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Armarius
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MessageSujet: Le retour du croisé Le retour du croisé Icon_minitimeMer 18 Déc - 0:19
Le retour du croisé

Le retour du croisé 5844329


Le voyage en mer avait prit un long mois pour parcourir les quelques 3000km séparant la Ponantique de la Cahogne, en comptant toutes les étapes sur le chemin.

Le 2 Séquobre (Avril), Eudes embarqua de Ponantique, à Port-de-Grâce, sur une grosse nef chargée de trésor fabuleux, d'animaux exotiques et de quelques prisonniers au teint sombre, un navire affrété, avec deux autres semblables, par le prince de Coradine Basile IV de Saint-Croix qui avait été son hôte pendant toute la durée de la croisade. Une semaine après, il était de retour dans l'Empire en faisant étape à Norchbury sur les côtes Sud de la Wisimanie. Là il fût accueilli par le seigneur local, Aethelred comte d'Hookland, et ne reparti que deux jours après. Le 15 Séquobre, le navire entra dans le canal de l'Isthme et s'arrêta à Archopole, capitale religieuse de l'Empire, pour l'un des grands moments du voyage : la rencontre avec le Triarque. Eudes, en tant que héros croisé et nouveau duc de Cahogne, Prince-électeur de l'Empire et l'un des seigneurs les plus importants du monde triaphysite, fût reçu avec tous les honneurs dans le monumental palais des Apôtres, œuvre architecturale sans égale dans l'Empire. L'entrevue avec le chef de l'Eglise fût brève mais mémorable. C'était un homme impressionnant et majestueux, habillé tout en blanc et bardé de bijoux d'or et de pierres précieuses, entourés d'une armée de chanoines et de cardinaux. Il reçu l'hommage du prince, lui glissa quelques mots de félicitation pour ses actes de bravoures contre les infidèles, lui promit de faire dire une prière pour lui à la messe du soir, puis on s'échangea des cadeaux protocolaires. Eudes resta quatre jours à Archopole, hébergé dans un magnifique hôtel appartenant à un riche cardinal, et profita de l'étape pour se recueillir sur plusieurs tombeaux de saints et de saintes. Le 20, le nouveau duc de Cahogne réembarqua pour faire étape six jours plus tard à Appeldam dans les Communes Fédérées, région troublée par des velléités d'indépendance. Le 27, il repartait et le 3 Ternembre (Mai) il passait le détroit d'Hagen, dont le gel il y a près de 700 ans avait permit la traversée à pieds des peuples Manns et leur entrée dans les provinces de l'Ancien Empire. Deux jours après, il était en vu des côtes du Pays-Plat, la célèbre silhouette du clocher du monastère de Saint-Clair se détachant petit à petit du ciel nuageux...

En ce troisième mois de printemps de l'année 1299, une fine pluie accueillait le retour de Eudes, contrastant avec le soleil brûlant de la Ponantique qu'il avait connu pendant 5 ans.
Dans cette petite ville portuaire de Saint-Clair, à l'embouchure de la Bréa, on s'était empressé de préparer l'arriver du jeune duc en lui organisant un accueil triomphale. Une foule de personne s'était réunis pour accueillir le navire ducale, des badauds anonymes, mais aussi de puissants barons de Cahognes et de riches prélats.
Avec maîtrise, le bateau se rapprocha lentement de la terre, puis s'arrêta, laissant les marins sortir une planche de bois pour permettre la descente. Cinq ans que Eudes n'avait pas mit le pied sur cette terre, celle de sa jeunesse, celle de son père, celle qui lui appartenait aujourd'hui.
A la vu du prince, la foule s'ébranla, criant de joie, scandant le nom du jeune duc, appelant sur leur nouveau souverain la bonté des cieux. Les grands officiers avaient bien réussi leur coup. Depuis des semaines ils galvanisaient le peuple pour le retour prochain du héros de la croisade, le nouveau duc de Cahogne, le beau et preux chevalier qui succédait au pâle Hugues III. Il la pluie n'allait pas gâcher la fête.

Eudes descendit du navire sous les ovations de son peuple. Les fines gouttes tombant du ciel gris avaient rendu brillant les pavés du quai comme de la cire sur du parquet.
Aligné devant lui, se tenaient les grands officiers ducaux. Au centre et légèrement avancé, Espien de Raysac, le chancelier, qui détenait depuis la mort d'Hugues III la réalité du pouvoir. A ses côtés le surintendant Charles Daguerre et le connétable Charles d'Annequin. La grossièreté apparente du maître des finances et la sobriété du chef de l'armée contrastaient avec le faste de l'évêque, costumé de pourpre et lesté d'épais colliers d'or et de rubis.
Derrière eux, d'autres représentants de la noblesse et du clergé de Cahogne, parmi eux l'élégant Cécil de Saint-Saëns, les frères du connétable Louis et Yvons d'Annequin, les moines Jourdain et Justin, Mauger de Tancarvelles et ses fils Eustache et Guillaume, le bourgeois Lanfranc de Picquy, les cousins germains du duc, Hubert II de Vaudrincourt et Raymond d'Espérac, et d'autres encore que le duc était incapable de reconnaître.
Surtout, Eudes aperçu ses sœurs, sautillant d'impatience à l'idée de revoir leur frère absent depuis trop longtemps, et Constance, sa mère, qui se contentait d'un simple sourire. Derrière l'épaule de la duchesse-mère se trouvait l'ombre massive d'un moine en capuche.
De Raysac s'avança en affichant un large sourire. Il prit les mains du duc dans les siennes.

« Bienvenu monseigneur, bienvenu sur vos terres. Voyez comme votre peuple attendait votre retour, nous vous attendions tous impatiemment depuis des mois. Quel beau et brave chevalier vous êtes devenu, votre père, que Dieu accueille son âme, serait tellement fier de vous. »

Eudes avait toujours sur lui la lettre cachetée du sceau du duché de Cahogne qu'il avait reçu un mois plus tôt lui annonçant la mort de son père. La disparition d'Hugues III l'avait forcé à couper court à son expédition pour venir récupérer son héritage.
De Raysac laissa sa place au gros surintendant qui s'approcha pour tendre sa main grasse et richement baguée au nouveau duc.

« Monseigneur, j'espère que le voyage fut agréable. J'ai ouïe dire tous vos exploits contre les infidèles et c'est une grande fierté pour moi que de vous avoir pour suzerain. »

A son tour, Charles Daguerre s'écarta pour laisser le connétable approcher.
Ce dernier, habillé d'un tabar vert portant le blason de la maison d'Annequin, l'épée de la connétablie sur son flanc, mit genoux à terre devant son nouveau suzerain et tendit vers lui ses mains jointes. Derrière lui, une partie de la foute l'imita. Ils étaient tous chevalier, représentant des grandes familles de la Cahogne.

« Monseigneur suzerain, au nom de toute la noblesse de Cahogne, je vous fais allégeance comme je l'ai fait à feu votre père, que j'avais juré d'aider et de servir jusqu'à ma mort. Ce serment que je vous fait, à daté de ce jour, m'engage à vous servir sur l'honneur de ma famille, pour mes terres et mes droits que je dois de vous. Que Dieu me soit témoin et cette foule aussi. »


Charles d'Annequin parla d'une voix clair et forte pour braver le son des vagues et le bruit de la foule afin que tous l'entendent prononcer son serment le mettant sous la vassalité du duc.
Eudes II de Cahogne
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MessageSujet: Re: Le retour du croisé Le retour du croisé Icon_minitimeJeu 19 Déc - 12:16
Je quitte la Ponantique avec un goût amer et une grande déception. Je suis parti trop tôt. Cinq années passées de ma vie là-bas ; Lorsqu’on est vieux, cinq ans ne doit pas paraître grand-chose, c’est très différent quand on est un jeune homme comme moi. Je suis parti en Croisade en imitant les chevaliers errants des chansons de geste, plein d’audace et de naïveté. J’ai combattu, j’ai dirigé, avec ma voix aiguë et terrifiée de garçon inexpérimenté. Et petit à petit, je suis devenu un Lionceau. C’est un surnom qu’un de mes chevaliers m’a filé, un braillard borgne lorsque nous avons repoussé une escarmouche d’infidèles qui tentaient d’attaquer les tours de siège à l’abri dans nos campements entourant une enceinte fortifiée qui nous demanda plus de neuf mois de bombardements intensifs avant de s’en emparer ; Je l’aime beaucoup, ce surnom, si je pouvais choisir la manière dont les gens se souviendront de moi, cela me plairait que ce soit par ce titre.

Basile avait l’air très déçu de mon départ, aussi. L’Outremer tient pour l’instant. Mon armée lui a acheté du temps, les villes que mes chevaliers ont libéré lui ont permit de renforcer momentanément sa position… Mais c’est précaire. Très précaire. Il faudrait mobiliser l’Empire, j’en suis convaincu. Rassembler des finances, concentrer un ost derrière un chef très puissant, renforcer les ordres de chevalerie. Une partie de moi-même s’est convaincu que c’était pour cela que je décidais de rentrer « chez moi », en Cahogne, que c’était pour aller chercher l’argent et les guerriers nécessaires pour retourner le plus vite possible en Ponantique. Mais c’est juste un mensonge qui a trotté dans mon esprit le temps d’embarquer dans le navire, de faire mes adieux aux poulains et aux habitants d’Outremer, et de m’élancer sur les dangers des flots, en remettant mon destin et ma survie à Dieu.

Mon père est mort.

La nouvelle m’a en fait frappé à rebours. L’ampleur de ce que cela signifiait. La première chose sur laquelle je me suis concentré, des jours durant, en parlant à des amis, mes clients, mes chevaliers, c’était : « il faut que je rentre en Cahogne pour la succession ». C’est beaucoup plus tard, dans la cabine du navire, une nuit où j’étais seul, seul sans personne, que je me suis effondré et que j’ai versé quelques petites larmes.
Je n’étais pas tellement proche de mon père. C’était un homme sévère avec moi, plutôt froid, dur comme un père doit être dur avec ses enfants. Je le respectais. C’était un meneur, un chef, mon sire et père. Et pourtant, en même temps… En même temps, je sentais que j’avais besoin de m’éloigner de lui. De ne pas vivre dans son ombre. J’étais trop jeune pour le critiquer, mais les affaires de Cahogne ne m’intéressaient pas, ces manigances sur des emprunts ou des guerres féodales sans importance. J’aurais très bien pu refaire ma vie en Outremer. Cela aurait été un destin que j’aurais trouvé plaisant.
J'aurais tellement aimé que mon grand frère survive. Il aurait été plus apte à régner que moi.
Je suis tombé amoureux de la Ponantique. Et même des infidèles. Leur art, leur culture, leurs magnifiques cités de marbre blanc, les soieries lointaines, les épices et les parfums… Un niveau de richesse et de grandeur tellement supérieur à tout ce qu’on a dans le duché provincial de Cahogne. Je ne crois pas avoir beaucoup d’amour pour la terre où je rentre. J’y vais avec la boule au ventre.
Cinq ans passés en Croisade, j’ai appris à devenir un chef. J’ai appris à diriger, à commander. Mais c’était facile quand c’était avec des chevaliers doués pour la guerre, qui m’aimaient et étaient prêts à mourir pour moi et pour Dieu. Ce ne sera pas la même chose en Cahogne.

Un mois passé en mer. C’était ironiquement le meilleur moment. J’ai rencontré énormément de monde. J’ai vu la splendeur du Palais des Apôtres. J’ai été accueilli avec respect et hospitalité en Wisimanie. J’ai pu rire, échanger des anecdotes, provoquer la fascination des gens qui m’entourent. J’ai pu faire des présents, et en recevoir. Appledam était le moment le plus particulier ; J’ai pu passer beaucoup de temps avec Arda et Albert, quelque chose qui m’a manqué lorsque je ne pouvais pas la garder à mon bras dans les rues à Archopole. Je ne sais pas si c’était bien prudent de les amener avec moi en Cahogne. Ça va probablement m’attirer des emmerdes. Mais je ne voulais pas les laisser derrière-moi. Non pas que je craignais pour leur sécurité, je suis sûr que Basile les auraient traités avec égard et de façon bien dispendieuse, après tout nous sommes devenus amis et je lui ai juré sur la croix que je reviendrai dans quelques années avec une armée pour le soutenir. Non, je ne voulais pas les laisser derrière-moi, car je les aimes.

