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Armarius
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MessageSujet: Le Palladium de Cahogne Le Palladium de Cahogne Icon_minitimeSam 28 Mar - 18:44
Le Palladium de Cahogne

Comme de coutume lorsqu'un duc partait en campagne, Eudes se rendit au Sanctuaire pour y chercher l'oriflamme, la flamme dorée que saint Sabin confia à Guillaume le Preux pour mener la guerre, devenu par la suite l'étendard de bataille du duché. Raoul Ier était parvenu à mettre la main sur ce symbole ducal lorsqu'il restaura le duché 200 ans plus tôt, et depuis à chaque guerre les ducs de Cahogne répétaient la même cérémonie.
Suspendu au bout d'une lance en bois doré, l'oriflamme était une étouffe de soie rouge délavé, fendu par le bas en deux pointes, portant une grande croix au milieu d'un semé de fleurs de lys.
Le Palladium de Cahogne 155z

Eudes entra dans le Paracléum en habit de guerre, portant son armure, son heaume, et le saint-glaive, l'arme des ducs, à sa ceinture. Ainsi fièrement paré, il était prêt à mener bataille contre ses ennemis. L'église dédiée au Paraclet était pleine de gens. Sous la grande coupole se tenaient des chanoines et des prélats, mais surtout des chevaliers en armures.
Le duc longea le chemin sous les yeux de la foule, éclairait par la lueur du dehors qui perçait à travers les vitraux.  
Au bout se trouvait l'évêque de Soulans, Espien de Raysac, devant l'autel d'or, avec dans ses mains la bannière de mort. Derrière lui, le grand iconostase en argent massif représentant les figures des 27 saints Apôtres qui semblaient eux aussi regarder le duc approcher.
Lorsque Eudes arriva devant l'évêque, il mit genou à terre.

« Eudes, duc de Cahogne, prend cette oriflamme et combat tes ennemis qui sont aussi les ennemis de Dieu. »

Déclama l'évêque d'une voix forte afin que tous entendent. Le duc tendit ses mains et prit le Palladium de Cahogne. Puis Espien continua, mais cette fois en s'adressant à toute l'église.

« C'est le devoir du prince sacré que de réprimer l'audace des tyrans qui déchirent le pays par la guerre et les rapines. Robert le Parjure, usurpateur du Valais, a trahi ses serments. Il devra répondre d'avoir brisé la paix et l'ordre social devant le tribunal du lieutenant de Dieu. Car du prince de Cahogne émane la justice supérieure, celle qui procède d'une délégation divine.
Vous autres qui suivez le duc dans sa tâche, soyez assurés de l'immunité dû aux chevaliers de Dieu. A partir de ce jour et jusqu'à votre retour, vos biens sont protégés par l'Eglise. Vos pêchés sont absous et que ceux qui mourront se retrouvent devant Dieu sans faute ni vice. 
Gloire a Dieu ! Gloire au duc !
 »

La foule suivirent l'évêque en répétant ses derniers mots.

« Gloire a Dieu ! Gloire au duc ! »

Puis un chant s'éleva dans l'église. Espien bénit les armes du duc, puis celles de ses compagnons.
Après la cérémonie, Espien vient voir Eudes.

« Mon prince, j'aurais aimé vous parler seul à seul.
Je dois vous avouer que je ne comprends la défiance que vous avez pour moi. Depuis le début je vous sens méfiant à mon égard.
Je ne comprends pas votre décision de ne pas m'accorder la régence pendant votre campagne. Vous êtes le duc de Cahogne, c'est votre droit de nommer qui vous voulez. Mais je ne comprends pas ce manque de confiance. J'ai été l'un des proches de votre père, l'un de ses confidents. J'ai exercé la réalité du pouvoir pendant sa maladie et jusqu'à votre retour, et je pense avoir réussi ma tâche. Je regrette que nous ne puissions pas travailler ensemble pour le bien commun.
Vous êtes en droit de ne pas m'aimer, mais veillez à ne pas faire interférer vos sentiments avec les intérêts du duché.
 »
Eudes II de Cahogne
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MessageSujet: Re: Le Palladium de Cahogne Le Palladium de Cahogne Icon_minitimeDim 29 Mar - 15:08
Les pages s’affairent autour de moi. Silencieux, solennels, les jeunes hommes de la petite noblesse de Cahogne m’habillent d’outils de guerre. Ils font passer les chemises et les manches de maille sur mon corps et mes membres. Ils attachent la ceinture, passent et nouent un grand mantel autour de mon cou. Ils mettent sur ma tête un grand heaume à cimier et tortil, dont la visière est relevée.
Je me regarde dans le reflet d’un miroir, alors que je me donne une prestance, que je me redresse, posant une main sur le pommeau de l’épée engainée dans un fourreau de cuir.

Mes sourcils se froncent. L’horreur s’empare de moi.

Je suis habillé comme pour retourner à la Croisade. Mon ventre se noue, ma gorge se resserre, mon cœur bat plus vite. Je ne suis pas féroce. Je ne suis pas plein d’ire et de colère. La Croisade m’a répugné de la guerre. La guerre, c’est les amis qui meurent, c’est les jeunes hommes fauchés par la violence, c’est les innocents qui trinquent face aux pillages et la destruction.
La guerre existe depuis aussi longtemps que les hommes existent. Ça rend jamais le méfait plus noble ou plus tolérable. J’expire tout l’air de mon corps. J’ai accepté la nécessité de partir en Valais. J’aurais aimé que les choses se déroulent autrement.

Hier je n’ai pas trouvé le sommeil. Pour une fois, je n’ai pas dormi avec Arda – ni avec une autre femme, pour tout dire. J’ai retrouvé mes instincts triaphysistes, ceux dont je m’égare trop souvent. J’ai veillé et j’ai prié dans une chapelle du palais. J’ai demandé pardon à Dieu pour toutes mes fautes – et elles sont nombreuses, depuis que je suis Duc. Je lui ai demandé pardon pour mes actes licencieux, mes paroles colériques, mes ambitions dévorantes. Et je l’ai imploré de me protéger, et protéger les gens dont je suis proche.



La cérémonie ne m’a pas rendu plus résolu, elle n’a pas servi à endurcir mon cœur. Je suis resté tout le long crispé, les dents serrées. Les spectateurs ont dû méprendre ça pour de la détermination, ils ont dû voir un visage de pierre sans miséricorde. Mais mes mains tremblèrent certainement lorsque je me saisis du Palladium. Combien de gens sont morts sous cette étoffe ? Je pouvais entendre les cris de rage et les entrechoquements d’épées alors que mes mains gantées de fer l’attrapait. Les mauvais souvenirs de Croisade étaient définitivement de retour. L’errance éternelle de mes amis morts.
Je n’aurais jamais dû partir en Croisade.
Hugonnet n’aurait jamais dû mourir, pour m’imposer telle souffrance.

Après qu’on eut béni mon épée et mon armure, je restais debout dans un coin, le temps pour toute la brillante chevalerie de Cahogne de suivre la même épreuve. Eux sont plus vifs, eux sont plus satisfaits. Ils rêvent de combat. Ils ne comprennent pas que la guerre n’a rien à voir avec le tournoi. Sur les joutes, il n’y a pas la faim, la dysenterie et la terreur. Ils ignorent encore ce qu’ils vont devoir subir pour moi.

Je n’ai pas l’esprit tranquille. Et Espien de Raysac a très mal choisi son moment pour venir me parler. Il décide de venir intriguer auprès de moi. Je ne lui répond pas de suite, et à l’inverse, le regarde des pieds à la tête, avec ma même expression froide comme celle d’un gisant.
D’ordinaire, j’aurais souri à Espien. D’ordinaire, j’aurais cherché à obtenir son amitié, à le caresser dans le sens du poil, à lui offrir toute l’hypocrisie dont je suis habituellement paré. Je l’aurais assuré qu’il est utile à la Cahogne, utile à mon règne, que j’écouterai toujours ses conseils…
...Mais aujourd’hui, je n’ai aucune envie d’être hypocrite.

« Dites-moi monseigneur ; Pour vous, c’est quoi le bien commun ? »

Je lui pose cette question froidement. Docte, de nul part, en le regardant droit dans les yeux.

« Je suis armé pour la guerre. Je vais semer la destruction chez des gens qui ont rien demandé. Est-ce le bien commun ?
Les habitants du Vaujour sont plein de défiances envers la Cahogne. Ils ont souffert des humiliations et des châtiments à cause des mercenaires que le duché a employé. Les mater par la force, est-ce le bien commun ?
L’archevêque souhaite la paix. Delphin souhaite plus de pouvoir pour le peuple. Les gens du Valais souhaitent la dignité et un comte qui puisse les diriger. Alors, le bien commun, n’en suis-je pas obstacle ? »


Je serre mon poing droit.

