses méfaits. »

Odilon réfléchit un instant alors qu'il se levait lui aussi, s'apprêtant à quitter l'Antre de la Vipère.

« Nous pourrions envoyer des hommes, ou bien soudoyer les contrebandiers de Lanfranc pour qu'ils nous remettent les documents. Ou bien ordonnons l'arrestation de l'intendant et procédons à la perquisition de son hôtel à Soulans, peut être que nous y découvririons des choses compromettantes. Ce serait un coup de force qui monterait à tous quel genre de duc vous êtes. Ceux qui se jouent de vous mérite d'être puni sévèrement.
Ou peut être devrions nous d'abord convoquer Lanfranc pour le confronter à nos accusations ? »

Odilon était pensif. C'était un gros coup qu'ils s'apprêtaient à faire, la chute de Lanfranc de Picquy allait faire du bruit. Il était le plus riche bourgeois de Soulans et certainement qu'il allait entraîné d'autres puissants personnages avec lui, à commencer par Népotain ou même son grand ami Charles Daguerre...

« Mais faire cesser le commerce frauduleux entre Lanfranc et la Hanse pourrait vous mettre le Grand-Consul à dos, surtout si vous en profitez pour toucher son frère. Cela ne vous inquiète pas ? »

« Non. Il est hors de question de convoquer Lanfranc avant d’avoir des preuves ; Autrement il pourrait les faire disparaître.
Le mettre aux fers immédiatement serait un impressionnant coup de force, c’est vrai, mais si la perquisition échoue et que je ne récupère pas les preuves, alors, je serai obligé de le relâcher… Ou bien de le faire condamner, mais alors, je serais tyrannique, pas un garant de la bonne justice.
Je préfère en effet m’assurer que les papiers existent et mettre la main sur un minimum de choses pour constituer un dossier avant d’agir. C’est plus propre. Moins risqué. »

Odilon soulève des inquiétudes quant à mon médecin. Elles me font avoir un sourire mauvais.

« Nous devons aussi avoir des preuves sur le Grand Consul et Népotain. Mais lui nous ne le ferons pas tomber, juste chanter.
Lanfranc doit payer violemment pour faire passer un message. Les autres doivent simplement se tenir à carreaux. Quant ils comprendront à quel point je peux être violent envers ceux qui me font du mal, peu importe leur richesse, et peu importe leur statut, ils devraient déjà commencer à limiter leurs écarts et leurs profits. Nous n’allons pas pendre Népotain, nous allons juste le virer de la cour en échange du silence et du calme du Consul. Qu’en penses-tu ? Cela se tient comme raisonnement, non ? »

Odilon afficha un air perplexe.

« Les preuves impliquant la Hanse vont être plus difficiles à trouver. Peut être pourrions nous obtenir des aveux de Lanfranc en échange d'un allégement de sa peine ?
Mais je suis ravi de vous entendre vouloir agir fermement contre la corruption. Votre père n'aurait peut être pas osé agir ainsi.
Comment comptez vous obtenir les faux qu'utilise Lanfranc, désirez vous que je m'en occupe ? »

« En effet… S’attaquer à la Hanse c’est une autre paire de manches.
Il faudra voir une fois que nous aurons Lanfranc aux fers, et terrifié pour sa vie. Ou bien, peut-être que Népotain lui-même pourrait trahir son frère pour sauver sa tête. Oui… Pour Lanfranc, je veux quelque chose de très officiel, que des sergents s’emparent de lui et de ses pieds, qu’on mette son nom au Parlement dans une procédure. Mais pour Népotain, je ne souhaite pas le même cérémoniel. Je pense qu’on peut plutôt demander aux sbires de Rigaud de le prendre discrètement. Le secouer, lui faire très peur, aller lui parler de façon plus détournée. Il pourrait, en échange de sa tête, nous donner de quoi faire chanter le Consul.
C’est une idée réalisable et réaliste selon toi, ou non ? »

Quant à sa deuxième question, je hausse les épaules.