On dirait une histoire qui vient d’un roman de chevalerie. Arda était la concubine d’un sultan, une femme de harem. Lorsque nous nous sommes emparés d’une gigantesque cité, après neuf mois de siège comme je vous le disais, les hommes, mes hommes, se sont comportés comme des animaux enragés… Neuf mois à être malades de la dysenterie, assoiffés, affamés, à perdre leurs copains à cause d’escarmouches, à cause de flèches dardées et de dagues effilées. Moi-même, j’ai échappé une fois de très près de la mort lorsqu’un assassin s’est fait passé pour un valet et s’est rué sur moi dans mon lit – sans ma garde rapprochée, j’aurais été tranché de l’aine jusqu’au cou. Mais pourtant, lorsque les trébuchets ont enfin fait s’effondrer les murs, et que nos soldats se sont rués sur les remparts en tuant toute la garnison, j’avais ordonné qu’on épargne la population. J’avais besoin d’otages, pour assurer la paix, et une rançon afin de payer les mercenaires que nous employons. J’avais ordonné des ordres très clairs à mes plus fidèles vassaux : épargner les temples religieux, même païens, ne pas toucher aux femmes, ni aux enfants – qu’ils pillent les commerces s’ils veulent, qu’ils prennent de l’or, du miel et de l’encens, après tout mes guerriers avaient tant souffert, comment leur en vouloir de soudainement déchaîner leurs excès après toute la peine qu’ils avaient enduré sous mes ordres ? Mais lorsque le premier sergent est entré dans la ville sans aucune défense, telle une putain nue jetée sur le lit devant lui… Qu’est-ce qu’ils veulent dire, les hommes ?

J’ai contemplé l’horreur. J’ai traversé des rues aux pavés ruisselants de sang. On tirait les gros bourgeois hors de leurs cachettes par les cheveux, et des croisés transformés en chiens enragés se mettaient à les poignarder dans la couenne avec des lames rouillées. Les enfants on les jetait dans les puits, ou on les écrasait contre les murs de pierre et de brique. Les femmes souvent étaient les plus chanceuses : du moment qu’elles ne se débattaient pas trop lorsque mes immondes rapaces se forçaient sur elles. Tant d’horreur. Tant d’horreur. Aux yeux de certains avec moi, c’était une juste peine pour ces chiens d’infidèles. Moi, je refusais de croire que Dieu avait décidé que notre Croisade se devait de faire souffrir tant d’innocents… Je me suis flagellé trois nuits durant le siège passé. Pourtant je ne suis pas particulièrement religieux.
J’ai couru à toutes brides vers le palais du sultan. J’avais besoin de lui et de sa famille en vie. Des fantassins étaient déjà aux portes, et étaient en train de réduire le dernier carré, les gardes les plus fidèles, parés à donner leur vie pour leur foi et leur souverain. J’ai ordonné à mes chevaliers de sortir leurs épées pour tuer ces vilains roturiers s’ils continuaient leur boucherie. Par la grâce de Dieu, nous avons pu secourir le sultan, le garder, et l’utiliser comme otage.
Et j’y ai trouvé Arda.

J’ai été obligé de tuer un homme pour la sauver. Un homme croyant comme moi. Un soldat anonyme de mon armée. Un de ceux qui m’avaient acclamé, qui avaient scandé mon nom en attaquant les remparts. Qui avait remit son destin entre mes mains. Un jeune garçon, comme moi, blondinet à la barbe sale et aux yeux bleus, le visage blanc marqué par des coups de soleil bien violents. En le voyant s’attaquer à une femme, je n’ai pas pu m’empêcher de me jeter sur lui pour la sauver. Une vie pour une autre. Un commerce difficile. Ce gamin me hante, mais je sentais sur l’instant que je n’avais pas le choix.

Je ne hais pas les infidèles. Le Lionceau est pourtant connu pour avoir fait tomber des villes, pour avoir fait plier des osts infidèles, pour être l’épée dégainée de l’Église. C’est sûrement ainsi que l’on a rapporté les nouvelles de mes exploits à mon père. Mais je ne les hais pas. Les combattre, oui, mais pas les haïr.
Je suis tombé amoureux d’Arda. Je ne pense pas qu’elle m’aime sincèrement. Elle tient à moi et s’accroche par peur, parce qu’elle était entourée de fous furieux sanguinaires et que j’étais la seule personne qui pouvait la protéger. Mais elle a porté un de mes enfants. Je l’ai appelé Albert, comme l’un de mes ancêtres du côté de ma mère. Le prénom ne lui va pas. Il tient surtout de sa mère, de son teint mat, de ses longs cheveux noirs et ses yeux bruns en amande. Arda a amené avec elle des robes fines du palais où elle vivait. Elle fait très clairement étrangère.
J’ai aucune idée de comment je vais m’en sortir avec elle, maintenant que je rentre en Cahogne.



Je me suis fais beau le temps que le navire entre dans le port. Aidé par deux valets, je me suis rasé, je me suis lavé avec un tonneau d’eau douce, de manière bien spartiate, mais assez pour avoir l’air le plus en forme possible, malgré la fatigue et la maladie du voyage. J’ai retiré mes vêtements sales et amples qui sont fort confortables, pour revêtir un harnois de chevalier : Cotte de maille sur tout le corps, tabar portant l’héraldique familiale, heaume à cimier sur la tête. On pense de moi que je suis un chevalier héroïque : Je souhaite donc paraître comme un chevalier héroïque. Lorsque je suis arrivé sur le pont, c’était fièrement, avec la visière de mon heaume abaissée sur le visage. Cela marque. Les gens m’ovationnent. Ils semblent être ravis de me voir. Je dois être une sorte de fils prodigue pour eux. Le duché va mal, alors je suis le sauveur, le Roi endormit qui revient régler tous leurs ennuis.
Ils vont être vite déçus. Je suis un gamin de 22 ans plus doué pour la poésie que pour l’administration. Certes, j’ai de l’expérience : Cinq ans passés en Outremer, j’ai dû apprendre ce qu’étaient la guerre, la diplomatie, le fait d’écouter ses conseillers, de mener des négociations et développer des stratégies. Ces leçons me seront fort utiles. Mais je débarque sur une terre dont à présent j’ignore presque tout. J’ai eu des nouvelles venant de Cahogne, des rumeurs, des bruits. Mais je suis en réalité dans l’obscurité.

Beaucoup de monde m’attend. Ils ont mit en place des estrades, accroché des fanions aux murs des maisons, nettoyé les rues qui d’ordinaire doivent être débordantes de merde et parcourues de mendiants, j’en suis sûr et certain. Malgré la flotte qui tombe en quantité, il y a un cérémonial grandiose et certainement fort coûteux. J’apprécie. J’en souris. Ça me fait plaisir, de voir tout ce faste déployé pour mon retour.
Parmi les gens qui m’attendent, je m’efforce de reconnaître autant de monde que possible. Si je reconnais des blasons et des visages, ils sont bien souvent des gens que je ne connais pas beaucoup, avec qui je ne suis pas tellement intime. En revanche, lorsque je note que Raymond est là, je ne peux pas m’empêcher d’avoir un énorme sourire, qui affiche toutes mes dents. De même lorsque je découvre que mes sœurs et ma mère sont ici. J’ai envie de me jeter sur elles pour les prendre dans mes bras, mais il y a trois personnes qui souhaitent me voir avant.

Espien de Raysac me fait beaucoup d’honneurs. Il est poli et courtois, qualités que j’apprécie. J’accepte qu’il prenne mes mains dans les siennes après que j’aie retiré mon casque pour le tendre derrière-moi à mon écuyer personnel. Petit signe de tête à son intention. La dernière phrase qu’il a pour mon père serre mon cœur.

« Je l’espère monseigneur, je l’espère. Merci. »

Un gros monsieur vient juste ensuite. Je mets un moment à le remettre. J’ai son nom sur le bout de la langue – Je suis bête, comment oublier ce crapaud de Charles Daguerre ? Sa présence me met un peu mal à l’aise. J’ai du mal avec les hommes de sa trempe. Mais je reste malgré tout poli et courtois.

« J’apprécie votre considération. Le voyage s’est effectivement bien passé – je vous en parlerai à l’occasion, si vous le souhaitez. »

Charles d’Annequin, en revanche, je le reconnais tout de suite. C’est un seigneur extrêmement important, dans le duché évidemment, mais il est connu même dans le reste de l’Empire. Il ne perd pas de temps pour se mettre à genoux et proclamer sa loyauté, vite suivit par de nombreux chevaliers derrière lui. Je les comprends : L’hommage est ce qui les lies à moi, mais c’est aussi ce qui garantit leurs terres. Ils me servent, et en échange, je ne peux pas les spolier, ils ont des droits et des devoirs.
Je retire donc mes gants, et les poses sur le sommet du casque que porte mon écuyer. J’attrape les mains du connétable, le temps qu’il me jure hommage. Alors, je répond, tout aussi fort et distinctement que lui, afin que tous soient témoins :

« Je te confirme dans tous tes fiefs et tous tes titres, car tu es mon vassal. Je souhaite ton conseil et ton assistance à chaque moment, Charles d’Annequin. »

Je le lève et l’embrasse sur les lèvres, afin de montrer à chacun, et surtout les nobles de Cahogne, comment j’accepte leur loyauté.
Je viens juste d’arriver, c’est vraiment pas le moment de commencer un scandale ou de dire que je vais faire bouger les autres.

Puis je retourne vers le chancelier juste derrière.

« Monseigneur, vous me pardonnerez, je suis bien fatigué du voyage. Je pense que vous souhaitez me parler de choses bien pressantes, et je ne manquerai pas d’entendre vos nouvelles et les affaires que le Conseil souhaite traiter urgemment.
Mais permettez que je commence par prendre des nouvelles de ma famille, avant de parler à mon peuple ? »


Demander l’autorisation au chancelier est bien illusoire – je suis le duc, c’est à moi de décider de ce que je fais. Mais cela montre au moins le respect que j’ai envers lui. Je suis pas idiot : Je vais avoir besoin de conseils pour m’en sortir, et lui connaît ce duché bien mieux que moi qui était absent pendant cinq ans.
Je vais avoir besoin de lui.
Armarius
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MessageSujet: Re: Le retour du croisé Le retour du croisé Icon_minitimeVen 20 Déc - 14:23
« Bien sur monseigneur, un voyage d'un mois est toujours éprouvant. Aujourd'hui, c'est jour de fête, le travail attendra notre retour à Soulans.
Le peuple de Saint-Clair vous ont préparé une surprise pour vous. Les échevins souhaiteraient vous inviter à assister à leurs jeux, vous savez, avec les formidables aurochs. Si votre seigneurie n'est pas trop fatigué, ils seraient heureux que vous acceptiez.
En attendant, je vous laisse en famille. »


De Raysac tourna son regard vers Charles Daguerre avec un sourire satisfait. Ils craignaient de voir revenir un prince turbulent, mais de premier abord Eudes avait l'air docile.
La famille de Cahogne s'approcha. Bravant tous les protocoles, Blanche sauta au cou de son frère. Une scène qui émue beaucoup le menu peuple venu observer le retour de leur prince.

« Comme tu as changé Eudes ! Tu es devenu tellement beau ! Comment c'était la croisade ? Et la Ponantique ? Nous n'avons eu que peu de nouvelles de toi pendant ton absence, juste quelques rumeurs, tu nous raconteras tout ? »

L'enthousiasme débordant de Blanche contrastait avec le reste de la famille, beaucoup plus calme.
Jeanne, la sœur aînée prit Eudes à son tour dans ses bras avec la douceur qu'on lui connaissait.

« Je suis tellement heureuse de ton retour. Ton absence a été long à supporter. Mais à présent c'est terminé, nous sommes tous réunis. »

Puis le duc posa les yeux sur une toute jeune fille, Alix. Lorsque Eudes avait quitté la Cahogne, elle n'avait que 8 ans. Pour elle, c'était presque un inconnu qui lui faisait face. Elle avait de brefs souvenirs de son grand frère, mais l'homme qui se tenait devant elle ne ressemblait plus tellement à la peinture le représentant enfant dans l'un des couloirs du palais. Elle s'approcha et fit une révérence, comme si elle avait devant elle un grand seigneur et non son frère.
Et Constance, la duchesse-mère, s'approcha et se contenta d'un simple baisé sur la joue de son fils. C'était là toute la tendresse dont elle était capable. Même dans un moment pareil, elle était incapable de faire plus, surtout avec autant d'yeux les regardant.
A son tour, le jeune Hubert, cousin germain de Eudes et comte de Vaudrincourt, s'avança. Lui aussi avait bien changé, il était devenu un beau chevalier de 16 ans et son corps commençait à devenir celui d'un homme. Il s'agenouilla maladroitement et parla d'une voix à peine muée.