« Vous vous méprenez en croyant que si je vous éloigne du pouvoir, c’est parce que je ne vous aime pas. Vous vous donnez bien trop d’importance. Que je vous aime ou que je ne vous aime pas ne tient, en fait, aucune considération à mes yeux. Je peux être très proche de gens que je déteste, je peux accepter le conseil de personnes avec lesquelles je ne voudrais jamais partager un verre ou passer un bon moment.
Le problème que j’ai avec vous, monseigneur, c’est que je n’ai aucune idée de ce que vous souhaitez, véritablement, au fond de votre cœur. Qu’est-ce qui vous motive à vous lever tous les matins ? Qu’est-ce qui vous intéresse à aller au Conseil ?
Vous êtes un homme rempli de qualités. Vous êtes intelligent, vous êtes charismatique, vous êtes clairvoyant. Vous pourriez conquérir, sinon le monde, au moins une petite partie. Ce n’est pas ça qui me gêne.
Ce qui me gêne, c’est que je n’ai aucune foutue idée de ce que vous feriez avec. »
Armarius
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MessageSujet: Re: Le Palladium de Cahogne Le Palladium de Cahogne Icon_minitimeSam 4 Avr - 16:42
« J’œuvre pour le bien commun mon prince, c'est ce qui m'anime, c'est ce qui me fait venir au conseil, c'est ce qui m'a fait devenir évêque et c'est pourquoi je souhaite devenir archevêque.
J'ai un amour profond pour les gens et j'aimerai leur apporter la paix et la prospérité, qu'ils aient la meilleur vie possible jusqu'à leur trépas. Mais j'aimerai assurer cela pour leurs descendants aussi.
J'ai une approche pragmatique des choses, j'essaye toujours de voir sur le long terme. En ce sens, oui, vous agissez pour le bien commun en allant guerroyer contre le Valais, vous allez asseoir votre autorité et assurer la prospérité de la Cahogne pour la suite de votre règne. Certes des gens mourront, mais c'est un moindre mal pour assurer ce bien commun. Il faut parfois accepter de faire des concessions et bien réfléchir aux conséquences de nos actes.
Nous pourrions ouvrir le trésor à tous les pauvres de Soulans, qu'ils aient de quoi se nourrir et se loger. Mais il faut imaginer les conséquences d'une telle charité, les effets sur notre économie et les troubles que cela pourrait causer. J'aspire à réduire la pauvreté à Soulans, mais nous n'y parviendront pas juste en distribuant de l'argent. La politique est un subtil jeu d'échec, chaque coup est à jouer avec intelligence pour ne pas perdre la partie.
C'est pour cela que je redoute vos décisions concernant la Transgarde. Certes, cela vous apporte l'amitié de Dragomir. Mais dans 20 ans ? Dans 50 ans ? Qu'est ce qu'il adviendra de la région et de ses habitants ? Dragomir ne sera pas éternel, vous non plus, l'amitié qui vous unira s'éteindra avec vous. Et que feront alors vos successeurs ?
Sacrifions nous aujourd'hui pour que nos descendants n'aient pas à le faire. Voilà ma vision des choses mon prince. Je peux parfois sembler agir contre vous ou contre les intérêts du duché, mais sachez que toutes mes actions sont tournées vers ce bien commun dont vous me parlez.
Je ne suis pas naïf, je sais qu'un homme comme Daguerre use de sa position pour s'enrichir et privilégier ses amis. Mais je sais que ses compétences apportent plus au duché qu'il n'en coûte. Pour le contrôle et la stabilité, la corruption est nécessaire. La situation serait pire sans un homme comme Daguerre.
 »

Alors que l'évêque et le duc discutaient, toutes les cloches des églises de Soulans se mirent à retentir, annonçant le départ en campagne du duc.
Eudes II de Cahogne
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MessageSujet: Re: Le Palladium de Cahogne Le Palladium de Cahogne Icon_minitimeSam 4 Avr - 19:07
Quel plaidoyer intéressant de la part de Monseigneur. L’évêque de Soulans me fait peur. C’est un homme issus de rien, qui a su s’élever uniquement par ses talents ; On pourrait croire que c’est une qualité. Mais les gens comme ça, je les redoutes.
Odilon est un homme de l’ombre, qui ne pourra jamais avoir un titre officiel. Mais l’orphelin qui est devant moi a maintenant des pouvoirs, spirituels et temporels, qui concurrencent les miens.


Les cloches sonnent. Je lève les yeux, et me signe une dernière fois, soudain beaucoup plus solennel.


« La Croisade m’a apprit une chose : La vie que nous menons est extrêmement chaotique. Il est difficile de prévoir. Tout peut être balayé en un instant.
Peut-être que je perdrai au Valais. Peut-être que je serai emprisonné. Peut-être que je mourrai.
Je viens tout juste de revenir. Je viens de reprendre les rênes du pouvoir, et j’ai tant à gérer. Je ne suis pas toujours un bon croyant, mais aujourd’hui, il n’y a rien d’autre à faire : Je remet mon destin entre les mains du Seigneur. Ce sera à lui de décider de ce qui adviendra au Valais. De comment le destin de ce comté sera géré pour les temps à venir.
Alors à défaut de pouvoir faire autre chose, je vous implore de bien vouloir prier pour moi, monseigneur. »


Je pose un poing sur mon cœur, et salue dignement sire Espien.


« Nous aurons à reparler à mon retour, lors de l’hiver. J’espère simplement pouvoir revenir avec la Fortune de mon côté. »




 L’évêque de Soulans et moi-même nous séparons. Je descend le Paracléum, en tenant fermement, contre mon épaule, le Palladium. Je descend le long d’une magnifique allée de marbre blanc, la tête haute, et le long de mon passage, les sergents des Portes-Croix baissent la tête pour me saluer. Immédiatement derrière-moi, mes maréchaux marchent, suivis très vite par une foule de chevaliers : Toute la petite noblesse de Cahogne s’est rassemblée ici. Des fils de châtelains, des cadets sortis de leurs maisons fortes à la recherche de l’honneur, de la richesse, de l’aventure et surtout de la solde qu’on leur promet en temps de guerre. Pour beaucoup de ces cavaliers campagnards, c’est la première fois qu’ils voient Soulans.
Nous descendons le long des jardins, là où nos chevaux et nos valets nous attendent. Nous devons traverser la ville en joie, sous les jets de fleurs et les applaudissements. Ensuite, nous traverserons les portes, et alors, je pourrai confier le Palladium au Grand Écuyer, et descendre de mon magnifique palefroi blanc afin d’emprunter un cheval mieux fait pour marcher sur les routes. Pour l’heure, tout ce qui importe, c’est la posture, et le decorum.


Les femmes, les vieux et les enfants nous attendent. Ils sont pressés dans la sécurité du Sanctuaire, derrière les murs de la Citadelle. Les familles et les aînés de ceux qui partent en guerre. Des amoureuses qui s’apprêtent à attacher des roses sur les tortils des chevaliers auxquelles elles sont promis. Des mères aux yeux qui brillent, des pères pleins de fierté à voir leurs fils marcher fièrement pour punir l’atroce et horrible Landebroc. C’est une guerre juste – Du moins, ça a l’apparence d’une guerre juste. Une guerre pour châtier les méchants, les parjures. Une guerre propre et glorieuse, une guerre qui a des atours de tournoi. La réalité du conflit, il vaut mieux la taire.


Ma propre famille se trouve ici. Mes sœurs, ma mère. Je m’arrête et fait un signe à Hubert de s’approcher de moi, avant de poser une main sur son épaule. Je marche avec lui.


« Il est triste que ton père soit absent, et que ta mère ne puisse pas te voir aujourd’hui.
Mais enfin, nous sommes ta famille. Et sache que je suis très fier de te voir armuré comme un chevalier.
Lorsque nous aurons défait Landebroc, j’espère que je pourrai t’adouber sur le champ de bataille, avec l’épée des Ducs. »


Je lui fais un sourire sincère. Je passe devant Jeanne, Blanche, et Alix. Arda n’est pas loin. Pour l’heure, je fais mine de ne pas la voir : Tous les regards sont braqués sur moi tant que je tiens le Palladium. Mais je compte bien lui dire au revoir avant de partir, plus discrètement.
Mère est également là. Et je crois déceler de la tristesse dans son regard d’ordinaire si vide et inexpressif. C’est la deuxième fois qu’elle voit son fils partir en guerre. La dernière fois, je suis rentré en vie. Mais changé. J’espère que je pourrai échapper à la mort une nouvelle fois.