« Tu es plus compétent que moi pour agir. Si tu dois payer des contrebandiers, paye-les. Si tu dois prendre un espion du Bureau, prend-le. Mais j’ai peur que Saint-Saëns, en grand espion, ne se sente lésé. Il ne me semble pas qu’il soit trempé dans ces affaires, et il est resté plutôt discret depuis mon retour… Il faudrait que je le rencontre, d’ailleurs.
Tu crois qu’on pourrait lui demander de se mêler de cette affaire ? Qu’il nous aide dans notre entreprise ? Ou bien est-ce trop risqué ? »

Odilon salua la Vipère. Ses relations avec ce derniers n'étaient pas encore très clair pour le duc. Le chef des voleurs avait-il était un mentor pour le chambellan ? Un ami ? Voir un amant ?
Puis Eudes et lui quittèrent la taverne de l'Aspic suivit par les deux housecarls. En chemin, à l'entrée de l'Antre, le duc reconnu le jeune garçon qui lui avait volé sa bourse. Il était en train de jouer avec le denier d'argent que lui avait donné Eude.

« Merci monsieur. Excusez moi de vous avoir volé, je ne savais pas à qui j'avais à faire. »

Le jeune garçon fit une révérence maladroite. Il n'avait visiblement aucune notion de protocole de la cour. Pas étonnant pour un jeune voleur des bas quartiers de Soulans.
Une fois dehors, Odilon reprit la conversation.

« Népotain a l'air d'être le genre d'homme facilement impressionnable. Je pense que Rigaud peut s'en charger, lui faire cracher quelques aveux.
Quant à Cécil de Saint-Saëns... hum... je serais d'avis de le laisser en dehors de ça. Sa discrétion est suspect. Peut être ce fait-il petit parce qu'il a quelque chose à se reprocher ? Lorsque vous m'avez autorisé à utiliser les ressources du bureau secret pour mon enquête, Saint-Saëns l'a mal prit. Avez t-il peur que je découvre quelques secrets ?
C'est un homme mystérieux. A votre place je me méfierais de lui jusqu'à être sûr de sa loyauté. Si Espien l'a laissé maître du renseignement ce n'est pas pour rien je suppose. »

Je souris au petit garçon, et répond à sa mauvaise révérence par un poing posé contre mon cœur, comme si je saluais un frère chevalier. Voleur, c’est pas une bonne carrière bien triaphysiste pour un enfant, ça augure de biens mauvaises choses pour sa vie ; Mais il a eu la malchance de naître dans la misère. Je ne peux pas lui en vouloir de faire ce qu’il peut pour sauver sa vie.

« C’est une prudence qui me semble logique. La famille de Saint-Saëns c’est une vieille famille, et Cécil doit être quelqu’un d’intelligent. J’aimerais avoir affaire au bonhomme, en face, avant de le mettre dans un quelconque secret.
Soit, je m’en remets donc entièrement à toi. »

Nous marchons tous les deux dans le noir de la nuit.

« Puisque nous en sommes à comploter pour faire disparaître des vieux, il va aussi falloir que je m’occupe de Charles d’Annequin. Je t’en avais parlé. Je souhaite rouvrir le dossier Toussaint. Là aussi, j’ignore ce qui s’est déroulé. Tant de secrets, tant de mensonges… Tant de choses qui se sont passées en mon absence. Je ne reconnais plus les gens que j’ai laissé derrière moi avant de partir en Outremer.
Ou alors c’est juste que j’étais aveugle. Trop jeune pour m’en rendre compte. »

Je souris en coin à mon chambellan.

« C’est quoi que la Vipère racontait là-dedans ?
T’as pas une gueule de tueur. Est-ce que tu sais bien le cacher ? »

Odilon sourit.

« Non monseigneur, je vous rassure je ne suis pas un assassin. Je n'ai tué personne pour avoir mon poste, la Vipère ne veut simplement pas croire que je sois là par la seule force de mon talent, et non par machination.
J'ai un certain passif avec lui. Je vous l'ai dit, j'ai grandit ici. Avec les filles du Chenil, la Vipère fut l'un de mes précepteurs. »

Ils marchèrent jusqu'à atteindre à nouveau la grand rue de Soulans, celle qui traversait la ville d'Est en Ouest.
Odilon désigna un bâtiment en retrait, avec des rideaux rouges à ses fenêtres.

