Ma tendre,


La campagne se passe mal. L’étendue de la corruption et de la félonie des gens qui m’entourent n’a aucune limite. J’ai découvert un Vaujour où mon nom est haït, et où la population toute entière rêverait d’avoir ma tête. Mais si j’attendais bien d’être suspicieux d’un Annequin ou d’un Tancarvelle, je n’aurais jamais imaginé que le pire poignard viendrait de ma propre famille.


Clotilde de Porez a répondu à son devoir d’ost : Elle m’a envoyé pour touts guerriers un moustachu grassouillet et une bande de paysans crottés armés de gourdins. Aucune lance. Aucune armure de fer. Je me suis senti humilié. Ce devoir d’ost devait être la condition pour tout accepter envers elle : Sa succession qui lui revenait de son père, son relief sur lequel elle tergiversait, ses droits qu’elle a imposés grâce à la pression de son époux de Trémanche.
Aujourd’hui, j’ai vu en Clotilde une ennemie. C’est une provocation insigne et répugnante, que je n’arrive pas à comprendre. Pourquoi est-elle si hostile à mon égard ? Pourquoi m’affiche-t-elle une telle rancune ? Je me sens séparé d’elle comme je me sens séparé de Jeanne ou de Raymond.


Ton souvenir m’accompagne toujours et tu restes dans mon cœur,


Odilon.

Mon cher Odilon,

Cela m'attriste de te savoir à la guerre. Mon âme est comme déchirée en deux lorsque tu es loin de moi. Pas un jour ne passe sans que je pense à toi, sans que je m'inquiète pour toi. Je me suis même mise à prier pour que tu me reviennes sain et sauf.

Clotilde a toujours été ainsi, provocatrice et odieuse.
Mais nos jeux d'enfants de l'époque non plus rien à voir avec ceux d'aujourd'hui. Désormais vous êtes duc et comtesse, Clotilde devrait se comporter en vassal. C'est l'influence de son mari qui doit lui être néfaste.
Tu sais bien comme j'ai toujours été proche d'elle. Pour moi elle n'est pas ma cousine, elle est ma sœur au même titre que Jeanne. Je ne pourrais supporter de vous voir vous entre déchirer. Montre lui des signes d'amitié, va vers elle, mais je t'en prie, n'entre pas en conflit ouvert avec notre cousine.
Peut être pourrais-je aller lui parler ? Je suis sûr qu'elle m'écoutera.

Jeanne s'est fait à l'idée d'épouser Eustache. Non pas qu'elle en soit ravie, mais elle semble avoir accepté son destin. L'autre jour, elle m'a surprise à me parler de sa robe de mariée.
Nous avons alors imaginé le costume d'Eustache, découpé dans du cuir d'Auroch avec une manche plus courte que l'autre et nous avons ri. Je n'avais pas entendu Jeanne rire depuis longtemps. Cela fait du bien.

Tu nous manques à tous.

Ta sœur qui t'aime.
Blanche.

PS : N’oublie pas de me rapporter un souvenir du Valais !

Ma tendre,

Ta tristesse me touche. Mais il ne faut pas t'inquiéter ; J'ai réussi à survivre au désert et aux infidèles, ce n'est pas pour trouver la mort dans un bled paumé juste à côté de la Cahogne !
Je vais avoir du mal à te ramener un souvenir. Tout ce que je trouve a été pillé et rançonné par les mercenaires qu'employait le duché. Ils ont tondu la populace sans aucun scrupule. Il n'y a plus rien de valeur par ici.

Tes nouvelles sur Jeanne me rassurent. J'ai peur qu'elle m'en veule. Pourtant, Eustache n'est pas un si mauvais parti que ça ; Il est idiot et borné. Le genre d'homme qu'une femme peut aisément retourner et mener à la baguette. Tu n'as qu'à lui donner des conseils, toi tu as toujours su mettre les hommes à tes pieds. Je ne m'agenouille que devant l'archevêque, l'empereur, et toi.

Par les cieux, si tu souhaites parler à Clotilde, parle ! Je ne sais quoi faire de plus ! Je n'ai pas de mauvaise volonté contre elle, mais le manque de respect qu'elle a eu devant moi est révoltant ! Si je devais lui écrire aujourd'hui, je serais incapable de retenir ma colère.

Je pense toujours à toi.

Dit à Arda que je l'aime et que, comme elle me l'a ordonné, je reconnaîtrai notre fils une fois rentré à la maison.

Odilon.