« Mes chères sœurs, mère. Priez pour moi. Lorsque je serai en guerre, c’est votre souvenir à toutes qui me donnera envie de rentrer. Je pars avec toute la haine du pays, mais mon cœur reste ici avec vous. »


Je me tourne vers les chevaliers. Je fais un petit hochement de tête à Eustache avec un sourire pour l’autoriser à approcher. Qu’il vienne promettre à ma sœur de rentrer sain et sauf.
Armarius
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MessageSujet: Re: Le Palladium de Cahogne Le Palladium de Cahogne Icon_minitimeSam 11 Avr - 15:02
Hubert était visiblement ému des paroles de son cousin. Dans son armure il ressemblait presque à un véritable chevalier, mais ses gestes étaient gauches, alourdis par le poids du métal.

« Merci monseigneur, j'espère vous faire honneur, à vous et au peuple de la Cahogne. Allons redressez les torts et rendre la justice ! Dieu est avec nous ! »

Aux portes du Sanctuaire attendaient plusieurs femmes de la cour, la plupart des épouses des chevaliers qui accompagnaient le duc à la guerre.
Pour Eudes il y avait sa mère Constance et ses sœurs Jeanne, Blanche et Alix, mais aussi Arda au milieu de plusieurs dames de compagnie.
Jeanne était inquiète, tout comme sa mère. Seule Blanche semblait amusée de voir son frère ainsi paré, enserré dans de lourdes plaques de métal et portant un fanion.
Constance approcha de son fils. Derrière elle se tenait la haute taille d'Etienne du Lac.

« Mon fils, à peine es tu rentré que la guerre t'enlève de nouveau. J'ai confiance en Dieu et ses saints pour te ramener en vie, mais soit prudent, ne met pas ta vie inutilement en danger.
J'aimerai que tu prennes ça avec toi. C'est une précieuse relique, elle te protégera.
»

Constance détacha un pendentif de son cou et le mit dans la main gantée de son fils. L'amulette accrochée à une chaîne d'argent était sobre, faite simplement de bois et de fer sans luxe, renferment une dent.
Puis Jeanne approcha.

« Que Dieu te garde mon frère. »

Puis Blanche suivit.

« Si tu meurs je te promet de ne pas confier ton gisant à maître Le Coq. »

Sa mère et sa sœur lui lancèrent un regard noir. C'était un moment solennel, pas l'endroit de faire de l'humour.

« C'est bon je plaisante. Que Dieu te garde... » finit-elle par dire sans grande conviction, sa piété n'était pas sa plus grande qualité.

Sortit de derrière Blanche une grande dame brune magnifiquement parée. Eudes reconnu l'actrice de Valentine dame Ensellina qui avait décidé de rester en Cahogne après sa nuit passée en compagnie du duc.

« Sire Eudes. Mon cœur saigne à vous voir ainsi partir. Emportez cela avec vous, que vous ayez chaque jour une pensée pour moi. J'en aurai une pour vous. Tous les soirs je prierai avant mon couché pour que Dieu vous garde. »

Dame Ensellina accrocha un foulard rouge au bras de Eudes. Le morceau de tissu portait le doux parfum de l'actrice.
Eustache s'approcha de Jeanne, un peu maladroitement. Il était plus à l'aise devant l'ennemi que devant une femme. Bizarrement, l'ennemi lui semblait moins hostile.

« Madame, euh... mon cœur saigne à partir ainsi... loin de vous... priez pour moi afin que je rentre sain et sauf.
- Je prierai pour tous les soldats qui accompagnent mon frère le duc, sire Eustache. 
- Euh... d'accord.
 »

Eustache lança un regard de détresse vers Eudes. La cour se n'était pas son truc...
Eudes II de Cahogne
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MessageSujet: Re: Le Palladium de Cahogne Le Palladium de Cahogne Icon_minitimeDim 12 Avr - 16:16
Je serre la relique contre mon cœur. Sa provenance m’inquiète un peu ; Je foudroie du regard le moine à la figure d’épouvantail qui se tient derrière elle. Mais enfin, c’est un cadeau tendre de ma mère, et je sais que sa prière de me voir revenir en vie est sincère. Ce n’est pas le genre de femme qui me prendrait dans ses bras pour m’embrasser en pleurant. Ce pieu cadeau, c’est déjà énorme venant de sa part.

« Merci, mère. Je prierai quotidiennement. La sagesse du Seigneur me guidera. »

Viennent ensuite mes sœurs. Je souris à Jeanne. Puis, lorsque Blanche approche pour plaisanter, je ne peux pas m’empêcher de souffler du nez en riant. C’est de l’humour noir, aux dépens de mon père et de moi-même ; Mais c’est un humour que j’ai toujours apprécié.

« Alix, Jeanne, vous me manquerez terriblement. Je pars au danger à nouveau, mais cette fois ce n’est pas tout un continent qui nous sépares. Je vous écrirai, et écrivez-moi.
Blanche… Essaye de pas faire trop de bêtises en mon absence, d’accord ? »


Je lui fais un sourire taquin.
Une agréable surprise m’attend. Ensellina manie tout aussi bien les mots que les gestes. Elle m’ensorcelle. Ce qui m’étonne, c’est la libéralité avec laquelle elle accroche un foulard sur mon harnois. Moins que la sincérité d’un sentiment d’amour, je me demande si elle n’y trouve pas là un moyen de se mettre en avant ; Les cancans vont courir. Notre relation n’est dès cet instant plus un secret. Mais peut-être que les jeunes femmes et jeunes hommes de la cour ne trouveraient que très amusant qu’un Duc aime la plus belle femme de l’Empire.
Il est dommage que cela se passe juste sous les yeux d’Arda. C’est la seule chose qui me fait serrer des lèvres, et me laisse passablement mal à l’aise.

« Merci, ma Damoiselle. Pour moi-même, je ferai tout pour penser le moins possible à vous ; Votre douceur me donnerait envie de rentrer à Soulans, or j’ai déjà quelques affaires à régler avant ! »

Je souris à ma propre plaisanterie. À mes côtés, Eustache est beaucoup moins à l’aise que moi pour parler aux jeunes femmes. Sa timidité me fait rire. Il a besoin de mon aide, je le vois à ses petits yeux paniqués, comme ceux d’un chiot.

« Le sang des Tancarvelles coule dans ce jeune sire ; J’ai perdu beaucoup de mes amis en Croisade, beaucoup de preux enfants chéris de la Cahogne qui sont tombés pour notre Foi et nos frères d’Outremer. Mais avec sire Eustache à mes côtés, je me sens en sécurité. Il me protégera, avec la force d’un Platois et la générosité d’un doux chevalier. »

Je lui tends le Palladium, et le force à le prendre dans la main de son bras le plus grand.

« Porte-le à bout de bras, et ne le fait pas trembler. »

Je couvre Eustache d’honneur. À présent, c’est sur lui que tous les regards sont braqués. C’est vers lui qu’on dirige les applaudissements. Mais à dire vrai, ce n’est pas tellement pour le sauver devant ma sœur que je lui permet donc un tel hommage.
C’est juste pour pouvoir m’éclipser rapidement, derrière un Housecarle à grande hache. Derrière les rangs de ma famille et des courtisans, derrière les spectateurs et les Portes-Croix. Un regard de hibou par dessus mon épaule suffit à me convaincre : Arda me suit bien. Nous nous éloignons devant un bosquet du Sanctuaire, partiellement camouflés par un joli chêne. Un échange fugace, impersonnel, de la peur qu’un curieux nous observent. Ses yeux sont si différents des yeux doux avec lesquels elle me regardait autrefois.

« Que m’arrive-t-il, si tu meurs ? »

Elle ne dit pas ces mots avec de la peine dans sa voix. Juste une accusation.

« Tu resteras auprès de ma sœur.
– Et Salim, que lui arrivera-t-il ?
– Albert. Je t’ai déjà dis, je te l’ai répété, ne l’appelle plus jamais comme ça.
– Il n’a pas encore l’âge de parler, mais il a déjà celui de comprendre. Je t’ai laissé du temps car tu m’a expliqué que tu en aurais besoin. Je savais que tu retrouverais ta vie et ta famille ici. Que tu te marierais, que je ne serai plus tous les soirs à tes côtés. Je le comprend. Je ne t’en veux pas pour ça.
Mais mon fils, ce n’est pas pareil. Tu peux me tromper juste sous mes yeux si ça te chante, mais-
– Arda…
– Ce dont j’ai horreur, c’est que tu me prennes pour une conne.
Reviens ici en vie. Puis tu reconnaîtras Albert. Sinon, je le dirai à ta cour. »

Mes lèvres se pincent. Mon estomac se noue.
Et alors, le Duc de Cahogne, sacré, lieutenant de Dieu, descendant de la famille des Bohains, protecteur de l’Est de l’Empire, fait la chose pour laquelle il a été mis sur terre :
Il baisse les yeux devant une femme infidèle. Prend la voix d’un garçon qu’on gronde. Et il se contente de répondre ;

« Oui… Oui. Je le reconnaîtrai. »

Cela ne lui arrache aucun sourire. Elle jette un regard appuyé sur le foulard que l’actrice a noué à mon cou.