« Cher cousin, j'espère vous servir avec autant de qualité que mon père a servit le votre. »


Sa voix tremblotait, le jeune garçon n'était visiblement pas habitué à parler en public. Ou bien Eudes l'impressionnait.
A ses côtés se tenait Raymond d'Espérac, autre cousin germain du duc, cette fois du côté de sa mère. L'héritier du Landeron était le total opposé du comte de Vaudrincourt, très grand, costaud et barbu, il avait tout d'un homme accompli. Mais s'il n'avait pas beaucoup changé physiquement, Eudes sentit que son cousin, avec qui il était très proche autrefois, était différent du souvenir qu'il en avait, comme si l'absence de 5 ans avait creusé un fossé entre eux. Le duc avait le sentiment d'avoir face à lui un inconnu. Celui-ci se contenta d'une phrase bateau pour accueillir son cousin.

« Bienvenu sur vos terres monseigneur. »

Du sommet de Saint-Clair résonnèrent les cloches de l'abbaye. Il était midi.
Eudes II de Cahogne
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MessageSujet: Re: Le retour du croisé Le retour du croisé Icon_minitimeDim 22 Déc - 15:02
Je remercie le chancelier. Des jeux d’aurochs ; Ils me plaisaient énormément lorsque j’étais jeune. Je dois avouer être très fatigué, j’aimerais beaucoup aller me reposer au palais, mais cela ferait plaisir autant à moi qu’au peuple de passer un peu de temps avec eux. Je pense que je vais accepter, mais avant…
Avant cela, je hèle mon écuyer qui porte mon cimier. Je l’approche près de moi pour lui parler à voix basse.

« Il faudrait que tu partes un peu plus en avant, au palais. Le temps que mes affaires soient déchargées… Il faudrait que tu parles au chambellan d’Arda. Tu veilles bien sur elle ? »

L’écuyer tord ses lèvres. Il n’aime pas devoir faire des choses fourbes tel un simple sbire. C’est un poulain de seize piges, un fils de chevalier qui a été tué en Croisade, et qui depuis me sert avec honneur. Un garçon aux cheveux de jais, sa mère sûrement une habitante de la Ponantique.

« Messire… Je ne sais pas si je parviendrai à garder l’existence de dame Arda secrète.
– C’est une question de temps avant que tout le monde sache qu’elle existe, mais j’aimerais autant temporiser et faire en sorte que ça ne s’ébruite pas dès mon retour. Les gens ici ne me connaissent pas, tout juste ce qu’ils ont pu entendre sur moi des croisades. Il faut que je gagne leur confiance.
– Je ferai ce que je peux, messire. »

Il me fait une petite révérence et retourne au bateau. Si je me met à m’amuser devant des aurochs pendant qu’Arda et mon fils passent des heures coincés à quai, je vais recevoir un sacré savon. Mais voilà, il leur faut une chambre privée, et je vais pas l’enfermer éternellement dans un placard. On verra. J’ai juste besoin de quelques jours, que je sache quelles oreilles ici sont de confiance.

En attendant, je retourne vers ma famille. Je leur adresse un sourire poli, ne sachant pas trop comment réagir avec eux. Pour l’amour de Dieu, Blanche brise immédiatement la glace : Elle se jette dans mes bras. J’en ris, je l’enlace et la soulève au-dessus du sol en lui embrassant la joue.
Lorsque nous nous étions vu pour la dernière fois, elle devait avoir dix-sept ans – elle était alors déjà une très belle jeune fille, douce et gentille. Je n’ai pas de sœur préférée, mais elle a toujours eu une place dans mon cœur.

« Oh Blanche, cinq ans, c’est long ! J’ai tellement de choses à te raconter – et à te montrer, aussi. Je t’ai ramené des cadeaux, pour toi et pour tes sœurs. »

Et je viens de me rendre compte du soucis. J’ai surchargé mes vaisseaux de présents et de choses à offrir, oui. J’espère juste que je ne vais pas faire de jalousies dans ma famille selon ce que j’offre à qui.
Jeanne aussi est douce et aimante. Je l’embrasse et lui parle à toute voix basse :

« Je suis désolé de ne pas avoir été là pour la mort de papa… Je…
Je pourrais t’en parler plus tard, en privé ? »


Pendant trois ans j’ai entendu parler de la maladie et de la supposée folie de mon père. Déjà à cette époque, on me demandait de revenir en Cahogne, et je refusais : J’avais adopté la Ponantique. Arda était enceinte. Le Royaume de Basile de Sainte-Croix était en danger. La Cahogne était une terre étrangère.
J’espère que je n’ai pas aggravé l’affliction de mon père par le chagrin. Je me demande comment il était, à la fin… Et c’est quelque chose que j’aimerais entendre de la bouche de ma sœur, pas de la part de Charles Daguerre ou du connétable.

Ma plus petite sœur, Alix, est toute discrète. Je prend ça pour de la timidité. Elle a treize ans, elle entre dans l’adolescence : On est très peu proches, à cause de notre trop grande différence d’âge. Cela ne m’empêche pas de me baisser un peu devant elle, et de lui offrir un grand sourire.

« Cela me fait tellement plaisir de te voir Alix, j’ai beaucoup cherché à prendre de tes nouvelles en Ponantique. Tu adorerais cette région, un jour j’espère pouvoir t’y emmener. »


Ma maman ne me fait qu’un petit baiser. J’en rougis énormément. Je m’incline légèrement devant elle. Je ne veux pas la mettre mal à l’aise en l’enlaçant, même si j’en ai très envie.

Pas le temps de trop lui parler, à part pour quelques banalités bien peu originales. Y a mes cousins derrière. Je suis beaucoup moins proche d’eux ; Hubert me parle avec valeur, moi j’ai un grand sourire à le voir être devenu un jeune homme en âge de combattre. Alors qu’il s’agenouille devant moi, moi je ne peux pas m’empêcher de l’attraper par les épaules, de le relever, et de l’embrasser devant tout le monde.

« Hubert, regarde-toi ! Lorsque j’étais parti tu n’étais qu’un petit page, maintenant tu es un beau jeune homme bien fort !
As-tu déjà commencé les tournois ? Si ce n’est pas le cas, il faudra à tout prix que je trouve le temps de briser des lances sur une lice avec toi ! »


La famille est sacrée. Elle est importante. Plus que tous les autres liens qui peuvent unir deux hommes. Avec moi en tant que duc, ma famille peut être sûre qu’elle passera avant tout.
Et puis, il y a Raymond. Mon Raymond. J’ai envie de le sauter dessus. De jouer à la bagarre. J’ai envie qu’on aille dans les rues de la ville, qu’on trouve une taverne dans laquelle se rendre malades d’alcool et une maison à lanterne rouge dans laquelle échanger des filles. Il m’a tellement manqué : Je lui offre un sourire beaucoup plus étendu que pour tous les autres.
La froideur docte avec laquelle il m’accueille me fait l’effet d’une douche froide. J’en reste béat, la bouche entrouverte. Je passe une main dans le dos, et force malgré tout un sourire :

« Tu m’as beaucoup manqué Raymond, beaucoup… ça me fait plaisir de te revoir. Tu vas bien ? Que s’est-il passé de beau en mon absence ? »


Je regarde rapidement derrière moi.

« La ville va faire un concours d’aurochs c’est bien ça ? Viens donc à mes côtés Raymond, qu’on discute de tout ça, on a tellement de choses à rattraper ! »
Armarius
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MessageSujet: Re: Le retour du croisé Le retour du croisé Icon_minitimeDim 22 Déc - 16:06
Malgré les mots affectueux de Eudes, Raymond gardait la même expression froide.

« Beaucoup de chose se sont passées, la guerre, la trahison, la maladie, la mort d’un père… »

Quand Eudes invita son cousin à l’accompagner pour discuter, Raymond jeta un regard vers les conseillers du duc.

« Je pense que d’autres personnes aimeraient discuter avec vous. Vous avez des responsabilités maintenant, ne les faite pas attendre…. »

Puis il s’éclipsa sans attendre une réaction de son cousin. Espien de Raysac revint vers le duc.

« Monseigneur, les gens de Saint-Clair ont construit une arène pour les jeux à l’extérieur de la ville. Laissez moi vous accompagner, nous pourrions discuter en chemin tout en saluant votre peuple. »

Sur un signe de Raysac, toute l’assemblée se mit en route. Ce simple geste de la main auquel tout le monde obéit illustrait toute l’autorité de l’évêque de Soulans.

« Les retrouvailles avec votre famille furent chaleureuse, mais j'ai noté que contrairement à vos soeurs votre cousin Raymond fut particulièrement froid. J’ai pourtant souvenir que vous étiez proche avant votre départ ?  J’imagine que les promesses du duc, votre père, lui ont fait tourner la tête. Nous redoutions qu’aucun de ses fils ne rentre de croisade, alors Hugues aurait eut l’idée de faire de Raymond son héritier. Vous savez que, comme nous tous, votre père a été très affecté par la mort de votre aîné… Et puis, je ne vais pas vous cacher que sur la fin, le duc devenait de moins en moins cohérent dans ces décisions… sûrement la maladie qui l’affectait lui faisait perdre raison. C’est pour cela qu’avec Charles Daguerre, Annequin et moi-même nous avons pris les rênes du gouvernement en attendant votre retour. Votre père fut un prince exemplaire pendant tout son règne, mais hélas, la maladie est capable de faire chavirer le plus brave des esprits…
Bref, je pense que votre cousin, malheureusement, n’est pas très heureux de votre retour. J’ai vu plus d’une fois l’ambition briser des amitiés… et les liens familiaux n’y changent rien. Méfier vous de votre cousin mon prince, il n’est plus l’ami que vous avez quitté il y a 5 ans. »

Espien mit une main sur l’épaule du duc, comme pour lui montrer que s’il avait perdu un cousin, le duc avait trouvé un ami fidèle et dévoué en qui il pouvait avoir confiance.
Sur le chemin menant à l’extérieur de la ville, la foule se pressait pour voir le cortège ducal passer.
Un cordon de gardes, certains aux couleurs du duc d’autres dans celle de la ville, retenait les badauds. De temps en temps, de Raysac saluait la foule d’un geste de la main et d’un signe invitait Eudes à faire de même.

« Pour l’occasion, les échevins ont invité Richard de Malville, vous avez déjà entendu parler de lui ? C’est le meilleur raseteur du Pays-Plat. On lui affuble toutes sortes de surnoms, le Fitzauroch, l’Aurochtone, le Bucentaure… J’ai déjà eu l’honneur de le voir jouer et c’est assez impressionnant je vous l’assure. »

Rapidement, ils arrivèrent devant la grande porte qui perçait la muraille entourant Saint-Clair. La marée était haute et la ville formait une île reliée à la terre par un pont. L’arène élevée pour le duc était en vue.
Eudes II de Cahogne
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MessageSujet: Re: Le retour du croisé Le retour du croisé Icon_minitimeLun 23 Déc - 16:26
Raymond m’attriste. Il salit toute la joie que j’éprouvais à rentrer chez moi, sur mes terres. Me voilà réduit à l’état d’automate, d’être qui marche un peu abasourdi aux côtés du chancelier, qui se met à murmurer des choses bien mauvaises dans mon oreille. J’en fronce les sourcils : Raysac déclenche mon ire, même si je me garde de lui cracher tout mon fiel.

« Ce que vous dites m’attriste et me fait du mal, monseigneur. Je ne doute pas que vous le dites uniquement dans mon intérêt, et celui du duché, et non pour simplement diffamer à l’encontre de mon cousin. »


Bien sûr que si, c’est ce que je sous-entend. Mais Espien et moi sommes bien assez intelligents pour utiliser ce double-langage diplomatique.

« Si ce que vous dites est bien vrai, Raymond est un imbécile ; Il n’a pas à être envieux de mon retour. Je suis un homme qui récompense à juste hauteur tous ceux qui me servent loyalement et fidèlement.
Je vous remercie d’ailleurs d’avoir bien gardé mon duché en mon absence. J’ignore si je pourrai un jour me passer de vos services, monseigneur. »

Une phrase qui n’est pas totalement honnête. Pour moi, la famille prime sur tout le reste. Sans la famille nous ne sommes rien. Le sang est plus épais que l’eau.
Je me suis tenu un peu au courant des nouvelles du continent pendant les croisades. J’ignore pour quelle raison papa a décidé d’éloigner tonton Jean de la capitale, mais c’est une décision que je n’accepte pas – qu’importe la compétence d’Espien de Raysac, on ne trahit pas la famille ainsi, on ne diminue pas les gens qui sont nés sous notre blason. Dès que l’occasion se présentera, j’irai rencontrer Jean de Cahogne et je ferai en sorte qu’il reprenne la place qu’il mérite.