« Voici la maison de mon enfance. Voulez vous que je vous présente à mes amies ? »

C'était le Chenil, le bordel le plus réputé de la ville.

« Nous pourrions y discuter des affaires et finir la nuit là bas. C'est un endroit agréable. »

Peut-être qu’un jour, il y a longtemps, Odilon occupait la place de l’enfant à qui j’ai offert une pièce en récompense de la qualité de son forfait. Peut-être qu’à cette époque il regardait le donjon de Soulans, alors que moi, je n’étais qu’un bambin dans les bras de nourrices. Le monde que Dieu a fait est étrange, il m’emplit d’inquiétudes et d’interrogations auxquelles les philosophes ont du mal à répondre.

Odilon me conduit jusqu’au chenil. Je regarde derrière moi les deux Housecarles qui sont dans mon ombre. Baldur cesse d’avoir l’air bougon et soudain, comme s’il n’avait pas été blessé, il s’époussette et se remet bien droit, ce qui ne me manque pas de me faire sourire.
Il serait très mal vu pour un Duc de passer sa nuit au Chenil. Mais enfin, ici, je ne suis pas Duc. Ici, je suis juste un bourgeois un peu perdu.

« Très volontiers, Odilon. Je suis curieux de voir où donc tu as été éduqué ; Peut-être que ça me permettrait d’en apprendre un peu sur toi ! »

Odilon montra le chemin au duc. Le Chenil avait toujours été un objet de fantasme pour les habitants de Soulans, mais peu avaient leurs entrées. Des rumeurs couraient sur le lieu et des gens qui le fréquentaient. On racontait qu'un étage entier était réservé au clergé, où les prélats et les chanoines pouvaient s'adonner à la luxure en tout impunité ; un autre, disait-on, était réservé à la noblesse qui pouvait y assouvir leurs fantasmes pervers sur des esclaves sexuels réduit à l'état de simples objets.

« Venez, entrons par la porte dérobée. L'entrée principale est pour le petit peuple, les grands entrent par derrière et vont directement à l'étage. »

Odilon connaissait bien l'endroit. Un garde costaud protégeait l'entrée. Le chambellan l'appela par son prénom, le garde lui répondit d'un ton amical et laissa entrer le groupe sans poser plus de questions.
Odilon afficha un large sourire, comme s'il venait enfin de rentrer à la maison.
L'étage du Chenil était digne d'une cour royale. De la vaisselle d'or, des draperies vermeils et pourpres, des tableaux et des chandeliers décorés des murs tapissés de rouge. L'ambiance était tamisée, emplie d'une douce odeur d'encens.
A cette heure tardive il y avait encore du monde. De jeunes chevaliers et de moins jeunes, personne que Eudes ne semblait connaître, mais surtout un tas de jeunes filles légèrement vêtues qui batifolaient et jouaient avec les hommes.

« Odilon ! Tu daignes enfin venir nous voir.
- Maman ! s'écria le chambellan.
- Je t'ai déjà dit de ne pas m'appeler comme ça, cela me vieillit. »

Une femme approcha. Par sa tenue et son aura, Eudes comprit qu'il ne s'agissait pas d'une simple prostituée. Elle devait à peine avoir la quarantaine, ce qui rendait peu probable la filiation que revendiquait Odilon.

« Je pensais que le Chenil n'était plus assez bien pour quelqu'un qui côtoie le palais ducal.
Mais qui est donc ces gens qui t'accompagnent ?
- Je te présente maître Corvus, un riche bourgeois en visite à Soulans, et ses deux gardes du corps. Maître, je vous présente Dame Margot, gérante du Chenil et une bonne amie à moi. Elle a été l'une de mes mères. »

Après avoir rencontré le duc des Ribauds et le marquis des Voleurs, voilà qu'Eudes faisait face à la reine des Putes. Comme tout le monde à Soulans, il avait déjà entendu parler de Dame Margot, maquerelle du Chenil, qu'on appelait simplement "Madame", mais que ses détracteurs surnommaient la Grande Chienne.
Contrairement aux rumeurs qui couraient sur elle, Dame Margot n'aurait pas fait tâche à la cour ducale. C'était une belle femme dont l'élégance pouvait rivaliser avec les plus nobles dame de la cour.
Elle observa Eudes d'un air dubitatif, comme si elle soupçonnait quelque chose.  