« Tu as les cartes sur toi ?
– Oui, toujours.
– Bien. Pense à moi quand tu les tireras. »

Je lui souris, elle ne le fait pas en retour. Je la salue tout de même, et m’éloigne sans lui dire un « au revoir » auprès des chevaliers. Un écuyer tire un palefroi blanc, peigné, des roses et des fleurs dans sa crinière, vers moi ; j’en saisis les brides et me soulève sur la selle. Eustache me remet à nouveau le Palladium, maintenant qu’il a fait joujou avec ; Je le pose contre un étrier afin de bien répartir son poids, tandis que je dirige les rênes de ma monture de l’autre, non sans lui avoir donné une tape amicale pour la rassurer.
Et ainsi, les chevaliers traversent la ville. C’est les Housecarles qui ouvrent la voie, qui fendent à travers la foule comme un navire qui pousse de l’écume à bâbord et tribord. Foule de curieux nous regardent, alors que nous passons à travers la Grenouillère. Il y a des applaudissements des fleurs qui sont jetées depuis les fenêtres. En regardant bien parmi les bourgeois, j’aperçois des hommes très musclés, certains tatoués, qui portent des lames sous de gros manteaux. Rigaud maintient l’ordre, et il semblerait qu’il ait fait du zèle depuis l’affaire du fruit pourri qu’on a jeté sur un Duc. Alors que nous passons devant l’hôtel de la prévôté, je suis également étonné d’entendre des applaudissements beaucoup plus appuyés et des cris de « Vive le Duc ! », là où l’ambiance était plus froide lorsque je suis arrivé il y a deux mois de cela. Est-ce que le prévôt a battu ses troupes et ses sergents depuis qu’il a été nommé dans un Conseil de Régence ? Ou bien est-ce que la ville est ravie de voir le pouvoir s’en aller, le Duc quitter la ville avec sa haute et petite noblesse ? Toute cette armée de fer a coûté cher à la ville, les gabelles ont été renforcées. Peut-être que beaucoup parmi les simples gens qui sont en train de m’honorer souhaitent secrètement que je revienne avec des prisonniers et du butin, ou que je ne revienne pas tout court.
Elle est belle, notre procession. Derrière moi qui reste le dos élevé, le Palladium bien soulevé, se trouvent le connétable Charles d’Annequin, et mon cousin, les deux Tancarvelles, ou plutôt les trois, car le maréchal Beaucoeur ne se tient jamais très loin, plus près du connétable que de Mauger et de son aîné en fait. Suivent derrière des chevaliers tout scintillants avec leurs tabars de toutes les couleurs, des blasons et des armoiries des quatre coins du Duché de Cahogne : Mais ce sont surtout des familles Landaises qui sont rassemblées ici. Nous traversons une grande porte, puis un pont, et alors les applaudissements cessent. Et en quittant la ville pour les faubourgs, puis la campagne, notre jolie colonne perd en superbe. Des fantassins et des sergents-à-cheval viennent nous rejoindre, et nous grossir. Des gueux. De la roture. Des mercenaires dépenaillés, avec de longs couteaux et des arcs et arbalètes interdits par l’Église. Des bagages, des moutons et des vaches qu’on tuera sur place pour la viande. Des lavandières, des orphelins, des suiveurs de camp, avec leur foule de putes et de traînards tout en bout de chaîne. Dorénavant, lorsque l’on traverse un village, quelques laboureurs se plient presque en deux et baissent les yeux en n’osant pas me regarder – Les campagnards sont plus superstitieux, en me voyant, ils doivent voir non pas Eudes, mais juste le Duc, une figure suprême et toute puissante.
Tenir le Palladium commence à me fatiguer, et il n’y a plus de spectateurs. Alors, je m’arrête en allant sur le côté du sentier. Le Grand Écuyer de Cahogne et des pages viennent le reprendre, le recouvrir d’une toile, et le garder bien à l’abri dans un magnifique chariot qui transporte des coffres remplis de missives, de papiers pour dresser des édits et faire du courrier en campagne, et surtout, de l’or, quantité d’or qui serviront à payer les gages de toute cette énorme armée au jour-le-jour, acheter de quoi les nourrir lorsque nous ne pourrons pas juste piller : C’est ces bagages qui sont le plus gardés, constamment surveillés par des Housecarles taciturnes à grandes haches.
Je descend de mon magnifique palefroi. Un beau cheval comme ça, on ne le crève pas en le faisant marcher sur les routes. À la place, on me confie un roncin quelconque, pour lequel un petit chevalier économiserait toute une année pour s’en acheter un. Je retire le plus gros de mon armure, de mon tabar scintillant, de mes armes valeureuses et encombrantes. Je garde juste sur la tête une petite couronne pour signifier mon statut, une épée d’apparat, et un joli surcot à fleurs-de-lys.

Nous partons en guerre.





La nuit est tombée, et l’armée s’est arrêtée. Comme nous sommes toujours en sécurité en Cahogne, nous ne nous sommes pas embêtés à dresser le camp. Les bagages sont tenus n’importe comment, les sergents ont dressé des tentes de fortune ou dorment à la bonne étoile sur des paillasses ; Les sires fortunés eux ont demandé à leurs gens de dresser d’immenses chapiteaux, de placer des tréteaux et de la vaisselle fort coûteuse pour reproduire le confort d’un appartement privé. On sert à boire, on mange de la viande grasse, on entend des rires et des bagarres que les hommes de la connétablie surveillent afin que rien ne dégénère. Pour l’heure, nous n’avons pas encore traversé l’enfer. L’ambiance sera tout autre quand on aura perdu nos vivres, quand on grignotera du gruau, et qu’on tremblera derrière la sécurité de palissades de bois, craignant une embuscade ou un coup de main nocturne.
Je me suis trouvé à l’écart. Avachi sur une chaise, avec un repose-pied, une assiette sur un tonneau à côté de moi. Sur mes genoux, je lis un livre : Normalement, ce genre d’ouvrage extrêmement coûteux est lu dans la pénombre d’un monastère, en étant toujours très consciencieux, car chaque page représente des jours de travail, l’ouvrage en entier, des années. Mais je suis le duc, alors je peux me permettre de faire de la lecture avec un codex aux lettrines dorées et aux pages enluminées. La seule personne qui est avec moi, c’est Frère Justin, mon confesseur.

« En Croisade, ce qui m’a le plus manqué, c’est la lecture.
Ils avaient des tas de livres, plus que je n’en ai jamais vu ; Mais rien qui était écrit en landique. »


Le livre que je lis, c’est du profane. Une histoire en langue vulgaire, sur des chevaliers amoureux de jeunes femmes. On est loin de ce qui est perçu comme la vraie et bonne culture dans l’Empire.

« J’ai toujours été une personne passionnée par les langues et le savoir. On dit que c’est la preuve d’un bon dirigeant. Eh bien laissez-moi dire, mon frère, que c’est une grosse connerie. »

Malheureusement pour Justin, la fonction de confesseur a toujours été, à mes yeux, la fonction d’un journal intime oral. Il ne le sait pas, car c’est une fonction qu’il vient juste de prendre lorsque j’en ai fait la demande, en cherchant le plus petit et le plus insignifiant des clercs de ma cour ; Mais un confesseur, ce n’est pas quelqu’un que je traite avec une dévotion religieuse. C’est une personne avec laquelle je dispute. Avec laquelle je plaisante. Que j’insulte, parfois. Maintenant, ce qui est important, c’est de savoir s’il va se prêter au jeu, et me parler de la même façon avec laquelle je lui parle. Ou s’il va choisir d’être affreusement ennuyant.
Mon confesseur des Croisades me manque.

« Le monde est dirigé par des vauriens et des salopards. Les infidèles, ils en avaient tellement des bibliothèques, ça m’impressionnait, qu’un peuple qu’on juge si arriéré soit si obsédé par l’écriture. Pour eux, en fait, l’écrit est un art ; Ils écrivent pas les lignes comme nous, en minuscule, pour maximiser le nombre de lettres qu’on met sur une page. Ils font de la calligraphie merveilleuse.
Si vous saviez le nombre de bibliothèques que les abrutis de Croisés ont brûlé. Ou que les Munshaqqin ont brûlé quand ils ont viré le sultan. Le monde est dirigé par les crétins arriérés, il est pas décidé par les gens raisonnables. »
Armarius
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MessageSujet: Re: Le Palladium de Cahogne Le Palladium de Cahogne Icon_minitimeLun 13 Avr - 20:34
C'est un peu par défaut que Frère Justin s'était retrouvé confesseur du duc, une fonction qui aurait peut être mieux sied à Frère Jourdain ou Frère Yvon, mais ces deux hommes étaient occupés au conseil de régence.
Justin faisait de son mieux pour servir sa seigneurie, mais il était un peu mal à l'aise à écouter les divagations du prince de Cahogne.