Les estrades bâties n’ont pas fières allures. Ce ne sont pas ces magnifiques hippodromes magnifiques qu’on croise en Ponantique, mais c’est tout de même bien joli : Dans un grand champ qui doit appartenir à la cité, on a dû décaler les travaux agricoles, au grand dam des paysans du coin, pour installer des lices et empiler des bancs. Des valets ont dressé des drapeaux de toutes les couleurs, représentant les couleurs de la cité, mon blason, et le decorum impérial clinquant dans tous les sens. Des hérauts annoncent répartissent les petits nobles et les gros bourgeois, et parquent le menu peuple tout en bas, là où il y a les plus gros risques d’accidents si un auroch échappe à la surveillance des tourneurs et des piqueurs à armes d’hast. Précédé de ma famille proche et des officiers les plus importants, je vais tout droit sur la plus haute et la plus magnifique des estrades, en tendant au fur et à mesure ma main à des échevins et des patrices locaux qu’Espien me présente, connaissant leurs patronymes à presque tous, afin qu’ils embrassent ma bague armorié et plient le dos devant moi. Du haut de ma vingtaine d’années, je me sens en majesté. Et je suis étrangement assez mal à l’aise à l’idée. Les chevaliers d’Outremer avaient pour moi un respect plus franc et viril, les croisés n’hésitaient pas à me frapper dans le dos et à ricaner avec moi, malgré ma stature princière.

« Lorsque nous serons de retour au palais, j’aimerais vous présenter à vous et à la cour un homme bien étrange, dont je vous ai parlé dans ma lettre. Aybak, le frère du sultan Munshaqqin, est un homme très original : Il a apprit à parler notre langue et est un prisonnier bien volontaire.
Tant que nous le gardons, le Prince Basile de Saint-Croix est censé recevoir une forte somme chaque année de la part du sultan. Basile et Aybak préfèrent néanmoins tous deux qu’il soit gardé dans l’Empire – c’est beaucoup plus éloigné d’éventuels assassins ou empoisonneurs, ils sont très doués en Ponantique. Si les infidèles cessaient soudainement de verser la rente qu’ils doivent au Prince, cela constituerait un casus belli auquel nous devrions répondre…
...Mais ce n’est pour l’instant pas dans l’intérêt du sultan. Si Aybak était libéré demain, et qu’il atterrissait dans son Royaume, il serait certain de devoir mater une révolte de palais. »


Aybak est surtout un homme détestable. Un sale enfoiré qui a tué des centaines de mes hommes, un bâtard cupide et sans cœur qui aime la guerre, la gourmandise et la chair – il incarne tous les vices et les péchés étrangers dont les prêtres adorent se gargariser pour convaincre les gamins de l’Empire de prendre la croix. Et pourtant, il n’est pas dénué d’intelligence, de culture, il est plein de joie de vivre, passionné de sciences et de lettres. Il incarne en lui le meilleur et le pire chez l’être humain.
J’espère qu’il me servira à asseoir mon prestige, à amuser ma cour, à captiver l’attention de mes vassaux, qui se mettront à rêver de la Ponantique et qui n’hésiteront pas à me suivre en croisade dans quelques années. Autrement, s’il me fait honte, je n’aurai pas d’autres choix que de trouver un château perdu dans lequel l’enfermer.

Je m’installe alors que de Raysac me promet un merveilleux spectacle. Je souris et tapote mes genoux comme un enfant, pressé de voir la merveille de Richard de Malville.

« Prions quand même pour son âme – c’est un fou d’aller affronter des aurochs, je n’ai jamais compris ce qui passait par la tête de ceux qui se portaient volontaires pour de tels spectacles…
N’y a-t-il pas des prêtres du clergé qui souhaitent faire interdire ces jeux, d’ailleurs ? Par soucis de l’âme des participants ? »


Ce serait à la fois compréhensif et bien dommage. Moi j’adore les jeux d’aurochs, Espien doit bien le voir à ma tronche émerveillé après avoir été très triste à cause de Raymond.

« Monseigneur ?
J’aimerais faire un discours à mon peuple, mon menu peuple. La guerre m’a enseigné une forme d’éloquence somme toute très martiale, faite pour s’adresser à des soldats… Mais j’ignore ce que mes manants souhaitent entendre.
Instruisez-moi donc : Quelles sont les choses qui concernent les gens de ce bourg, et plus loin encore, les gens de mon duché ? Qu’est-ce qu’ils aimeraient ouïr de ma bouche ? Qu’est-ce qui serait intelligent de leur dire ? »
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MessageSujet: Re: Le retour du croisé Le retour du croisé Icon_minitimeLun 23 Déc - 21:17
De Raysac avait écouté d’une oreille distraite les divagations du duc à propos d’un prince infidèle qu’il avait ramené dans ses bagages. Pour le chancelier, les affaires de la Ponantique ne le concernaient pas, il avait déjà bien à faire dans son duché. Pourquoi le duc s’embêtait à ramener ici les problèmes de l’occident ? Surtout si ce n’était même pas à lui qu’on reversait la rançon, et Dieu sait que le duché en aurait eu besoin…
Sur l’estrade, 4 chaises avaient été installées. La plus riche des cathèdres était pour le duc. Juste à côté, pas bien moins œuvrée, la chaise du chancelier, puis plus en retrait, celles du connétable et du surintendant. La famille ducale et les grands barons étaient relégués sur des bancs à l’arrière.
Après avoir présenté et salué quelques échevins de Saint-Clair, qui firent hommage à leur nouveau suzerain, tout le monde s’assit.

« Oui, certains prêtres zélés ont cherché à faire interdire les jeux. Des austères Judicaliens pour la plupart. Pour ma part, je pense que ce qui est bon pour le peuple est bon pour Dieu. Regardez autour de vous, ces visages enchantés, ces sourires d’enfants. Ils le doivent à des gens comme ce Richard de Malville. Comment l’Eglise pourrait condamner ce bonheur ?
Et puis, si Dieu nous a donné le Feu Sacré c’est justement pour dompter les bêtes. Quel meilleur hommage peut-on rendre au Tricéphale si ce n’est combattre l’auroch, l’une des plus terribles bêtes de la Terre. »


Dans l’arène, on s’affairait à préparer le spectacle. Bientôt, les chevaliers platois allaient faire leur entrée. On avait expliqué à Eudes le déroulement des jeux. D’abord, plusieurs jeunes chevaliers allaient s’essayer à la "bougeotte", un jeu qui consistait à monter sur le dos du taureau et de s’y maintenir le plus longtemps possible. Puis, plusieurs cavaliers allaient combattre l’animal dans un combat à mort. Pour finir, Richard de Malville allait jouer contre un cocardier.
La fine pluie avait trempé les drapeaux et rendu boueux la lice.

« Regardez les, ils n’attendent que ça que vous leur parliez.
Il n’y a qu’une seule chose qui intéresse le peuple : manger son pain en paix. Promettez lui prospérité et sécurité et il vous adulera. Mais ça, c’est ce que dirait n’importe quel prince. Vous monseigneur, vous n’êtes pas n’importe quel prince. Vous êtes un héros de la croisade, ils vous attendent depuis 5 longues années. Parlez leur de la Ponantique, des infidèles, de vos conquêtes contre les Sanlars, de la beauté de nos temples dans les pays d’occidents. Vous êtes dans un rare moment de grâce, aujourd’hui les gens ne sont pas là pour penser à leurs problèmes quotidiens…
Les choses seront un peu différent à notre retour à Soulans. Même à des milliers de kilomètres vous avez dû entendre parler de la révolte qui a secoué la capitale il y 3 ans. Les émeutes ont été réprimées dans le sang, mais malgré ça Hugues dû accorder une charte de franchise aux soulonois. L’un des meneurs des révoltés, Jacques Delphin, a été élu à la prévôté et depuis c’est une épine dans notre pied. Mais ne vous inquiétez pas nous tenons la ville. »


Une trompette retentit et tout le monde se tut. L’un après l’après, parfaitement coordonnés, entrèrent une dizaine de chevaliers en armure. L’un d’eux était à cheval, habillé d’un tabar vert avec brodé sur son buste une tête de taureau. Eudes reconnu le Bucentaure, Richard de Malville.
Les chevaliers s’arrêtèrent devant l’estrade ducale et mirent genoux à terre. Le cavalier releva la visière de son casque pour laisser apparaître un visage barbu et bouffie. Il s’écria d’une voix forte.

« Monseigneur ! Eudes deuxième du nom, duc de Cahogne, suzerain du Pays-Plat, comte palatin des Landes, comte de Vassy, de Bassel et de Belfort, seigneur de la Marche-Franche et suzerain de Transgarde, nous te saluons ! Nous, chevaliers, nous allons combattre pour vous afin de vous honorer vous et Dieu. Que celui-ci nous accorde la victoire et fasse périr la bête ! Que le sang de l’auroch coule autant que le sang des infidèles que vous avez fait couler ! »

La foule applaudit et Eudes pu apprécier la popularité du raseteur. Richard lui volait presque la vedette, toute l’arène lui était acquise. Peut être pour ne pas froisser son nouveau suzerain qui aurait pu mal prendre cet amour du public pour le meilleur de ces athlètes, Richard s’écria de nouveau :

« Gloire au duc ! Gloire au duc ! Gloire au duc ! »

Et toute la foule de l’arène reprit en cœur en suivant le raseteur.
De Raysac fit un signe de tête satisfait à Charles Daguerre. C’est le surintendant qui avait organisé l’arrivée du duc et lui qui avait eu l’idée d’inviter Richard de Malville. Une très bonne idée.
Eudes II de Cahogne
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MessageSujet: Re: Le retour du croisé Le retour du croisé Icon_minitimeLun 23 Déc - 22:11
La révolte de Soulans, oui… J’en ai eu des sons de cloches. À cette époque, j’assiégeais un fortin Sanlar, alors qu’on me parle d’une révolte, ça me faisait ni chaud ni froid. Cela arrive, les révoltes, ça se brise avec les matraques de sergents. Sauf qu’apparemment Mauger de Tancarvelles y serait allé vraiment fort, y aurait eu des meurtres, des massacres, des choses horribles qui déshonorent notre pays et Dieu tout-puissant. Comment puis-je juger Mauger ? Mes hommes aussi se sont rendus coupables de crimes atroces. Je ne pense pas qu’il ait donné l’ordre, il a dû perdre le contrôle de la situation, et il a payé pour les basses œuvres de la vilaine sergenterie.

« Est-il très gênant, ce Jacques Delphin ? Vous n’avez pas réussi à faire élire un prévôt plus… Malléable ?
Je suppose que vous me fournirez toutes les informations en temps voulu et dans un meilleur contexte que celui-ci, mais… Mais je me rends bien compte de la précarité de la situation du duché, monseigneur. Je vais avoir besoin de tous vos conseils. »


À commencer par celui du discours devant le menu peuple.

Richard de Malleville a toute la foule acquise à lui. Que puis-je dire ? Même moi, je l’applaudis. Quel panache, quelle audace, quelle fougue ! Tenir tête à un Auroch n’est pas un exercice dont tout le monde est capable, moi-même je ne voudrais pas avoir à prouver mon élan chevaleresque face à une de ces bêtes.

Avant le combat, malgré tout, je profite de la liesse et de la folie de la foule – je préfère en profiter maintenant que d’attendre un éventuel drame, j’aurais l’air bête de faire une diatribe bien trouvée après que Richard de Malleville aie été piétiné par un taureau monstrueux – bien que je me rend compte que je ne devrais pas penser à de telles choses, ça conjure le mauvais sort, j’avoue être un peu superstitieux par moments.
Sous les applaudissements de la foule, je me lève. Je soulève mes mains, et offre un beau sourire au menu peuple, et lui affiche les paumes de mes mains pour l’inviter à calmer donc leur joie.

« Chevaliers de Cahogne, vous honorez votre duc par votre courage ! C’est avec des braves de votre trempe et de votre race, des enfants pétris et forgés de ce pays, que je suis allé brûler et piller les villes des infidèles qui se dressaient face aux Fidèles du Tricéphale ! Je ne peux que vous remercier et vous féliciter – tous les efforts que j’ai mené pour la Croix et pour la Vraie Foi, n’ont pu être réalisés que grâce à chacun d’entre vous ici – Nobles enfants qui combattent honorablement, doux prêtres qui prêchent véritablement, et même les plus humbles enfants qui travaillent chaque jour que notre bon Dieu fait pour nourrir la terre et les gens !

Pendant cinq longues années, j’étais loin de vous, et vous étiez loin de moi – mais je n’étais pas absent, pas plus que vous ne l’étiez. Lorsque je chargeais les murs des infidèles, lorsque je me battais sur les remparts, lorsque je terrassais les infidèles, je le faisais avec vous tous dans mon cœur et mes pensées. Le Ponant est peut-être loin en distance, vous n’entendez peut-être pas retentir les clochers de ses temples, mais vous êtes des enfants du Ponant.