« Maître Corvus, bienvenu au Chenil, j'espère que cette soirée sera l'acmé de votre séjour à Soulans.
Les amis d'Odilon sont mes amis.
Je te retrouve à la niche ? »

Le chambellan acquiesça de la tête puis il guida de nouveau le duc vers une partie réservée, la "niche". En chemin, plusieurs femmes regardèrent Eudes avec un grand sourire, lui faisant des signes. D'autres avaient l'air plus intéressées pas les deux grands gaillards qui suivaient le duc incognito.

« C'est ce qu'il y a de formidable ici, le Chenil est un lieu géré par les femmes et pour les femmes. Les hommes n'y sont que des clients, pas les maîtres. »

Le niche était une grande pièce qui aurait pu être l'une des chambres du palais. Elle était richement décorée, avec des divans remplis de coussins et de petites tables.

« Au risque de vous décevoir, non, il n'y a pas de pièces réservées au clergé ici. J'y ai déjà croisé des chanoines, mais ils sont rares, ils n'aiment pas y risquer leur prébendes.
En parlant de l'Eglise, il faut que je vous parle d'Espien. Mais avant ça, vous désirez boire quelque chose ? »

Le chenil est un lieu impressionnant. Une perle insoupçonnée au milieu de la Grenouillère. Je regarde partout avec de grands yeux écarquillés, et le cœur pulsatile ; J’ai la fascination curieuse d’un enfant qui vient de découvrir un lieu unique. Tant de luxe, tant de beauté, et tout cela se trouvait à Soulans. J’ai l’impression d’avoir le même sentiment de petitesse devant la grandeur qui me traversait lorsque je découvrais le palais de l’archevêque à Vendaume – même si cette petitesse n’est ici ni humble, ni pieuse.

Je suis étonné de voir le chambellan appeler une femme « maman ». Elle n’a pas l’air d’être sa génitrice pourtant. Je salue Dame Margot avec un lent signe de tête, en baissant les yeux.

« Tout le plaisir est pour moi, ma dame. »

On passe devant de jolies filles qui me font un peu rougir. Et c’est sans parler de mes deux gros balourds de Housecarles ; Beaucoup de choses peuvent convaincre un Norge du fin fond de la toundra nordique de descendre dans le sud pour servir un Duc. La richesse en échange d’une bonne bataille suffit souvent. Les jolies femmes à ramener au pays ça en est une autre. Pas sûr pourtant que ces dames, si belles soient-elles, feraient de bonnes épouses à présenter à leurs mères, mais en tout cas, ils ont l’air de bien rêvasser.

J’arrête Baldur et Harald d’un signe de main, et ils attendent devant la porte de la niche. Ils montent la garde tandis que moi et Odilon disparaissons dans la niche. Il m’indique qu’il n’y a pas, en fait, de pièce réservée aux clercs. La réflexion me fait rire.

« En effet, c’est très dommage. »

Je trouve un divan sur lequel m’avachir tandis qu’il me propose à boire.

« Volontiers ; Tu dois avoir des boissons moins chargées que la pisse de Rigaud.
J’arrive pas à croire qu’il soit capable de descendre du Mauriac sans sourciller. »

Je pose une main sur ma tempe.

« Grandir ici ça a dû t’enseigner pas mal de qualités, non ? »

Odilon suivit et s'avachit à son tour aux côtés de Eudes, d'une manière un peu balourde qui ne lui ressemblait pas.
Odilon était toujours très distingué, toujours richement vêtu et parfumé. Mais ici, de retour chez lui dans le lupanar où il avait grandit, il perdait un peu de sa distinction et son naturel revenait.
L'ambiance, l'identité secrète du duc, l'alcool... le chambellan en aurait presque oublié qu'il se trouvait en présence de son suzerain et patron, prince des plus puissants de l'Empire.

« Oui, avec le recul je m'aperçois que j'ai acquis plusieurs compétences qui me servent aujourd'hui.
La première est celle de tenir l'alcool ! Rigaud est une force de la nature, il a quand même sifflé une bouteille de Mauriac devant nous ! Et pas du plus mauvais ! »

Odilon ria. C'était la première fois qu'il semblait aussi détendu en présence de Eudes.