« Je pense, monseigneur, que les arriérés sont ceux qui prient le mauvais dieu. La richesse d'une civilisation ne se trouve pas dans ses livres et ses bibliothèques, mais dans ses églises et sa capacité à honorer le véritable Seigneur du monde.
Si un livre offense Dieu, il est préférable de le brûler. Ne jugez pas trop durement vos confrères croisés. Leurs lames sont guidés par les cieux, leurs flambeaux allument les braises du Feu Sacré.
 »

De l'obscurité sortit un chevalier. C'était le sire d'Annequin venu interrompre le duc et son confesseur de fortune. Il était tout paré pour la guerre, le corps enserré dans une belle armure recouverte d'un tabar aux couleurs de sa maison. Derrière lui suivaient plusieurs pages qui portaient ses armes, son bouclier et son heaume. En temps de guerre, Charles d'Annequin se tenait toujours prêt à combattre l'ennemi. C'est cette rigueur qui avait battit sa réputation.

« Votre Grâce. J'ai passé l'armée en revu.
Je dois reconnaître que sire Eustache a fait du bon travail. Il a rassemblé des hommes vaillants.
Nous avons près de 23 000 hommes, auxquels devront se rajouter les lances envoyées par la comtesse du Porez.
Je propose que dès l'aube nous prenions la route de Raveaux. Envoyons des éclaireurs annoncer votre arrivée à Malestoit, qu'il se tienne prêt à vous accueillir comme il se doit.
 »
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MessageSujet: Re: Le Palladium de Cahogne Le Palladium de Cahogne Icon_minitimeLun 13 Avr - 21:27
La réponse de Justin m’énerve. Mon côté sanguin ressort, alors que je rétorque avec véhémence à ses propos ; Ce n’est pas une vraie dispute philosophique si on ne peut pas s’engueuler.


« C’est étonnant d’entendre ça de la part d’un étudiant de l’Abbaye Rouge ! L’Ordre Cramoisi n’a-t-il pas des bibliothèques débordantes d’ouvrages ? Ne sont-ils pas mécènes des arts et des sciences ? Le Feu Sacré sert à illuminer les consciences, à se dépasser, à apprendre ; Pas à incendier tout sur son passage.
Sinon, comment est-ce que vous expliquez qu’il y ait tant de savants infidèles ? Et les grands philosophes et penseurs qui écrivaient avant que le Paraclet ne se révèle aux hommes, qui étaient païens parce qu’ils ne connaissaient pas autre chose que le paganisme, avaient-ils tort ?! »


Je n’essaye pas de faire la leçon à Justin. Ça ne représenterait aucun intérêt de convaincre un petit prieur que j’ai raison et que lui a tort. C’est pour le tester. Pour voir par quels cheminements logiques il me contredit. Les disputes, ça sert à affermir mon esprit, à le rendre plus acerbe. J’apprends plus en m’engueulant avec les gens qu’en étant entouré de sycophantes qui sont d’accord avec tout ce que je dis.


Mais alors que nous étions en pleins débats, voilà que le connétable arrive. Je me tais et me redresse un peu dans mon siège, le saluant d’un hochement de tête.


« C’est parfait. Mais dites tout de même aux éclaireurs d’être très alertes ; Je n’ai pas envie de tomber dans un guet-apens tendu par Malestoit, ou par la populace de Raveaux…
Qui sait ce que ce bâtard de mercenaire a derrière la tête ? »


Charles d’Annequin ayant reçu ses ordres, il s’apprête à partir. Mais je l’arrête avec un grand sourire.


« Restez donc un instant avec nous, sire connétable ! »


Je claque des doigts derrière-moi, à un jeune page qui est au garde-à-vous.


« Amène de quoi s’asseoir au sire Charles, toi. »


Il s’exécute sans un mot, tandis que je relis distraitement quelques lignes de mon bouquin, des poèmes aux rimes plutôt inspirées.


« C’est un chevalier brillant, Eustache. Il a beaucoup d’énergie, il est vaillant, je l’aime beaucoup.
Mais la fougue de la jeunesse c’est parfois dangereux. Il est toujours bien que les hommes comme lui soient maîtrisés par des personnalités plus sages, plus chevronnées. »


Je lance un sourire à Charles.


« Votre fils marche-t-il avec vous dans l’ost ? J’aimerais qu’il reste auprès de vous pour voir comment nous discuterons tactiques et stratégies. Depuis mon retour, vous m’avez peut-être perçu comme assez froid et dur à votre égard, mais ce n’est jamais personnel. Les Annequins sont une grande famille qui a toujours loyalement servi à la Cahogne, et je remercie toujours généreusement les bons serviteurs. »


Mais ce sourire se dissipe.


« Je me souviens que Claude de Toussaint a toujours été un très bon ami. J’ai toujours du mal à m’imaginer qu’il ait pu me trahir. Mais j’ignore si c’est un jugement de Duc, ou un jugement d’ami d’enfance qui est aussi miséricordieux à son égard.
Sire Charles, que pouvez-vous me dire sur lui et cette histoire de félonie ? Elle me fend le cœur. »
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MessageSujet: Re: Le Palladium de Cahogne Le Palladium de Cahogne Icon_minitimeVen 17 Avr - 8:13
Frère Justin s'effaça devant la noblesse, remettant à plus tard sa discussion avec le duc. Cela l'arrangeait bien, il n'était pas à l'aise à discuter de culture. Justin était un dévot soumis qui se construisait son avis en lisant celui des maîtres, jamais il ne faisait preuve d'initiative intellectuelle, incapable de se faire sa propre opinion sans l'aval de ses pairs.
Le moine fit un signe de tête à Charles d'Annequin, puis quitta la scène.
Le connétable accepta l'invitation de son suzerain à rester.

« En effet monseigneur, sire Eustache doit être contenu. Mais je dois vous avouer que je ne partage pas votre enthousiasme pour ce curieux personnage. Malgré ses qualités, je pense qu'il est un danger pour notre campagne. Il est trop impétueux et insolent, il méprisse la hiérarchie et est incapable de s'effacer devant ses aînés, malgré son manque d'expérience évidente il pense tout savoir mieux que tout le monde.
Je ne comprends pas votre intérêt pour cette homme alors que vous avez bien mieux sous vos ordres. Pourquoi ne pas accorder plus de confiance à sire Richard ? Je le pense bien plus compétent qu'Eustache.
 »

Pendant qu'il parlait, le page avait apporté un tabouret. Dans un cliquetis métallique, le seigneur d'Annequin s'assit.

« Mon fils nous suit effectivement. Il est là pour apprendre. Lui sait rester à sa place et écouter les plus expérimenté. Il est ma fierté. Je pense qu'il pourra devenir l'un de vos plus fidèle chevalier. Ma famille a toujours servi la votre avec la plus grande loyauté. Que vous soyez froid ou dur, que vous m'aimiez ou non, peu importe, je suis votre homme-lige, j'ai prêté serment pour vous servir et je vous servirez jusqu'à ma mort. »

Lorsque Eudes aborda le cas Toussaint, le visage de Charles se ferma. Il soupira.

« Monseigneur, nous avons déjà parlé du cas Toussaint en conseil. Je n'ai rien à rajouter. Claude était mon neveu mais il a osé ourdir un complot contre votre père. J'ai réussi à lui éviter la décapitation. Voilà tout. »
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MessageSujet: Re: Le Palladium de Cahogne Le Palladium de Cahogne Icon_minitimeVen 17 Avr - 15:02
Charles d’Annequin démolit tranquillement Eustache et avance au contraire les proches qu’il souhaite voir promus. Je feins de l’intérêt en agitant la tête à ses paroles. C’est vrai que Richard est un guerrier excellent. C’est vrai que Pierre d’Annequin pourrait se révéler. Cette campagne sera l’occasion de changer beaucoup de choses. Nous verrons bien du côté de qui la fortune et Dieu tout-puissant se trouvent.
Ma question sur Toussaint, en revanche, ne le rend pas moins lacunaire qu’à l’ordinaire. Je le regarde droit dans les yeux, les coudes sur les genoux.


« Toussaint a grandit avec moi. Il a toujours tout obtenu de mon père. Il était plus sous la protection du Duc que de la vôtre, c’est certain. Qu’est-ce qu’il aurait pu gagner à essayer de faire tuer sire Hugues ?
C’est très difficile pour moi de croire à un crime sans en saisir le mobile, vous comprendrez. »


J’ignore quel ton prendre avec lui. L’accusation, ou l’ignorance ? Je ne sais absolument pas comment aborder cette confrontation avec le sire connétable.