Lorsque je suis arrivé dans ce Royaume ami, lorsque j’ai débarqué avec force de guerriers et grand nombre de pieux pèlerins animés par le Feu Sacré lui-même, j’ai trouvé un Royaume en grand péril : Criblé de dettes, assailli par des hordes de païens fous furieux désireux d’égorger les enfants dans leurs lits et de violer les femmes rendues veuves par les lames de leurs cimeterres, perdu dans des rivalités de petits baronnets prêts à tout pour récupérer le plus infime bénéfice. Mais nous nous sommes unis, nous avons oublié nos ires et nos colères, pour dégainer nos lames face au plus grand danger qui menace la Ponantique, et, si la Ponantique tombait, l’Empire lui-même, tant ces hordes sans civilisation sont des millions. C’est uniquement par la foi et la confiance entre Triaphysistes que nous sommes parvenus à vaincre, à repousser l’envahisseur, et à sauver nos Royaumes d’Outremer !

Ne perdez jamais espoir, et ne perdez jamais la foi. Ne vous laissez pas aller à la méfiance et au cynisme. La vie est belle, malgré toutes les misères dont nous pouvons être affligés, malgré les épidémies et les mauvaises récoltes, le monde tourne et le bon Dieu dans ses desseins récompense toujours les gens de bon. Regardez-moi : J’ai perdu un père, je suis attristé, et pourtant, devant vous, je ne peux m’empêcher de rire et de sourire, car vous me donnez envie de sourire, fils et filles de Cahogne ! Ensemble, sous le regard de Dieu, nous parviendrons toujours à nous élever plus haut encore !

Sire Richard, impressionnez-moi, impressionnez-nous ! »


J’accompagne mon discours de gestuelles – pointer le ciel quand je parle de Dieu, serrer mon poing contre mon cœur quand je parle d’amour. Je me demande si j’en fais trop, ou si je vais émouvoir la foule.
Mais c’est fait, à présent.
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MessageSujet: Re: Le retour du croisé Le retour du croisé Icon_minitimeLun 23 Déc - 23:36
De Raysac se sentit piqué dans son orgueil. Comment ça "ils n’avaient pas réussi à élire un prévôt plus malléable" ? Le jeune duc lui reprochait là une erreur ? Ou bien une faiblesse ?

« Vous apprendrez jeune duc, que les choses ne sont pas toujours aussi simples. Delphin n’est pas notre plus gros soucis actuellement… »

Après le discours d’Eudes, la foule applaudit et scanda son nom. Le duc avait repris la main sur le raseteur, du moins pour un temps. Les trompettes retentirent pour signifier les débuts des jeux et les chevaliers se retirèrent. Eudes se rassit aux côtés de son chancelier.

« Très beau discours mon prince. Je vois que vous avez beaucoup apprit en outremer. »

Charles Daguerre, à la gauche du duc, lui tira la manche pour lui souffler un compliment à l’oreille. Il n’allait pas laisser toute la place à de Raysac…

« Votre prise de parole était digne de votre père. Bravo monseigneur. Je vois que le futur du duché est entre de bonnes mains. »

Au centre de l’arène on s’activait. Derrière de grosses portes de bois allait apparaître la bête. Tout le public l’attendait. Sur l’estrade ducale aussi, derrière lui, Eudes pouvait entendre l’impatience de sa cœur Blanche, toute heureuse de voir un auroch.
Deux hommes ouvrirent les portes. Dans l’obscurité se dessinait la silhouette particulière de l’animal dû à ses pattes arrières plus petites que celles de devant. Puis d’un bond, la bête sauta dans l’arène avec une extrême vitalité. Pour le duc, les gardians avaient sorti les meilleurs spécimens de leurs manades. Celui-ci était massif, deux immenses cornes pointant vers le ciel lui donnaient l’air d’un roi. Ses naseaux soufflaient à travers la fine pluie une fumée épaisse et sa puissante patte il grattait le sol boueux d’un air décidé. A la vue du monstre, la foule retenait son souffle.

« Quel animal ! » s’écria Eustache Brascourt, le fils aîné de Mauger Tancarvelles, impressionnait par la bête. Lui et sa famille était originaire du pays, c’était d’avis d’expert. L’auroch était immense.
Autour de lui approchèrent plusieurs jeunes hommes. L’un d’eux tenta de maîtriser l’animal mais échoua en étant jeté salement au sol, terminant la tête dans la boue.
« C’est normal ça ? s’inquiéta Lanfranc de Picquy.
- Vous n’avez donc jamais vu de jeux taurins Lanfranc ? lui répliqua Eustache, tout excité, c’est le plus amusant quand ils se cassent la gueule ! Regardez ça comment il s’est vautrer dans la boue, l'auroch le retourne comme une crêpe !
Le mieux c’est quand la bête leur marche dessus ! Et je vous dis pas quand elle utilise ses cornes ! Des fois elle perce les ventres et les tripes se répandent sur le sol ! »


Alors qu’un autre jeune chevalier se fit mettre au sol par la bête, un valet s’approcha du duc pour lui proposer une collation. Il fit de même avec les proches conseillers. De Raysac fit un signe de la main pour signifier qu’il ne voulait rien. Le connétable prit un verre de vin et Daguerre demanda qu’on lui ramène un pichet.
Alors que le spectacle continuait, de Raysac s’adressa au duc.

« J’ai entendu dire que vous aviez fait escale à Archopole ? Comment s’est passée votre rencontre avec le Triarque ? Ce devait être grandiose. J’ai une fois fait le voyage jusque dans la cité sainte, mais c’était il y a bien longtemps. Vous a-t-il parlé d’un futur concile qu’il aimerait organiser ? Des rumeurs courent ces derniers temps. »
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MessageSujet: Re: Le retour du croisé Le retour du croisé Icon_minitimeLun 23 Déc - 23:52
Mon discours fait mouche. Je ne peux pas m’empêcher d’avoir un grand sourire en me rasseyant et en prenant mon souffle. Je remercie Espien pour son compliment, et je fais même un signe de tête bien marqué à ce crapaud de Daguerre – des trois qui ont prit le contrôle du duché en mon absence, c’est celui que je connais le moins. Il faudrait que je tente de me rapprocher de lui, savoir quoi attendre de cet animal.

Je dois avouer, autant le spectacle d’aurochs me réjouis, autant l’excitation d’Eustache Brascourt me met extrêmement mal à l’aise. C’est une pure tradition de notre pays, depuis que je suis enfant, comme tous les Cahons, je me réjouis de voir des bonhommes pleins de panache défier des monstres à cornes – mais tout de même, les accidents et les morts qui peuvent avoir lieu dans l’arène me terrifient toujours… Les Judicaliens n’ont peut-être pas si tort que ça, au final.

Je ne fais pas de réflexions, malgré tout. Je ne préfère pas trop me faire remarquer pour l’instant.

Au moment où un valet vient pour proposer une collation, je lui souris :

« Pourrais-tu me ramener un plateau de massepains, mon garçon ? Le voyage a ouvert mon appétit, et ça ira bien avec du vin clairet. »

Je ne suis pas un goinfre, mais j’avoue ne pas respecter scrupuleusement les vertus triaphysistes. J’aime manger. J’aime boire. J’aime rire et danser. Porter des vêtements somptueux. Et j’aime les femmes. J’ai servi avec honneur la Foi en Croisade, j’ai mis mon bras et mon épée au service de Dieu… Mais ça ne fais pas de moi un saint.

Espien me pose d’ailleurs des questions bien religieuses. Cela me fait un peu froncer les sourcils, d’une réflexion – c’est qu’il me détourne du spectacle.

« Je suis désolé de vous décevoir monseigneur… Il est vrai que je suis arrivé à Archopole, et que j’ai eu l’honneur de parler avec Sa Sainteté. Néanmoins, pour toute magnifique et grandiose qu’était la ville, mes discussions avec le Triarque n’ont pas concerné l’Église – Nous avons beaucoup parlé de l’Outremer, du prince Basile, et de beaucoup de banalités. J’ignore s’il prévoit un concile, il ne m’en a pas parlé.
Pourquoi donc, monseigneur ? Quelles sont ces rumeurs qui courent ? Est-ce que ce sont encore des querelles de paroisses avec les Judicaliens ? Rien qui ne puisse embêter le duché j’espère ? »


Je regarde vite à nouveau le combat. Puis, au détour d’une conversation, profitant d’une pause, je me tourne vers le crapaud non loin de moi.

« Est-ce vous qui avez organisé tout cela, maître Daguerre ?
Je souhaite vous remercier chaleureusement, c’était une idée inspirée – elle plaît au peuple autant qu’au duc. »

Il faut toujours donner des compliments à ses lieutenants. Ça mange pas de pain.
Armarius
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MessageSujet: Re: Le retour du croisé Le retour du croisé Icon_minitimeMar 24 Déc - 0:19
Cette fois, l’un des jeunes chevaliers parvint à monter sur le dos de l’auroch en usant de ruse. Il détourna l’intention de l’animal puis lui sauta dessus d’un geste vif. Aussitôt l’animal se débattit de toutes ses forces pour virer le parasite qui s’accrochait à son échine. Eustache se leva d’un bond en serrant les poings et les dents.

« Va s’y mon gars ! »

Mais le jeune champion ne resta que quelques secondes sur l’animal, il fût envoyé à terre avec violence, tellement qu’il resta inconscient la tête dans la boue.
Eustache s’écria :

« Bouhh ! Mange donc la terre mort-diable ! Un derzi ferait mieux ! »

Annequin lança un regard à Mauger pour lui ordonner de tenir son fils.

« Calme toi mon fils. Les jeux ne font que commencer.
- Par le Tricéphale, père tu as vu ça ? Il est mort tu crois ? »


Eustache s’esclaffa. Celui-ci se rassit et de Raysac répondit à son suzerain.

« Je crois mon jeune seigneur que ce qui fait peur au Triarque actuellement ce ne sont pas les Judicaliens. Récemment des rumeurs parlent d’une réapparition des Schismatiques dans nos contrées. Votre oncle le vicomte de Landeron les a chassé de son domaine, mais ils auraient trouvé refuge dans le Porez. Toutefois, on ne sait pas qui sont ces gens, si ce sont vraiment des Schismatiques, ou juste des réformateurs reprenant quelques-unes de leurs idées. C’est en tout cas une affaire à surveiller de près… »

Daguerre gloussa, flatté par le compliment du jeune duc.

« Merci monseigneur. J’ai payé avec une partie de mon trésor personnel vous savez. Cet auroch vient de l’un de mes domaines que je détiens à côté de Confleur. Je l’ai fait venir exprès pour votre retour. »

Le valet revint vers le duc, lui apportant sur un plateau d’argent sa commande de massepain.

« Monseigneur, en vin j’ai à vous proposer du sangrouge, du roussec ou du viverose. »

Le gros Daguerre tira une nouvelle fois la manche du duc.

« Prenez donc du roussec ! C’est le meilleur ! J’ai moi-même quelques vignobles dans les Landes qui en produisent. Je ne bois plus que de ça ! » Il joignit l’acte à la parole en s’envoyant une rasade de vin.

Eudes II de Cahogne
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MessageSujet: Re: Le retour du croisé Le retour du croisé Icon_minitimeMar 24 Déc - 0:59
Eustache me met véritablement mal à l’aise. Il me fait penser à ces chevaliers qui m’accompagnaient en Croisade et qui m’ont tant aimé, suivi jusque dans la gueule de l’enfer, sous les déluges de flèches et les flammes ardentes du feu grégeois… Courageux, oui. Mais j’ai vu ce dont les hommes de sa trempe étaient capables lorsque déchaînés sur des gens innocents, avec toute leur haine et leur colère qui bout en eux. C’est pas beau à voir. C’est terrifiant. Des êtres qui perdent toute moralité, toute boussole… Je ne peux pas m’empêcher de remercier d’un geste de la tête le connétable pour avoir silencieusement fait comprendre à sire Mauger de faire taire son fils. Je n’aurais pas aimé avoir à le faire à sa place.
Parce que lorsqu’un pauvre garçon a été balancé la tête la première dans la boue, je n’ai pas pu m’empêcher de serrer les dents pour lui.

« Que Dieu protège nos chevaliers… Je n’ai pas envie que sur ces jeux plane la malédiction d’un mort. »

Je lie mes mains dans une prière silencieuse.

Parlons religion, donc. Les nouvelles que m’enseignent Espien me mettent très mal à l’aise. Je deviens assez sombre, dents serrées, sourcils froncés.