« Le Chenil m'a aussi apprit la solidarité, le respect des femmes et des petits gens méprisés par la société, l'Eglise en premier... »

Odilon redevint sérieux.

« Je vous ai dit après votre sacre qu'Espien n'était pas intouchable. L'archevêque pourrait être d'accord pour le destituer si jamais Espien était impliqué dans la corruption qui touche le duché.
Il se trouve que j'ai des informations à ce sujet. Frère Yvon a eu accès à certains documents concernant le diocèse de Soulans. Il y a vu que l'évêque a vendu des biens d'Eglise à quelques uns de ses proches. Cela le rend coupable de simonie. Il a prostitué son évêché pour s'enrichir. »

Cette dernière phrase n'était pas sans ironie, accuser un évêque de prostitution au milieu d'un lupanar...

« Espien est le principal responsable de ce fléau qui ronge le duché. Le déposer ce serait mettre un terme à la corruption et à l'anarchie. Ce serait reprendre véritablement en main l'administration.
Frère Yvon vous est totalement loyal, il ferait un excellent évêque. Et ce ne serait que justice pour lui qui travaille tant au rétablissement de votre autorité. »

Alors qu’Odilon était prêt à me faire rire, ce qu’il m’apprend sur Espien me rend soudain beaucoup plus calme et sérieux.
Espien de Raysac, simoniaque ? C’est une accusation énorme. Gravissime. C’est mon chancelier, et l’évêque de Soulans. Un homme important. Qui a rendu de fiers services au Duché, également. Mon oncle souhaite que je l’écoute ; et il est vrai que, pour l’heure, vu le contexte international, vu la pression du Valais et du Porez, ses conseils sont fort utiles.

C’est pourtant une arme redoutable contre lui.

« L’archevêque ne sera pas éternel. Et Espien a un gros appétit. S’il parvenait à accéder à l’épiscopat de Vendaume, il deviendrait soudainement impossible à déboulonner. »

Je reste muet un moment.

« Mais ce que je ne comprend pas c’est que… Tu dois tout à Espien, non ? N’est-ce pas lui qui t’as élevé, qui t’as permit de devenir chambellan ?
Pourquoi veux-tu t’en prendre autant à lui ? Je veux dire… Moi, j’ai des raisons de me méfier de lui. Mais toi, pourquoi ? Est-il vraiment aussi dangereux que ça ? »

Odilon demanda à l'une des filles qu'on leur apporte une bouteille de vin. Puis il reprit son rôle de chambellan au sérieux, retrouvant son tact protocolaire.

« C'est Espien qui m'a introduit à la cour et m'a apprit à me comporter comme un homme de la haute société. Mais s'il l'a fait c'est pour se servir de mes compétences, je ne lui dois rien.
Mais ne vous trompez pas monseigneur, je n'en veux pas à Espien personnellement. Je veux simplement rétablir la justice dans le duché. C'est le peuple qui souffre de la corruption. Et si Espien est responsable de cette souffrance, tout comme Lanfranc ou Daguerre, il mérite d'être déposé et puni pour ses crimes.
Je ne le vois pas comme un homme dangereux. Ce n'est pas un assassin comme je vous l'ai déjà dit. Mais c'est un profiteur, un méchant. Vous avez raison de vous méfier de lui, s'il devient archevêque ce serait terrible pour la Cahogne. Mais s'il n'a pas votre soutien, il n'atteindra jamais ce poste. »

Une jeune femme apporta du vin avec deux verres. Elle était habillée que d'une culotte et d'un drap qui laissait ses seins nus. Odilon ne s'en montra pas dérangé, habitué qu'il était à vivre ici.