« Certaines personnes de ma cour m’ont approché. Plusieurs, dont certains siègent même au Conseil. Ils se sont approchés de mes oreilles et m’ont murmuré toutes sortes de choses. Ils pensent qu’il y a eut une conspiration, pour faire décapiter toutes les personnes qui étaient trop proches de moi. Il est vrai que l’absence des deux fils de Bohain a laissé les coudées franches à nombre de factieux.
Je ne vous pense pas coupable. Si vous l’étiez, vous vous seriez arrangé pour faire sauter la tête à Toussaint, vous ne l’auriez pas enfermé dans un cachot. Mais si vous êtes au-dessus de tout soupçons... »


Mon cul, ouais.


« ...Je ne pense pas que ce soit le cas de toutes les personnes autour de moi, qui prétendent gaiement être de loyaux sujets.
C’est pour cela que j’ai besoin de votre version des faits, sire connétable. Vous avez été au pouvoir durant la conspiration, vous connaissiez les chevaliers qui ont fini avec leur tête sur le billot. Que pouvez-vous me dire des faits ? »
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MessageSujet: Re: Le Palladium de Cahogne Le Palladium de Cahogne Icon_minitimeVen 17 Avr - 15:20
Charles semblait ennuyé par toutes ces questions. Parler de la conjuration de Toussaint ne l'intéressait pas, ou alors le mettait dans l'embarras, c'était difficile à dire.

« Je n'en sais pas plus que vous monseigneur sur les motivations qui ont animé mon neveu, répondit-il sèchement, C'était votre ami mais les gens changent, méfiez vous de cela. Certaines personnes que vous avez connu il y a cinq ans ne sont plus les mêmes.
Je ne suis au courant d'aucune conspiration. Ce que je sais c'est que Claude et ses partisans avaient prévu d'entrer de force dans le palais pour tuer votre père, mais ils ont été arrêté avant d'avoir pu mettre leur plan à exécution. L'enquête du Parlement l'a prouvé et ils ont été condamné. Voilà.
Cela reste un grand déshonneur pour moi et ma famille que mon propre neveu ait pu intenter à la vie de notre suzerain, j'aimerai à l'avenir qu'on me laisse tranquille avec cette histoire, son souvenir est assez dur à porter.
 »

Charles resta un moment les yeux dans le vide.

« J'ai l'impression que certains s'arrangent pour créer la discorde au sein de votre cour. On essaye de nous diviser pour affaiblir le duché. Mais à quel profit ?
Regardez les rumeurs qui courent sur notre évêque Espien. On l'accuse d'avoir volé la charge de votre oncle alors que ce n'est pas le cas. Espien est peut être le meilleur évêque de Soulans depuis bien longtemps et certainement la plus grande chance du duché en ces temps difficiles.
Je vous dis cela monseigneur, car vous semblez avoir de la défiance pour lui. Lui avoir refusé la régence du duché en votre absence est pour moi une lourde erreur.
 »
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MessageSujet: Re: Le Palladium de Cahogne Le Palladium de Cahogne Icon_minitimeVen 17 Avr - 15:37
Ou bien Charles d’Annequin joue au con, ou bien il est véritablement dans le secret. Je vois que je le met mal à l’aise. Il faut que je fasse très attention aux mots que j’emploie autour de lui.


« Je sais que monseigneur Espien n’a pas volé la charge de mon oncle. Je le sais car j’ai la parole de mon oncle lui-même, pas une rumeur ou des assurances d’autres personnes : Jean de Bohain détestait être évêque de Soulans, a lui-même laissé sa place, et n’a eu pour Espien que des mots tendres.
Si je n’ai pas donné la régence à monseigneur Espien, sire connétable, c’est tout simplement parce qu’il s’agit d’un test. »


Je sais qu’en disant ce genre de choses, ça a de quoi susciter de l’intérêt. Je joue ma comédie habituelle. Je regarde par dessus mon épaule, me rapproche légèrement sur mon séant, et baisse la tonalité de ma voix, comme si je le plaçais dans un quelconque secret.


« Il est évident depuis mon retour qu’il y a des gens au Conseil qui jouent pour eux, et non pour le duché. À chaque fois que je termine ces séances, il y a nombre de gens qui viennent me voir en privé pour colporter des rumeurs sur les uns et les autres. Il y a des forces qui me poussent à renvoyer ou à me méfier d’autres.
Lorsque j’étais en Croisade, il y avait quantité de poulains qui agissaient contre nos intérêts. Qui pactisaient en secret avec les infidèles. J’y ai appris que le meilleur moyen de découvrir le double-jeu de quelqu’un, ce n’est pas de l’éloigner – c’est au contraire de le mettre en avant. De le pousser à commettre une erreur.
Je n’ai pas refusé de confier la régence à monseigneur Espien parce que je ne lui faisais pas confiance – je l’ai éloigné pour que les ennemis du duché profitent de son absence pour croire qu’ils me manipulent, qu’ils m’ont sous leur contrôle. »


Je suis en train de dire la plus grosse connerie de tous les temps. Inventer un énorme tissus de mensonges.
Et je continue.


« C’est pour cette raison que j’ai demandé à Jacques Delphin, l’ennemi le plus terrifiant du Duché, de se mêler des affaires ducales. C’est aussi pour cela que j’ai nommé sire Cécil pour présider la régence.
Sire connétable, c’est Cécil qui vous accuse d’avoir jeté Claude de Toussaint en prison pour lui spolier son héritage et me couper de tout soutien. Il m’a même proposé, si tel était mon souhait, d’inventer de faux témoignages pour vous faire comparaître devant le Parlement. Je crois qu’il espère diminuer l’influence de votre maison pour que les Saint-Saëns prennent le dessus. »


Je mens totalement. Mais je regarde Charles droit dans les yeux. J’ai envie de voir quelle réaction ce que je viens de dire va lui inspirer.
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MessageSujet: Re: Le Palladium de Cahogne Le Palladium de Cahogne Icon_minitimeVen 17 Avr - 16:28
Charles leva les yeux au ciel, agacé par le duc.

« Un test... dit-il en murmurant, avant de reprendre à haute voix, toujours sur un ton sec, vous ne pouvez pas jouer ainsi avec vos sujets, il en va de la bonne gestion du duché. Évidemment que certains jouent pour eux, mais leur prospérité passe par la votre. Oubliez donc la croisade sire Eudes, vous n'êtes plus entouré d'ennemis. Apprenez donc à faire confiance à ceux qui vous servent. »

Mais lorsque Eudes révéla les fausses machinations du maître espion, le regard du connétable devint noir. Charles se leva d'un bon, la main sur la poignée de son épée.

« Comment ?!
Comment le sire de Saint-Saëns peut-il m'accuser de telles malversations !
Ne lui faite pas confiance monseigneur, sire Cécil est un dangereux manipulateurs, un intriguant sournois ! C'est un allié des Tancarvelles, et vous savez comme ils veulent s'en prendre à mon neveu Richard que son oncle bâtard a spolié de tous ses biens.
Vous devriez sévir contre ceux qui dénigrent vos fidèles sujets et mentent délibérément plutôt que de jouer contre ceux qui vous sont loyaux comme monsieur le chancelier.
Je vous le dis monseigneur, cet outrage ne sera pas laissé sans conséquence, si sire Cécil ose s'en prendre à mon honneur en m'accusant de vils menées, je vais devoir me défendre, l'arme à la main s'il le faut !
 »
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MessageSujet: Re: Le Palladium de Cahogne Le Palladium de Cahogne Icon_minitimeVen 17 Avr - 21:29
Ma comédie provoque une réaction. Il est à deux doigts de hurler. Je ne suis pas certain que ça m’apprend grand-chose – en tout cas plus que s’il était resté de marbre. Est-ce là une preuve de l’innocence de mon maître espion dans le complot ? Pas encore certain. Il faut que je continue de jouer le jeu.
Je fais mine d’être agacé. De froncer les sourcils et de serrer la mâchoire.


« Et qu’est-ce que vous allez faire ? Le défier en duel pour avoir oser colporter de telles rumeurs ? Il les nieras en bloc, car vous n’avez aucune preuve ! Et si je vous soutiens, lui et ce vieux chien galeux de Mauger iront dire que je joue votre jeu, ils lèveront des troupes contre nous deux ! »


C’est quand même fort de ma part d’insulter Mauger après avoir promit de le légitimer et de lui filer vingt mille hectares de terres.


« Comprenez bien sire connétable que mes actes ont toujours une raison derrière. Si je met autant Eustache en avant, si je lui donne ma sœur, si je l’honore, c’est bien pour les défauts que vous lui trouvez : Il est vif et impulsif, mais son manque de cervelle l’empêche d’intriguer. En même temps que je l’avance, j’éloigne son imbécile de père, je prépare sa retraite. Je lui offrirai une quelconque sénéchaussée où il pourra être bien éloigné des affaires de Soulans, en gardant mon Pays-Plat doux et apaisé.
Il est évident que des gens jouent contre vous. Je pourrais m’opposer à eux, mais alors ils n’hésiteraient pas à tirer leurs couteaux pour me menacer. Je détruirai tous ceux qui s’opposent au duché, mais chacun aura sa punition en temps et en heure. Je suis jeune. J’ai cet avantage sur eux. »


Je me lève et pose une main sur l’épaule de mon connétable en colère.