« Ces pauvres schismatiques… Qu’est-ce qu’ils espèrent accomplir, à aller partout prêcher contre le clergé ? Qu’est-ce qu’ils ont à y gagner ? Ne peuvent-ils pas trouver un coin où labourer la terre et rester silencieux, sans propager des mensonges partout où ils passent ?
Est-ce qu’ils méritent toutefois qu’un concile entier se réunisse pour leur cas ? Ou bien d’autres affaires troublent-elles l’Église ? »


Là je m’informe. Les soubresauts et les intrigues de la religion, je n’y connais pas grand-chose. J’ai longtemps eut une certaine candeur envers les prêtres. Une crédulité pieuse. En vérité, je comprends les schismatiques : c’est vrai que les clercs vivent dans le luxe, se gavent sur le dos de la paysannerie, abusent de leurs privilèges… Mais quel autre monde peut-on imaginer ? Un monde sans l’Église c’est inévitablement un monde sans Dieu, ou en tout cas un monde dans lequel chacun peut être son propre Apôtre, et alors là, ça devient dangereux.
J’ai vu la Ponantique presque tomber face aux infidèles, l’heure est d’unir les triaphysistes, pas les diviser.


Charles Daguerre me semble être un bourgeois très agréable. Sûrement un fieffé marchand comme tous les marchands, mais bon vivant. Et puis, il régale. Alors, forcément, lorsqu’il me conseille en vin, puisque je ne suis pas œnologue, je ne peux qu’approuver.

« Soit, soit ! Je me range à votre goût, maître !
Sers-moi donc du roussec, mon bon garçon. »


Je suis toujours aimable avec les petites gens – les valets, les hérauts, les servantes, les sergents. Ils sont dans le décor, mais il est important de les traiter avec égard. Déjà car ils sont des triaphysistes comme moi. Ensuite parce qu’on ne se rend pas compte comment ces gens là sont des oreilles qui traînent, et qu’il vaut mieux être apprécié d’eux…

Daguerre, Daguerre, Daguerre. Bien sûr qu’il se vante de ses vignobles et de ses bêtes – je suis certain que c’est avec l’argent de mon duché qu’il s’est enrichit. Mais bon, de toute façon, dès qu’on nomme quelqu’un à un poste élevé, il en profite pour taper dans la caisse, alors du moment qu’il fait son travail… Cela vaut la peine d’échanger des faveurs. Inutile de m’en faire un ennemi si tôt. Et puis, il a vraiment l’air très généreux, difficile de ne pas apprécier un type comme ça. Je préfère les bons vivants aux gens austères.

« Il passe bien ce roussec, en effet, avec les massepains c’est délicieux…
Vous m’excuserez, maître, je ne suis pas du tout connaisseur en vins, je crains de passer pour un cuistre lorsque je discute de cépages. Mais vous avez en effet bon goût. »

Sourire entendu, et signe de tête, à nouveau.

« Mais vous savez, je viens d’y penser, maître…
Cet auroch, il doit vous coûter extrêmement cher. N’est-ce pas un grand gâchis d’argent, de l’envoyer se faire découper par des chevaliers ? Vous devez serrer les dents, lorsque vous voyez votre magnifique bestiau souffrir, non ? »


Je demande ça sur le ton de la plaisanterie, avec un petit ricanement dans la voix.
Armarius
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MessageSujet: Re: Le retour du croisé Le retour du croisé Icon_minitimeMar 24 Déc - 15:41
« Si le Triarque ne fait rien alors nous allons devoir nous débrouiller tout seul, comme d’habitude.
Hélas, notre archevêque n’est pas vraiment apte à prendre les choses en mains. Il est bien trop doux avec les hérétiques et les païens. Il protège même les Derzis ! Vous saviez qu’il se refuse à condamner les attaques des païens contre les nôtres en Transgarde ? Il dit que ça pourrait légitimer des représailles et faire couler encore plus de sang ! Pour lui, les païens réagissent comme un corps attaqué par la maladie, une réaction naturelle comme la fièvre, et que cela va passer… En attendant, des gens meurent et souffrent. La dernière fois il m’a répondu que ce n’était qu’une épreuve du Terme pour tester notre foi… »


Le jeune chevalier envoyait au sol par le bête se releva finalement sans aucune blessure, ce qui ne manqua pas de décevoir Eustache Brascourt.

« Ce qu’il nous faudrait monseigneur, c’est un homme de poigne à la tête de l’archevêché, un homme qui n’aurait pas peur de combattre ceux qui remettent en cause notre Dogme et déstabilisent notre pays. Ce qu’il nous faudrait c’est une croisade, et il se trouve que je connais déjà un prince croisé qui serait apte à la mener… »

De son côté, Daguerre avait déjà terminé son pichet de roussec.

« Rien n’est trop beau ou trop cher pour honorer votre seigneurie. Et puis, les aurochs sont faits pour combattre dans les arènes, c’est pour ça qu’on les élève. Nos traditions nous empêchent de consommer leur viande, et ces bêtes sont bien trop têtues pour servir à tirer la charrue.
Donc non, ça ne me fait pas mal au cœur de voir ce spectacle, bien au contraire. Ce serait comme acheter une cible et se plaindre qu’elle soit percée de flèches ! Regardez moi, mon fier animal, comme il se bat avec vigueur ! »


A nouveau, l’un des jeunes chevaliers réussit à se mettre sur le dos de l’auroch. Cette fois, il s’accrocha comme un diable à la bête, tirant sur ses poils pour se maintenir sur son échine. 1 puis 2 puis 3 secondes. La résistance du jeune champion souleva un grand cri de joie à son public. 4, 5 et 6 secondes. Eustache s’était remit debout, les poings serrés. 7, 8, puis 9 secondes. Le jeune chevalier venait de gagner l’épreuve et tout le respect des gens de Saint-Clair.
Eustache s’écria :

« Oui ! Bravo ! Vous avez vu ça mon duc ! ça c’est un brave qu’il faut avoir à votre service ! Imaginez le un peu à la guerre cet homme là ! Le fier ! »

Le chevalier, entendant la foule crier sa victoire, relâcha sa prise et se laissa tomber au sol, épuisé. Des hommes vinrent calmer l’auroch et le ramener dans son enclos. Les cinq jeunes chevaliers qui avaient participé à l’épreuve vinrent se présenter devant le duc. Leurs vêtements étaient salis de boue. L’un d’eux se tenait les côtes, certainement blessé par la bête.
Une trompette sonna et le héraut annonça le vainqueur.

« Mes dames et mes sires ! Voici le gagnant de l’épreuve d’aujourd’hui, le chevalier Gauthier de la Puy-en-Bec ! »

Tous applaudir.
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MessageSujet: Re: Le retour du croisé Le retour du croisé Icon_minitimeMar 24 Déc - 16:14
Espien est bien belliqueux. J’en ai un sourire figé.
Oh oui, il doit croire que je suis le dernier des fanatiques. Un chevalier fou furieux. N’est-ce pas la teneur du discours que j’ai tenu devant la foule, à parler de millions de barbares prêts à violer et tuer avec leurs cimeterres ?
Conneries. Les croisades m’ont prouvé que mes frères triaphysistes étaient au moins aussi monstrueux que nos ennemis. Je n’ai aucune hâte d’aller attaquer des païens, même s’il est nécessaire de défendre nos frères en foi. C’est la responsabilité d’un duc que de protéger ses manants.

« Je ne comprend pas trop, monseigneur… Mon père n’a-t-il pas chargé les Portes-Croix de défendre cette zone ? J’ignore si le Roi d’Estovie verrait d’un bon œil un débarquement de Cahons si près de ses frontières…
N’avons-nous pas de contacts avec ces païens ? Ont-ils un chef avec qui nous pouvons parler ? »


La réponse de Daguerre me satisfait en tout cas, je trinque avec lui son deuxième verre de vin, alors que je n’ai même pas encore fini mon premier.

Puis, je me délecte du spectacle. Je suis d’accord avec Eustache, pour le coup, c’est un brave homme – mais bon, soyons honnêtes, monter sur des taureaux n’est pas un critère suffisant pour juger du talent martial d’un chevalier. Son audace et son panache oui, mais ce n’est pas tout ce qui compte…

En tout cas, j’attends que le brave se fasse mousser. Qu’il se délecte des applaudissements et des cris, alors qu’il doit être exténué par son effort. Je lui laisse le temps de profiter de son quart d’heure de gloire, le temps qu’Espien me répond discrètement à ma question. Puis je tape sur l’accoudoir de mon cathèdre, me lève, et attend un petit instant de flottement pour que la foule calme sa liesse. Alors, je crie d’une voix forte :

« Chevaliers de Cahogne, vous vous êtes battus avec audace et bravoure – comme à l’ordinaire, les Cahons prouvent à l’Empire tout entier qu’ils sont ses guerriers les plus forts et les plus valeureux ! »

S’il y a des étrangers ici, il y a en a sûrement, ma phrase doit bien les faire marrer. J’imagine les Valentins qui entendent les Cahons s’auto-congratuler après avoir joué avec des taureaux… Mais la fierté nationale ça marche toujours chez les gens, c’est important de faire en sorte qu’ils se sentent plus importants qu’ils ne le sont vraiment.

« Sire Gauthier, fais donc un pas en avant !
Tu as plu à ton Duc, et tu mérites juste récompense. Demande donc à ton suzerain quelle récompense tu désires ; Si je la juge à la hauteur de tes faits d’armes d’aujourd’hui, elle te sera accordée ! »

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MessageSujet: Re: Le retour du croisé Le retour du croisé Icon_minitimeJeu 26 Déc - 11:07
« Si, votre père a bien concédé la zone aux chevaliers Porte-Croix, mais je parlais d’une croisade contre les hérétiques. Pour les païens, la situation est plus complexe, nous reparlerons du roi d’Estovie et de la situation en Transgarde… »

De Raysac laissa Eudes remplir ses obligations de duc en félicitant le jeune guerrier platois qui avait dominé l’auroch. Une occasion pour le chancelier et les autres officiers présents de constater que Eudes prenait déjà au sérieux son rôle de souverain.
Messire de Puy-en-bec s’avança d’un pas.

« Monseigneur, je ne souhaite qu’une chose, qu’une seule récompense aujourd’hui me ferait plaisir, pouvoir vous servir jusqu’à ma mort, pour l’honneur de la Cahogne et celle de l’Eglise. Mon prince, si un jour vous retournez en croisade contre les infidèles, je souhaite de tout cœur vous accompagner et combattre à vos côtés, pour Dieu, pour son Eglise, et pour la gloire de votre maison. »
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MessageSujet: Re: Le retour du croisé Le retour du croisé Icon_minitimeJeu 26 Déc - 17:51
Je ris bien honnêtement à la réponse du chevalier – un rire franc, plein de camaraderie.

« Eh bien, si tous mes vassaux ne me demandaient que cela comme gains, je serais sans doute le plus riche des Princes de l’Empire ! »


J’attends que les gens se marrent. Plus-ou-moins.

« Je n’oublierai pas ton nom, chevalier. La prochaine fois que, sur un champ de bataille, face à tous ceux qui voudraient s’attaquer à notre sainte Église et notre belle patrie, je me trouve en difficulté, j’espère que je pourrai le hurler et te voir tirer ton épée et m’offrir la protection de ton écu !
Applaudissez donc ce chevalier, peuple de Cahogne ! »


Sa récompense ce sera donc cela, le prestige, les cris, la liesse. C’est une récompense comme une autre. Toujours debout, je l’applaudis bien fort, et pendant un long moment.
Je repose mes fesses sur la cathèdre et l’ambiance se détend.
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MessageSujet: Re: Le retour du croisé Le retour du croisé Icon_minitimeVen 27 Déc - 20:16
Suivant l’ordre de leur suzerain, le public applaudit le jeune champion. Gautier de Puy-en-bec salua le duc avec élégance, malgré ses vêtements crottés et sa face pleine de boue, puis se retira avec les autres participants.

« En voilà un bien bel athlète, se permit de dire Daguerre, il a réussi à dompter mon auroch. Qu’en pensez-vous Annequin ? Il pourrait intégrer la garde ducale s’il désire tant servir son duc.
- Il a peut-être de l’audace, répondit Charles, impassible, mais s’asseoir quelques secondes sur une vache ne fait pas de lui un bon guerrier. »

Charles d’Annequin était un pur produit de la noblesse des Landes, et comme tout landais, il ressentait encore beaucoup de mépris pour les platois, ces "demi-cahons" comme on les appelait. Daguerre prit très mal la réponse du connétable, lui qui était originaire du Pays-Plat. La teinte de sa peau vira au rouge, mais le surintendant contint sa colère, ce n’était pas le moment pour faire un esclandre.