« Vous vouliez parlé du connétable aussi. Que voulez vous faire contre lui ?
Charles d'Annequin est le chef de la maison la plus ancienne et la plus puissante de Cahogne. Il contrôle une bonne partie de la noblesse et possède des domaines à travers tout le duché. Mais son complot contre son neveu est manifeste. Il a profité de sa position et de l'impunité que lui offre le triumvirat pour agir. Il faudrait interroger Toussaint à ce propos. »

« Des profiteurs, il y en a beaucoup dans l’Église. Au fond, c’est un profiteur qui au moins est utile, et rend service. N’est-ce pas pour cela que nous laissons des hommes comme Rigaud et la Vipère en place ? Alors même qu’ils sont des truands et des criminels ? Parce que ce sont des diables que nous connaissons, et il vaut mieux le diable qu’on connaît que le diable qui prendrait sa place.
Ce qui m’inquiète avec Espien c’est… Qu’il tranche, dans le décor. Un peu comme toi. Il n’est pas le fils d’une grande famille. N’est-il pas un orphelin comme toi ? Un gamin des rues ? La vie n’a pas été facile pour lui, et il s’est élevé. Les hommes comme ça… Eh bien… Je ne sais pas. Ils sont obscurs, à mes yeux. Je ne sais pas rentrer dans leurs têtes. Généralement, je sais assez bien jauger et juger les hommes, je sais souvent quels appétits et quelles volontés ils ont qui les motivent. Espien, je ne sais toujours pas s’il est un saint ou un monstre.
Pour cela que je voulais que tu me parles de lui. »

La question revient à Charles d’Annequin. Je hoche de la tête.

« Rouvrir l’affaire Toussaint serait l’occasion pour moi de mettre Charles d’Annequin au vert. De le renvoyer dans sa campagne, hors de Soulans et loin du Conseil.
Mais j’ignore tout de ce qui s’est passé. Toussaint est… Est un bon ami. Un véritable ami. Je l’aimais. Lui et moi étions très proches. Le voir dans l’état où on l’a laissé, dans les cachots de la Geôlière… ça m’a déchiré le cœur.
On dit qu’il a essayé de tuer mon père. Et si c’était vrai ? Je n’en sais rien. Je refuse de le croire. Mais est-ce que c’est mon amour pour lui qui m’aveugle ? Je n’étais pas là pendant cinq ans. Toi tu y étais. Aux premières loges même. »

Odilon servit le vin puis bu une gorgée. Après le Mauriac de Rigaud, l'alcool commençait à monter.

« C'était il y a deux ans. Il y a eu une conjuration pour assassiner sire Hugues, votre père. En tout cas, c'est la raison officielle. Les conjurés avaient prévu d'entrer dans le palais en force, mais le complot a été éventé avant d'être mit en œuvre, et les responsables arrêtés. On les jugea devant le Parlement et tous furent condamné à mort devant les preuves accablantes que présenta Daguerre.
Annequin parvint à sauver la tête de son neveu, et à commuer sa peine en prison à perpétuité. Mais ses biens furent confisqué et donné à son plus proche parent, c'est à dire le connétable bien évidemment.
La conjuration est vraie, mais ses réelles intentions restent obscures. Avaient-ils vraiment l'intention de tuer le duc ? Je l'ignore, seul Toussaint possède les réponses. »

Dame Margot entra dans la Niche et interrompit la conversation. Odile sourit à son intention.

« Madame, vous avez pu vous libérer ?
- Oui. Cela me fait grand plaisir de te revoir Odilon. Ça doit bien faire 2 mois que je ne t'ai pas vu ici. Depuis le retour du duc à vrai dire, il s'accapare tout ton temps.
- Il est vrai, le travail au palais m'empêche de venir te voir. Ce nouveau duc est un bourreau de travail, il me charge de mission si bien que je n'ai plus de temps pour moi !
- Comment était le sacre ?
- Je n'étais pas dans l'Eglise, mais les festivités après la cérémonie étaient splendides.
- Et vous maître Corvus ? Que venez vous faire à Soulans ? Vous êtes un ami d'Odilon ? Il ne m'a jamais parlé de vous. »

J’approuve aux dires d’Odilon par un simple hochement de tête. Il faut que je discute avec Toussaint. Il a beaucoup de réponses à me donner.


Il n’y a pas grand-chose de plus à dire, et de toute façon, la Grande Chienne vient écourter nos intrigues. Elle ne mérite vraiment pas ce surnom ; C’est une femme raffinée et encore fort belle, bien loin du stéréotype des puterelles qu’on imagine trop souvent. Je me redresse tout en finissant le verre qu’on m’a apporté. On me demande de mentir. Je n’ai pas trop inventé de choses sur ma fausse identité, et de toute manière, c’est inutile d’en faire trop. Je pense que Dame Margot se doutera très vite de qui je suis.