« Je sais que je demande beaucoup, mais est-ce que je peux compter sur votre aide contre Cécil de Saint-Saëns ? »
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MessageSujet: Re: Le Palladium de Cahogne Le Palladium de Cahogne Icon_minitimeSam 18 Avr - 16:32
« Mais monseigneur je n'ai pas besoin de plus de preuve ! Vous incarnez la justice en Cahogne, votre parole seule me suffit. Bien évidemment que je vais défendre mon honneur et défier Saint-Saëns en duel ! Dieu prouvera à vous et à tous mon innocence dans cette affaire.
Je n'ai pas peur des Tancarvelles, qu'ils lèvent donc leurs troupes, nous les écraserons !
 »

Charles reprit son calme.

« Bien sûr monseigneur que vous aurez tout mon soutien. Mais méfiez vous de Mauger et de son chiot. Son manque de cervelle pourrait justement l’entraîner dans des intrigues, dont il ne serait pas l'instigateur mais l'un des suiveurs.
Pourquoi ne pas plutôt récompenser ceux qui le méritent ? Donnez votre sœur à mon fils Pierre plutôt qu'à l'infirme. Moi aussi je me fais vieux, Pierre est déjà un excellent combattant et fera un excellent commandant, il pourrait prendre ma suite et vous servir loyalement comme ma famille l'a toujours fait.
»
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MessageSujet: Re: Le Palladium de Cahogne Le Palladium de Cahogne Icon_minitimeDim 19 Avr - 18:37
Charles d’Annequin est remonté. La bonne nouvelle, c’est que je pense maintenant que je suis certain que Cécil de Saint-Saëns n’est pas complice dans l’affaire Toussaint – ou alors, que Charles d’Annequin n’y a pas trempé, contrairement à mon maître-espion.
La mauvaise nouvelle, c’est qu’il est à présent très remonté. Je comptais le renvoyer à mon retour de guerre de toute manière, mais il va falloir que je le garde en laisse pour l’instant.
Je fronce des sourcils et gronde :


« On ne dira pas du Duc de Cahogne qu’il colporte des rumeurs sans preuves sur ses vassaux- »


Évidemment que non, ce n’est pas du tout mon genre.


« -ni qu’il revient sur ses promesses de fiançailles. Je vous ai parlé car je vous prend pour un chevalier preux et plein de probité, mais je ne suis pas un homme prompt aux certitudes, sire connétable.
Vous ne défierez pas Cécil en duel, pas plus que je ne compte briser l’alliance de ma sœur avec sire Eustache. Que croyez-vous qu’il se passerait si j’agissais ainsi ? Les rumeurs qu’on colporte sur vous se réaliseraient en public, ceux qui vivent dans l’ombre se gausseraient de savoir qu’ils ont raison ! »


Je regarde droit dans ses yeux. Charles n’est pas le genre de bonhomme qu’on caresse dans le sens du poil avec des flatteries. Ni celui qu’on impressionne par des ordres et des menaces. Il faut que j’essaye une autre tactique avec lui.
Je tord mes lèvres. Je regarde derrière-moi, et me donne un air gêné. Je joue ma comédie, pour me donner un air de garçon soudainement assez incertain.
Un pauvre enfant manipulable, qui aurait bien besoin d’un homme plus âgé et expérimenté pour l’aider.


« Écoutez, sire connétable… J’ai été sacré, j’ai une couronne sur ma tête et les gens me regardent en pensant que je vais tout arranger. Mais la vérité, c’est que je ne me suis jamais senti autant mal à l’aise de toute ma vie. Même en Croisade, où je risquais ma vie face aux infidèles, je me sentais plus à ma place.
Les prochaines semaines vont être très difficiles. Nous allons avoir besoin d’être soudés et unis face à Landebroc. J’ai besoin de votre aide, sire connétable. Je n’ai pas envie de vous faire des promesses vides de sens, je veux juste savoir si je peux compter sur vous. Est-ce que cette discussion restera juste entre nous pour l’instant ? »
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MessageSujet: Re: Le Palladium de Cahogne Le Palladium de Cahogne Icon_minitimeVen 24 Avr - 14:19
« L'un de mes ennemis colporte de fausses rumeurs et veut me faire passer pour un traître auprès de mon suzerain et je ne dois pas lui livrer bataille ? Très bien monseigneur, je m'en remet à vous.
Mais certains seraient capables de remettre en cause votre justice, là où celle de Dieu par l'ordalie est incontestable.
Vous avez raison, tant que nous sommes dans le Valais nous devons être soudés.
Mais rappelez vous une chose monseigneur.
 »

Charles se redressa fièrement et réajusta son baudrier.

« Je ne suis pas un intriguant, je suis un chevalier.
Vous êtes mon suzerain, je vous dois mon conseil et mon aide. Mais ne comptez pas sur moi pour comploter contre d'autres. Cela est contraire à mon code d'honneur.
 »

Alors que Charles et Eudes discutaient, sortit de l'ombre Odilon le Chétif. Le chambellan resta en retrait tant que le duc parlait à son connétable.
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MessageSujet: Re: Le Palladium de Cahogne Le Palladium de Cahogne Icon_minitimeDim 26 Avr - 15:30
Par la grâce de Dieu, j’arrive à calmer Charles d’Annequin. Il n’aurait plus manqué que ça, que je le presse trop rapidement à réagir.
J’espère que mes messes basses ont servi à quelque chose. Que j’ai attaché Annequin un peu plus à moi. À force de dire à tout le monde que je suis proche d’eux et uniquement d’eux, va bien venir un moment où ça va m’exploser à la tronche et se retourner contre moi. Pour l’heure, je fais semblant d’être rassuré, et agite plusieurs fois la tête.


« Oui, et c’est pour cela que je vous fais confiance, sire connétable. J’aimerais avoir plus de gens comme vous au Conseil. »


Je prends une grande inspiration et passe mes mains dans mon dos.


« Merci pour tout. Votre service et votre loyauté.
Passez une bonne nuit, monseigneur. »


Je m’éloigne rapidement alors que je vois que mon chambellan nous observe. Je m’approche de lui et prend un air soudainement plus détendu, et plus honnête.


« Tu as envoyé des hommes pour chercher la trace de Marie de Valais ? »
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MessageSujet: Re: Le Palladium de Cahogne Le Palladium de Cahogne Icon_minitimeMar 28 Avr - 13:14
Même le jeune chambellan était habillé pour la guerre. Il n'était pas chevalier et n'avait pas d'armure, il portait un simple surcot au couleur de la Cahogne sur une cotte de maille qui lui donnait l'apparence d'un écuyer. Afin de garder l’anonymat au milieu de la nuit, il avait remonté la capuche de son chaperon sur sa tête.

« Pourquoi rechercher une morte monseigneur ? Vous ne faites donc pas confiance aux informations de votre maître espion ? »

Si Eudes tutoyait Odilon depuis leur escapade nocturne dans la Soulans des bas-fonds, le chambellan vouvoyé toujours le duc. Il était son suzerain et son seigneur, il n'osait pas cette familiarité qu'il ne se serait jamais permise avec Hugues III.

« Oui, j'ai envoyé vos housecarls dans la forêt de Pouillard. Ils sont accompagnés par les contrebandiers de la Vipère.
Vous croyez donc toujours à la survie de Marie ? Pourquoi Saint-Saëns aurait-il intérêt à la dire morte ?
 »

Odilon observa Charles d'Annequin s'éloigner avec ses écuyers.

« Tout va bien avec le seigneur connétable ? De loin il semblait remonté. J'ai cru qu'il allait sortir son épée pour vous affronter. »
Eudes II de Cahogne
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MessageSujet: Re: Le Palladium de Cahogne Le Palladium de Cahogne Icon_minitimeSam 2 Mai - 20:58
Je hausse des épaules à la première question de mon chambellan.