« Vous autres des Landes vous ne savez pas apprécier l’élégance des jeux taurins. L’auroch est plus qu’une vache, c’est un animal sacré et fier, dont la lignée remonte à la genèse de la Terre.
- Je ne vois pas ce qu’il peut y avoir de fier dans cet animal. Contrairement à un cheval, l’auroch ne va pas vous accompagner à la guerre, vous aider à voyager ou bien vous parader dans une ville. C’est un animal qui se complaît dans la boue et la servitude, en cela il est proche des porcs. Mais ça ne m’étonne pas de voir des platois s’amuser dans la boue avec des bêtes. »


Daguerre était de plus en plus rouge. Annequin lui, restait toujours impassible, sans même esquisser un sourire. Non, le connétable ne disait pas cela pour insulter son collègue, Il ne faisait qu’émettre sa pensée sur les jeux taurins.
Serrant ses doigts boudinés sur sa cruche de vin au point de la tordre un peu, Daguerre en appela au duc.

« Qu’en pensez-vous mon duc, n’est-ce pas un spectacle appréciable ? L’auroch n’est-il pas un animal honorable, courageux et fier ? Regardez-le, avec ses cornes dignes d’une couronne, c’est un animal majestueux et royal ! »

Pendant qu’on débattait sur l’auroch et les jeux taurins, un valet va à Espien de Raysac pour lui parler à l’oreille. L’évêque se leva.

« Veillez m’excuser mais, malgré cette discussion fort intéressante, je dois m’absenter. Des affaires urgentes à m’entretenir. Restez donc profiter du spectacle mon prince, aujourd’hui c’est jour de fête et le travail attendra notre retour à Soulans. Après 5 ans à guerroyer contre les infidèles, puis tout un long mois de voyage en mer, vous avez bien mérité un peu de repos. »

De Raysac courba la tête puis s’éclipsa.
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MessageSujet: Re: Le retour du croisé Le retour du croisé Icon_minitimeSam 28 Déc - 16:38
Annequin n’est vraiment pas drôle. C’est un rabat-joie de compétition. Je suis d’accord avec lui, chevaucher un auroch n’est pas une preuve de valeur chevaleresque suffisante pour intégrer ma garde rapprochée – mais enfin, le spectacle est tout de même incroyable, quand bien même il y a certains qui éprouvent un plaisir franchement terrifiant à voir des tripes et des blessés graves. J’aimerais bien me positionner clairement, mais en vérité, Daguerre m’énerve à me demander mon opinion.
Je suis Cahon. Je ne suis ni Platois, ni Landais – croisé, entre les deux, j’aime la Cahogne, toute entière, voilà tout, sans favoriser l’une ou l’autre de ces deux cultures : surtout que ce sont ces deux "peuples" qui me servent de contribuables. En me posant une telle question, Daguerre me prend clairement à parti, et je n’apprécie pas ça. Je me contente d’offrir un bon sourire au connétable et au surintendant, et merci Espien, l’évêque m’offre quelques secondes de réflexions mentales avant de répondre en s’excusant pour partir. Il a sûrement mieux à faire que de parler de vachettes.

« Fort bien, monseigneur. Encore merci pour tout. »

Une fois qu’il s’absente, je trouve une banalité neutre à répondre, pour essayer de mettre tout le monde d’accord :

« Il est vrai que je n’aimerais pas voir un auroch m’accompagner à la guerre – quelle horreur pour nos ennemis si une telle chose arrivait. Imaginez, jeter ces bêtes monstrueuses directement sur les infidèles : Oh, comment ils hurleraient de terreur, comment ils briseraient leurs lignes en face de ces monstres, n’êtes vous pas d’accord ? »


Comme ça je répond pas tellement à la question, et je recentre tout le monde sur un ennemi commun. Ça va, chacun ici déteste les infidèles, ils sont donc pratiques à amener dans une conversation.

Je me lève alors de mon cathèdre pour pouvoir aller au-dessus des sièges de mes sœurs. La famille c’est important, vous l’admettrez.

« Alors, les filles, comment allez-vous ? Le spectacle est à votre goût, ou cela vous ennuie ? »
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MessageSujet: Re: Le retour du croisé Le retour du croisé Icon_minitimeSam 28 Déc - 17:56
Daguerre retrouva un peu de son calme à la réponse du duc. Il devait penser que son suzerain allait dans son sens, mais avec subtilité pour ne pas froisser le connétable.

« Assurément mon seigneur, de telles bêtes feraient des ravages. Vous devez au moins reconnaître ça Annequin, des aurochs contre nos ennemis seraient très efficaces !
- Peut être... encore faut-il pouvoir les dresser. Ces animaux sont encore plus têtus que les nobles de Cahogne. »


Une réponse diplomatique pour clore le débat. Daguerre esquissa un sourire alors que le duc se levait pour passer la tête au dessus du balcon. Sa grande sœur, Jeanne, sursauta, puis sourit à son frère.

« Je ne dirais pas que je m'ennuie, mais ce spectacle mais met mal à l'aise. Voir cette pauvre bête souffrir... »

Alix était à sa droite, mais à sa gauche se trouvait une chaise vide. Blanche manquait.
Blanche n’avait qu’un an de plus que Eudes. Le frère et la soeur étaient si proche dans l’enfance qu’on les appelait les "jumeaux".
Celle-ci le surprit dans son dos, Blanche était montée rejoindre son frère. Profitant du départ du chancelier, qui laissait sa cathèdre vide, Blanche s’y installa, faisant fi une fois de plus de toutes règles protocolaires. Après tout, elle était la sœur du duc et personne en dehors de son frère de pouvait s'opposer à elle. Elle fit signe à son frère de venir s'asseoir à ses côtés.

« Raconte moi tout Odilon, comment c’était la croisade ? Je ne parle pas de tes exploits guerriers, on ne nous a rapporté que ça pendant 5 ans. Je veux savoir comment c’est le pays outremer, qui tu as rencontré. Comment sont leurs palais ? Et leurs temples ? Comment s’habillent leurs femmes ? Et qu’est-ce qu’ils mangent là-bas ? Tu m’as rapporté des cadeaux j’espère ! »

Alors qu’on discutait sur l’estrade ducale, les jeux se poursuivaient dans l’arène. A présent, l’épreuve suivante consistait à abattre l’auroch à dos de cheval, une épreuve réservée aux meilleurs cavaliers. Le jeu prenait la forme d'une sorte de joute, à l’inverse que l’adversaire était le taureau et que les cavaliers coopéraient. Après l’annonce d’une trompette, trois chevaliers en armure entrèrent. Ils arrêtèrent leurs chevaux devant l’estrade du duc, puis à l’annonce de leur nom par le héraut, ils saluaient leur suzerain. Un autre coup de trompette et les chevaliers se mirent en place avant l’entrée de l’auroch.

« La vie n’a pas été facile ici depuis ton départ, il s’est passé des choses terribles. On dirait que Dieu a voulu diviser notre famille : la maladie de papa, l'éviction de maman, le départ d’oncle Jean pour Villiers, le mariage de Clotilde... Notre cousine a beaucoup changé, elle s’est éloignée de nous. C’est son mari qui lui fait tourner la tête, je ne vois que ça... »

Pendant ce temps, l’auroch avait fait son entrée. C’était le même que lors de la première épreuve. Ainsi, après s’être débattu contre ses assaillants voulant monter sur son dos, l’animal était épuisé, ce qui rendait les choses plus faciles pour les chevaliers.

« C’est toi à présent le chef de famille. J’espère que tu pourras tous nous réunir comme avant. Jeanne, Alix, notre frère resté dans le Ponant, toi, moi, maman, oncle Jean et Clotilde… ce serait tellement beau si tout pouvait redevenir comme avant… »

Au centre de l’arène, accompagnés par les cris du public, les chevaliers platois s’étaient lancés à l’assaut de la bête cornue. Au bout de quelques passes, l’auroch était déjà blessé de plusieurs entailles, incapables de riposter face à l’adresse cahonne.
Le public était hystérique à la vue du sang, tout comme Eustache Bracourt qui ne tenait plus en place. Charles d’Annequin était quant à lui toujours aussi sceptique sur l’intérêt de ces jeux.

« Quelle barbarie, ne pourrait-on pas laisser cet animal tranquille ?
- C’est là tout l’art du sport platois monseigneur d’Annequin !
lui répondit Eustache, l’objectif est de faire couler le sang de l’auroch ! C’est comme ça que nous montrons la supériorité de l’Homme sur la bête !
- Nous montrons assez bien notre supériorité sur le taureau en lui mettant une charrue sur le dos…
- Vous qui méprisez autant les nôtres, j’aimerais vous y voir devant l’auroch ! Vous ne tiendriez pas une seule seconde ! Par l’enfer, que les Landes soient brûlées par le Diable ! »
Eustache accompagna ses derniers mots par un crachat au sol. Annequin ne réagit pas, il était bien au-dessus de ces provocations proférées par un jeune écervelé comme l’aîné des Tancarvelles. Leur dispute mettait non seulement en exergue les oppositions entre Landais et Platois, mais surtout entre la famille d’Annequin et celle des Tancarvelles, dû aux alliances matrimoniales de la génération précédente. Depuis 1279, la maison des Tancarvelles était divisée par une querelle de succession opposant les deux branches issues des fils de Richard l’Ancien, d’un côté les Fitzmauger et de l’autre les Fitzonfroi. Si Mauger s’était marié avec Rose de Saint-Saëns, Onfroi lui avait épousé Agnès, sœur du connétable. Ainsi, Charles soutenait par alliance les Fitzonfroi, et s’opposait de facto à Mauger et ses fils, dont Eustache…
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MessageSujet: Re: Le retour du croisé Le retour du croisé Icon_minitimeSam 28 Déc - 18:43
Jeanne est tellement douce, tellement adorable. Je lui lance un petit sourire gentil en coin tandis qu’elle s’émeut de la souffrance de l’animal.

« C’est ainsi, les jeux amusent le peuple… Si les cris et le sang sont trop violents pour toi, n’hésite pas à te retirer un peu à l’écart, je peux venir te voir si tu souhaites – absolument personne ne t’en voudra pour cette absence. »

Je me lève un peu plus au-dessus d’elle et embrasse le sommet de son crâne. C’est alors que j’eus la surprise de découvrir ma Blanche surgir juste à côté de moi. La voir prendre le siège d’un Espien absent me fait rire – je suis loin, très loin d’en être choqué, et si quiconque souhaite faire une réflexion à ce sujet, qu’il m’affronte. C’est ma Blanche, personne ne lui fera quoi que ce soit sans éprouver mon courroux et ma défiance.
Me rasseyant donc sur le cathèdre, je ne suis plus les jeux que d’un œil distrait, alors même qu’ils devraient me mettre en joie.

« Tu aurais adoré l’Outremer, Blanche. Oui, c’était franchement magnifique ; La Ponantique a souffert de la guerre, ses gens ont été traumatisés par les va-et-vient des armées, mais elle n’a rien perdu de son raffinement et de sa grandeur. Les gens se parfument, ils ont des meubles scintillant d’or, ils donnent des jeux dans de gigantesques hippodromes tout de marbre blanc. Le plus petit Temple d’Outremer ressemble à la cathédrale la plus éclatante de Cahogne. Ils portent de magnifiques vêtements tout drapés de soie, échancrés et qui marquent les tailles, de quoi outrer le plus libéral des prêtres Canes. Ils mangent bien, toujours épicé ou sucré, des saveurs très différentes – mais très peu d’alcool et jamais de porc, les infidèles ont un interdit dessus.
J’ai ramené des gens d’Outremer. Pour toi, je vais t’offrir des robes, des toilettes, du miel, et même du lait d’ânesse – ils en font des bains pour la peau là-bas. »


J’espère que ce sera suffisant pour faire scintiller les yeux de ma petite sœur.
Même si ce qu’elle dit sur ma famille me rend triste.