« Bourreau de travail, le nouveau Duc ?
Moi on m’a surtout rapporté qu’il était un dépravé libertin, tiens. On ne le voit pas beaucoup siéger au Parlement ! »


Je fais un petit sourire en coin à Odilon.


« Je suis marchand de vin, ma Dame. Odilon souhaitait m’aider pour les affaires. Il est vrai que nous ne sommes pas du tout du même monde, mais, disons que nous avons des points communs qui font que nous nous apprécions beaucoup.
Lui-même ne m’avais pas parlé de vous avant aujourd’hui. J’apprends des choses sur lui à chaque semaine qui passe. C’est vraiment un garçon fascinant que vous avez élevé, ma belle Dame. »

Dame Margot vint s'asseoir sur le divan à côté de maître Corvus, ce pseudo-marchand de vin.

« "Élevé" est un bien grand mot. Il aurait été réellement mon fils je peux vous dire qu'il se serait mieux tenu et aurait fait moins de bêtises dans sa jeunesse. Mais je suis heureux de voir ce qu'il est devenu, la cour l'a rendu sage et soigné.
Un dépravé libertin ce nouveau duc ? Il est étrange que je ne l'ai jamais vu ici. Tu dois bien t'entendre avec lui Odilon, cela te fait beaucoup de points communs avec lui. Est-il beau garçon ? »

Odilon était un peu gêné. Dame Margot avait l'air d'en faire exprès, comme si elle avait deviné la réelle identité de maître Corvus.

« Euh... je ne sais pas, c'est mon patron. On dit de lui qu'il est plutôt bel homme oui. Il est grand avec les épaules larges, une barbe bien taillée et des yeux verts, toujours bien habillé et élégant. »

Odilon venait de faire le portrait de maître Corvus. Dame Margot sourit puis changea de sujet.

« Voulez-vous que je vous tire les cartes sire Corvus ? Je suppose qu'un marchand aimerait connaître son avenir, il est toujours utile d'avoir un coup d'avance en commerce, non ?
- Margot, n'embête pas maître Corvus avec ta magie.
- Ne méprise pas le pouvoir des cartes Odilon, elles parlent et peuvent révéler bien plus que tu ne le crois. C'est une pratique qui vient des Sanlars. C'est l'une de mes consœurs originaire de Ponantique qui me l'a apprise. Vous verrez maître c'est très simple, je tire trois cartes et leurs symboles vous permettront d’interpréter votre avenir. »

La proposition de Margot me fascine. Je suis quelqu’un d’assez croyant, et comme n’importe quel fidèle, la magie m’inquiète un peu. Je suis partagé entre l’idée de me dire que c’est stupide et que ce ne sont que des cartes, et une superstition bien ancrée en mon cœur.
De plus, Margot ne fait pas tellement magicienne. Trop bien habillée pour ça. Elle ne met pas tout autour d’elle le cérémonial des diseuses de bonne aventure mystérieuses...
Mais je suis taquin, et j’ai déjà bien assez péché cette nuit. Je ne suis pas à ça près.


« C’est à moi d’interpréter ? Il n’y a pas le risque que je ne découvre dans les cartes que ce que je souhaite moi-même voir ?
Allez, je me sens d’humeur. Tirez donc. »

Dame Margot sortit un paquet de cartes. Elles étaient longues, finement décorées et portaient de belles calligraphies en langues Sanlars. Rapidement, Eudes en vit passer quelques unes et de ses rudiments de Sanlars il reconnu certaines inscriptions comme "amour", "paix", ou "enfant".

« Les Sanlars appellent ça le "bitaque". C'est un jeu composé de 28 cartes correspondants aux 28 lettres de leur alphabet.
Ils prêtent à ces cartes la capacité de lire l'avenir. C'est une pratique très répandu en Valentine, très prisée par les confréries occultes. Certains y consacrent même des écrits. Mon amie Sanlar m'a apprit qu'il existait plusieurs courants. Le jeu qu'on va utiliser appartient au courant du bitaque d'Iskirun. Ne me demandez pas la différence avec les autres courants, je l'ignore. »

Tout en parlant, la maquerelle mélangeait les cartes. Puis elle demanda au duc de couper le paquet.
Elle tira la première carte et la déposa sur le divan devant Eudes. Elle avait pour symbole une grande cimeterre ensanglantée.