« Je ne sais pas. Peut-être que Marie de Valais est morte. Peut-être que son frère nous fait de l’intox, ment pour gagner du temps et éviter que la Basse-Julienne ne se joigne au conflit. Peut-être qu’il y a des gens à la cour qui le soutiennent – Cécil, ou alors un sous-fifre de Cécil qui trompe le maître espion en même temps que nous.
Ce que je sais, c’est que je préfère en avoir le cœur net. Je suis peut-être paranoïaque. Je l’ignore. »


Je pose une main dans mon dos, et regarde le connétable m’éloigner, tandis qu’Odilon me demande ce que l’on s’est racontés. Je reste silencieux un moment, avant de reprendre :


« Je l’ai assez peu connu, Charles d’Annequin. C’est pourtant un des grands de ce Royaume…
Qu’est-ce que vous pensez de lui ? Est-ce que c’est un homme à qui l’on peut faire confiance ? Le triumvirat me semble solide, il m’a critiqué sur mon choix de ne pas confier la régence à Espien. »
Armarius
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MessageSujet: Re: Le Palladium de Cahogne Le Palladium de Cahogne Icon_minitimeSam 2 Mai - 22:14
Avec son duc, Odilon observa le connétable qui retournait au cœur du camp improvisé, parmi la foule de soldat qui attendaient tous impatiemment de voir aller combattre dans le Valais.
Le chambellan désigna le connétable d'un signe de tête, un sourire mauvais au coin des lèvres.

« Évidemment que ces gens vous critiquent. Vous êtes en train de mettre un coup de pied dans leur petite fourmilière.
Je ne pense pas que le sire connétable soit de confiance. Les Annequins sont des conservateurs, ils n'aiment pas voir le pouvoir ducal s'étendre et empiéter sur ceux des petits barons. Il doit être bien content de voir le triumvirat tenir les rênes du duché en vous éclipsant.
Je ne pense pas qu'il soit d'une quelconque aide dans la reprise en main de votre administration.
Les Tancarvelles ne sont pas beaucoup mieux, mais au moins sire Eustache sera plus malléable j'imagine, surtout si vous éloignez son père.
 »

Le chambellan reporta son attention sur son suzerain.

« J'ai aussi envoyé des hommes à la recherche des contrebandiers de Lanfranc de Picquy. Nous allons mettre la main sur des preuves accablantes. Ce sera la brèche qui nous permettra de briser le triumvirat. Si on prouve l'implication de Daguerre dans ces faux il plongera avec son ami, et les gens du conseil ne pourront le sauver.
Puis si nous prouvons la simonie de monseigneur Espien à l'archevêque, il pourrait le destituer, et en voilà un deuxième qui quitterait le conseil, avant que le troisième ne soit remplacé à la connétablie.
Peut être pourrions nous profiter de cette campagne pour décrédibiliser d'Annequin en le poussant à la faute ? Cela vous donnerait une raison de le licencier sans vous attirer la haine d'une partie de la noblesse.
 »
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MessageSujet: Re: Le Palladium de Cahogne Le Palladium de Cahogne Icon_minitimeDim 3 Mai - 14:48
« C’est effectivement ce que je pensais. »


Mes doigts jouent dans mon dos. Je me sens contrit. Je tords mes lèvres, en réfléchissant un peu à ce que me répond Odilon.


« Mauger de Tancarvelles va bien s’en tirer. Pour l’éloigner de la cour, je vais lui acheter une bonne retraite avec les revenus de la sénéchaussée de Vassy. C’est plus que ce que ce bâtard mérite.
Mais à offrir la main de ma sœur à Eustache, et à arranger le conflit entre les FitzMauger et les FitzOnfroi, les chevaliers des Landes risquent d’être écœurés. La famille d’Annequin prendrait le limogeage de Charles personnellement.
Qu’est-ce qui selon toi pourrait rendre le connétable fautif ? Cette campagne, s’il la gagne, il serait de très mauvais genre de le renvoyer juste après. Pour ne pas dire impossible. »
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MessageSujet: Re: Le Palladium de Cahogne Le Palladium de Cahogne Icon_minitimeDim 3 Mai - 15:05
« Oui, c'est le risque. Surtout que la famille d'Annequin est très influente.
Hélas monseigneur, j'ignore comment pousser sire Charles à la faute. Je ne suis pas un homme de guerre, je ne connais pas grand chose aux campagnes militaires.
 »

Odilon afficha un air perplexe que percu Eudes à travers l'obscurité de la nuit. Il hésita un instant, puis murmura :

« Êtes vous tout à fait sûr de vouloir vous lier intimement aux Tancarvelles ? Faire de sire Eustache votre connétable est une chose, lui donner votre sœur en est une autre. En tant que beau-frère du duc, vous allez lui donner beaucoup d'autorité sur le duché. Et un mariage ça ne se brise pas aussi facilement, il vous sera lié à vie.
Vous avez raison, sire Eustache n'est pas du genre à intriguer. Mais il est naïf et malléable, son père pourrait chercher à le manipuler. Le connaissant, sire Mauger n'acceptera pas de se retirer complètement des affaires du duché, qu'il cherchera à diriger à travers son fils, même au loin dans le Pays-Plat. Sire Eustache suivra aveuglement les directives de son père. Et lorsque celui-ci disparaîtra, je suis sûr qu'un autre prendra sa place derrière sire Eustache.
La maison Tancarvelles est connue pour sa solidarité. C'est ce qu'avait comprit votre père en ne statuant pas sur le conflit opposant les Fitzmauger aux Fitzonfroi, trop content de les voir s'entre-déchirer. C'est tout à votre honneur de vouloir régler cette querelle familiale, mais Les réconcilier ne se fera peut être pas à votre profit, croyez moi...
Ne pensez vous pas qu'un autre prétendant pourrait convenir d'avantage à votre sœur ? Un bien meilleur parti pourrait se trouver dans l'Empire. Vous n'avez que trois sœur après tout, il faut choisir leurs époux avec sagesse.
Surtout que j'ai cru comprendre, comme beaucoup, que dame Jeanne n'était pas heureuse à l'idée d'épouser sire Eustache.
 »
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MessageSujet: Re: Le Palladium de Cahogne Le Palladium de Cahogne Icon_minitimeDim 3 Mai - 15:11
Je hausse des épaules à la réponse de mon chambellan, et pivote pour à présent lui faire face.


« Je ne le sais que trop bien. J’ai conscience de ce que vous dites. Mais alors que Mauger quittera la cour, Eustache restera ici auprès de moi. Il me devra le fait de l’avoir honoré et mit en avant, de lui avoir donné la main de ma sœur. En règle générale, je suis assez fort pour convaincre les gens de m’aimer.
Ce qui me rend triste, c’est qu’en effet, Jeanne est tout sauf ravie de devenir épouser Eustache. Alors qu’elle pourrait grandement m’aider. Elle pourrait le cajoler, le rendre amoureux d’elle – Eustache serait plus proche de son épouse que de son père, on sous-estime beaucoup trop le rôle des femmes dans la destinée des royaumes et des duchés. »


Je soupire un peu.


« Charles n’est pas le seul Annequin. Il a des frères, il a un fils. J’ai l’impression qu’ils vivent dans l’ombre de son autorité, c’est un chef de maison puissant, le Charles.
S’il tombait pour faute, qui prendrait sa place ? Et comment pourrions-nous nous assurer de sa loyauté ? »
Armarius
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MessageSujet: Re: Le Palladium de Cahogne Le Palladium de Cahogne Icon_minitimeDim 3 Mai - 18:28
« Je ne doute pas de votre capacité à vous faire aimer des gens, mais réfléchissez bien.
Vous savez comme les gens peuvent être ingrats, surtout dans la noblesse. Offrez un fief à un chevalier et à la première occasion il vous trahira pour trouver mieux auprès d'un autre suzerain.
Il n'est pas exclu que sire Eustache, peut être pas lui directement mais sa famille à travers lui, vous cause du tort dans les années à venir.
Mais je n'ai pas l'impression que votre sœur Jeanne vous sera d'une grande aide. Pour une telle mission, dame Blanche serait plus compétente, pourquoi ne pas la marier à elle plutôt qu'à votre aînée ?
 »

Odilon disait cela plus comme une idée en l'air plutôt que comme une réelle question. Il savait bien qu'aucune femme du duché ne voulaient épouser Eustache. Bien que bon parti, héritier d'une riche maison de la Cahogne, sa personnalité, plus que son infirmité, faisait fuir les dames.

« Je sais l'aîné de Charles d'Annequin à la guerre. En son absence, et si sire Charles venait à disparaître, je pense que son frère Louis lui succéderait dans un premier temps. Pierre, son puîné, est trop jeune et inexpérimenté pour que la noblesse ne le suive.
Mais il sera difficile de prendre la suite d'un homme si charismatique. Sire Charles tient dans sa main une grande partie de la noblesse du pays. Son successeur n'aura pas la même aura, c'est certain.
 »

A nouveau Odilon hésita dans la suite de ses paroles. Puis il osa finalement.

« Le faire... "disparaître" pendant la campagne pourrait être une solution. Il ne serait pas étonnant qu'un chevalier meurt à la guerre...
Je sais cette idée répugnante, je ne fais qu'émettre toutes les solutions envisageables...
 »
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Le Palladium de Cahogne
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