« "Alharb", la Guerre. Vous avez prévu d'entrer en guerre contre un autre bourgeois maître Corvus ? » dit-elle d'un ton amusé.

Puis elle tira une seconde carte. Un chien roux était dessiné dessus.

« "Althaelab", le Renard. Visiblement c'est un renard que vous allez combattre ! La bataille risque d'être terrible ! »

Dame Margot s'esclaffa. Puis elle tira une dernière carte. Son rire s'arrêta net. La carte était entièrement noire, portant pour seul symbole un crâne humain. La maquerelle écarquilla les yeux et dit tout bas :

« "Almawt", la Mort... »

Le silence dura quelques secondes, jetant un froid, jusqu'à ce qu'Odilon intervienne.

« Ne croyez pas à ces idioties maître, ce ne sont que des bouts de papiers. Un jeu qui nous vient des infidèles qui plus est. Croyez moi, notre Dieu ne joue pas aux cartes.
- Oui, Odilon a raison, balbutia la maquerelle, ce ne sont que des dessins. La Guerre, le Renard et la Mort ? Je me demande ce que ça pourrait vouloir dire. »

Je termine de siffler mon verre de vin tandis qu’elle tire la première carte. La guerre. Évidemment. J’ai un sourire taquin alors qu’elle me demande si je compte m’opposer à des concurrents. Ouais, on peut dire ça.
Le renard me laisse un peu pantois. Il ne me dit rien de spécial. À quoi il peut faire référence ?


Quant à la mort, lorsque la carte est abattue, je sens qu’elle jette un froid. Je pose mon verre et écarquille les yeux en observant la lettre calligraphiée qui est censée sceller mon destin.
Je suis pas énormément superstitieux, mais faut avouer que ça augure rien de bon au niveau de ma veine.


« Il ne vaut mieux pas sous-estimer les Infidèles, Odilon. Il y a énormément de choses qu’ils ont compris que nous, ici, dans l’Empire, nous avons du mal à imaginer.
C’est une culture qui me fascine. Comme toutes les cultures étrangères, en fait. Il faut que je m’achète des cartes comme celles-ci. »


Je fais un sourire rassurant à la maquerelle.


« Je suis passé par le Ponant à une époque, ma belle Dame. On m’y a prêté le talent de toujours aller au-devant des prophéties et des destins. C’est un jeu très excitant de les faire échouer.
Mais je me demande juste quel genre d’ennemi peut bien se cacher derrière le renard. C’est une créature fourbe, mais terriblement intelligente. »

Dame Margot rangea ses cartes.

« De telles cartes ne se trouvent pas sur tous les marchés de Cahogne. Tenez, je vous les offre. Rien de bon n'en sort quand je les tire de toute manière... mieux vaut que j'arrête de vouloir connaître le destin, l'avenir est toujours sombre.
Je pourrais vous apprendre à les lire si vous voulez sire Corvus. Les Sanlars n'utilisent pas le même alphabet que le notre, mais d'élégantes courbes tout à fait fascinantes. Leur écriture est un véritable art.
J'aurais aimé voyager jusqu'au Ponant, mon ami, Samara, m'a raconté comme son pays est beau. »

Odilon ne disait rien, il semblait un peu préoccupé. La divination maladroite de sa mère d'adoption l'avait troublé.

« Peut être que ce renard est symbolique. Quelle interprétation lui donne les Sanlars ?
- Tu l'as dit toi même Odilon, ce ne sont que des dessins idiots.
- Peut être faudrait-il se renseigner, je connais une Sanlar à la cour qui pourrait sûrement nous l'expliquer. Pour nous c'est un animal rusé et fourbe comme vous dite. Certains font de lui l'incarnation du Diable. Peut être que les cartes vous disent de faire attention aux flatteries et aux mensonges qui risqueraient de causer votre perte, voir pire... »