« Oui… Je découvre tout cela, petit à petit. Raymond aussi, tu te souviens de comment lui et moi étions inséparables ? Je l’ai trouvé très froid, et cette vipère d’Espien m’a dit des choses sur son compte dans mon oreille.
Cela me fait mal, et je compte bien résoudre cette situation. La famille passe toujours avant tout. Je ferai tout pour la réparer. »

Alors que je suis prêt à discuter avec ma sœur, Eustache ne peut pas s’empêcher d’à nouveau se faire remarquer. Il peut dire ce qu’il souhaite, mais sa dernière phrase me fait vriller. J’en fronce les sourcils et j’en retrousse mes lèvres. Invoquer le Diable ? Je suis un homme très superstitieux. Je vous ai dis que je craignais que ces jeux ne soient assombris. Que l’on ose prononcer cette malédiction, dans ma tribune, à mes oreilles ? Par Dieu, cela ne tiendra pas. Je rugis soudainement, cassant ma petite voix que j’utilisais face à ma sœur pour reprendre mon rugissement de lionceau :

« J’ai vu des croyants de Dieu se fouetter jusqu’au sang pour des propos moins terribles que les votre, sire Eustache ; Comment osez-vous promettre aux flammes les Landes, à voix haute ? Est-ce une menace ou un appel aux fantômes et démons d’outre-monde ?!
Sire Mauger, j’ose espérer que votre fils est ivre et ne dit cela que sous le compte de l’ébriété de l’alcool, c’est la seule chose qui me convaincrait d’excuser ses offenses – calmez-le ou faites-le disparaître de ma vue le temps qu’il décuve, je vous prie ! »
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MessageSujet: Re: Le retour du croisé Le retour du croisé Icon_minitimeSam 28 Déc - 21:31
Blanche sourit brièvement au tableau merveilleux que Eudes dressait de la Ponantique, émerveillée par la fable et par la promesse de cadeaux. Mais son sourire s'effaça lorsqu'on parla de la famille ducale. Ces dernières années, la maison de Cahogne était passée par plusieurs épreuves, Blanche voulait croire que le retour d'Eudes était le début d'un renouveau.

« Les gens changent en 5 ans. En ton absence Raymond t'a un peu remplacé. Il est devenu très proche de papa, et il l'a soutenu dans sa maladie. Je ne sais pas ce qu'il a dans la tête, mais la famille est importante pour lui et je crois qu'il t'en veux d'être parti et de nous avoir laissé, de ne pas avoir été là pour notre père quand il était mourant. »

La discussion fût interrompue par les sottises d'Eustache. Interpellé par le duc, Mauger dû intervenir.

« Veillez excuser mon fils monseigneur. Emporté par le jeu il ne sait plus ce qu'il dit. Nous fêtons le retour de notre duc mon fils, aujourd'hui il n'y a ni platois ni landais, juste des cahons unis et indivisibles par la personne de notre souverain. »

Cela s'entendait que Mauger parlait sans grande conviction. Lui aussi platois dans le sang, il avait en horreur les landais. Mais surtout, il était vexé par cette petite victoire du connétable.

« Mais père ! Tu ne vas pas laisser ces
- Tais toi Eustache ! Rassis toi et ne me fait plus honte. Demain tu iras prier à l'église. Tu prieras pour les Landes et les landais. »


Réprimandé par son père, Eustache ne pu voir la victoire des chevaliers contre l'auroch. Le taureau, fatigué par ses blessures, s'effondra dans la boue, le sang ruisselant de ses plaies. Le public cria de joie. Eustache se calma et se réinstalla sur sa chaise.
L'ambiance s'était soudainement tendue sur l'estrade, personne ne s'attendait à ce que le duc interviennent avec autant d'autorité. Même Blanche en était presque choquée. La croisade avait changé son frère, il était devenu un vrai souverain. Elle reconnaissait un peu de son père en lui.
La dispute fût interrompue par le héraut qui annonça la victoire des chevaliers sur la bête. L'un d'eux s'approcha du cadavre pour lui découper une corne à l'épée. Puis il l'apporta devant l'estrade du duc. La corne pesait lourdement sur les bras fatigués du chevalier. Il s'agenouilla et leva son trophée vers son suzerain.

« Monseigneur, pour vous j'ai vaincu la bête. Acceptez cette corne que je vous offre !
- Il aurait pu te rapporter ses couilles,
murmura Blanche, Diane de Saint-Saëns m'a dit un jour que les couilles d'auroch faisaient d'excellent filtre d'amour. Tu n'es toujours pas marié d'ailleurs ? Moi qui pensais te voir revenir aux bras d'une riche princesse d'outremer... »
Eudes II de Cahogne
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MessageSujet: Re: Le retour du croisé Le retour du croisé Icon_minitimeSam 28 Déc - 21:50
Mauger rappelle son fils à l’ordre. Il en est humilié, traité comme un enfant devant tout le monde. Est-ce que j’en suis heureux ?
Absolument pas.
Les Tancarvelles sont une grande famille dans mon duché. Je n’ai aucune envie de créer des conflits pour si peu. Surtout avec toute l’influence qu’ils ont. Ce n’est pas parce que Eustache est un imbécile que je peux me permettre d’ainsi le réprimander. Du coup, je me contente de hocher de la tête à la promesse de Mauger, puis d’un coup, soudainement, alors même que je sens l’ambiance tendue, me fendre d’un rire.
Oui, j’ai un rire, honnête et sympathique, un rire amical de beuverie, sûrement grâce au bon vin de Daguerre :

« Platois et Landais, ils trouvent toujours une occasion de se faire du mal entre eux et de dire des paroles qui les dépassent !
Sire connétable, il faudrait franchement que plus de chevaliers Landais participent aux jeux taurins : Quel meilleur moyen pour rabattre le caquet des Platois que de coopérer avec eux contre ces monstres que sont les aurochs, non ? Vous pensez peut-être que ce ne sont pas des animaux nobles, je vous répondrai : Les infidèles aussi sont des porcs, alors même qu’ils n’en mangent pas, et pourtant, quoi de mieux pour se sentir soudé avec ses frères triaphysistes que de sortir son épée pour les charger ? »


Je dis des choses horribles que je ne pense pas. J’aime Arda. J’aime mon fils. Je suis tombé amoureux de la Ponantique : Le magnifique portrait que j’ai fais de l’Outremer à Blanche, j’y crois.
Mais les mécréants sont trop simples à utiliser. Lointains, terrifiants. J’aime maintenir l’idée qu’ils sont une horde de barbares fous furieux, des millions à vouloir nous envahir – ça empêche les gens, ici, de s’écharper pour des conneries qui n’ont pas d’intérêt, tout ça à cause de très légères différences dans leurs façons de vivre.

Je tape dans les accoudoirs de mon cathèdre et bondit hors du siège. J’applaudis très fort le chevalier, et rugit comme un Lionceau :

« J’amènerai cette corne dans mon palais de Soulans, et je ne manquerai pas de parler de la bravoure avec laquelle toi et tes frères ont combattu ce monstre, un magnifique exemple pour toute la Cahogne !
Vous êtes des héros de Cahogne, fils du pays ! »


Je descends les marches. Je dépasse un de mes écuyers qui allait se saisir de la corne, pour m’en emparer moi-même, et ensuite, la mettre entre les mains de l’écuyer ; Qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire avec une corne ensanglantée, sérieusement ? J’attrape ce chevalier et l’embrasse, puis lui parle à voix basse :

« Je souhaite boire avec toi. Avec toi et avec tes frères chevaliers, car c’est ensemble que vous avez vaincu cette bête. Un conroi de frères. »

Je retourne prendre mon siège et m’installe à nouveau dans le cathèdre. La réflexion de Blanche me fait rire. Oui, des couilles, voilà qui serait franchement plus utile que des cornes.

« J’aurais aimé épouser l’une des filles du Prince Basile, mais si elles viennent bien d’Outremer, elles ne sont pas assez riches...
Enfin, on peut avoir une femme à son bras sans être marié. »


Ce que je dis est affreusement peu triaphysiste ; Alors je prends bien gare de le dire à voix basse, encore plus chuchoté qu’à l’ordinaire. C’est le genre de confidences qu’on ne fait qu’à une sœur comme Blanche (Jeanne m’aurait probablement en horreur si elle m’entendait dire ça), ou à des chevaliers beaufs à souhait qui partagent mon amour de la chair et de la courtoisie amoureuse.

« Je vais te faire une confidence, te confier un secret qui malheureusement n’en sera très bientôt plus un : J’ai ramené une jeune femme d’Outremer. Une femme infidèle, dont je suis tombé amoureux. Je ne compte pas l’épouser, mais je ne compte pas non plus faire comme si elle n’existait pas, tu comprends mon désarroi ?
Le mariage est rarement une affaire d’amour, on n’a pas besoin de philtres pour ça. Il faudra probablement que j’épouse une femme qui améliore l’horrible situation dans laquelle les conseillers de papa ont laissé notre duché… J’ignore qui répond à ces critères. »
Armarius
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MessageSujet: Re: Le retour du croisé Le retour du croisé Icon_minitimeSam 28 Déc - 23:13
Blanche était bien la seule de la famille de Eudes à qui il pouvait faire ce genre de révélation. Il savait que la jeune femme n'était pas une dévot toute dévouée à l'Eglise comme pouvait être Jeanne et leur mère.

« Bien sûr, l'amour et le mariage sont deux choses différentes. Le mariage ce n'est que de la politique. J'ai hâte de rencontrer ma belle sœur. Comment est-elle ? Elle s'est au moins convertit ? Maman et Jeanne risquent de ne pas l'accepter sinon. Le reste de la cour non plus.
Mais se ne sont que des hypocrites. Tout le monde a des maîtresses et des amants, et personne n'attend le mariage pour s'amuser. Ou alors il faut être une prude ennuyeuse comme Jeanne... »


Dans l'arène, on s'affairait à préparer la dernière épreuve des jeux. Richard de Malville allait faire son entrée et tout le public l'attendait.

« Tu te souviens quand on était petits et qu'on s'imaginait se marier ensemble ? Je repense à ces moments des fois... »

Voyant Espien de Raysac revenir, Blanche s'empressa de se lever pour retourner à sa place.

« En tout cas, compte sur moi pour protéger ton secret aussi longtemps que possible. Tu n'as qu'a mettre ta bien aimée à mon service, elle pourrait passer pour l'une de mes servantes. Je prendrais soin d'elle je te le promet. »


Puis Blanche quitta l'estrade et de Raysac reprit sa place.

« Bien, au moins je n'ai pas raté l'entrée de Richard de Malville, ça aurait été une déception. Veillez m'excuser mon prince, j'ai reçu un message inquiétant, mais nous en reparlerons plus tard. »

Les trompettes sonnèrent et le Bucentaure fit son entrée dans l'arène. Il était ici chez lui, dans son jardin. Le public l'accueillit avec des hourras, des cris, scandant son nom plus fort encore que celui du duc. Charles Daguerre applaudit, faisant s'entrechoquer ses grosses bagues d'or et d'argent accrochées à ses doigts potelés.

« Impressionnant ! Cet homme est adulé comme un saint ! »

Sur son destrier, tout revêtu de son armure, la visière de son casque relevé, Richard entra au trot. Il fit un tour de l'arène avec son cheval, saluant son public de sa main gantée, puis s'arrêta devant l'estrade ducale. Il fit faire à son cheval une révérence, montrant toute sa maîtrise de l'animal.

« Monseigneur Eudes, pour fêter votre retour sur vos terres, je vais jouer contre le cocardier et lui arracher ses attributs. Sa cocarde, ses glands et ses ficelles, je vous les offrirait. Si Dieu le veut, je vaincrais la bête en duel, moi et mon cheval, devant tout ces honorables témoins ! »

Richard montra la foule autour de lui, qui cria son nom.

« Faite entrer mon adversaire ! » cria t-il soudainement. Des hommes tirèrent sur des palissades et un auroch majestueux, encore plus que le premier, entra. Il était orné des attributs nécessaire au jeu.
Le public cria le nom de l'animal : « Béothas ! Béothas ! Béothas ! ».
Car contrairement aux autres aurochs, le cocardier n'était pas mit à mort. L'auroch Béothas était aussi connu que Richard de Malville. C'était un animal robuste et agile, très rapide et vicieux. Un adversaire de taille pour le meilleur raseteur du pays.
Béothas, habitué à ce genre d'épreuve, resta calme et entra à petits pas. Le chevalier conduisit son cheval devant la bête.
Le silence se fit dans l'arène. Les deux adversaires se fixèrent du regard. L'animal contre l'homme.
Puis une trompette retentit, Richard frappa le flanc de son cheval avec son éperon et l'animal se lança au galop. Le taureau, excité par la venue précipitée de son adversaire en fit de même.
Mais juste avant le choc, Richard tira les brides de son cheval et le détourna avec une maîtrise extrême. L'auroch lui, continua sa course mais, comprenant s'être fait leurrer, tenta de se retourner en vain. Emporté par son propre poids, le taureau se vautra dans la boue.
Le public se mit à rire de l'animal. Richard s'arrêta et salua la foule qui l'acclamait, narguant le taureau. L'adresse fine du cavalier contrastait avec la lourdeur de l'auroch.
Celui-ci se releva et fonça de nouveau sur le chevalier qui en fit de même. Cette fois, avant le choc, le Bucentaure frôla la bête, se pencha sur sa selle et lui arracha l'un des glands qui pendaient à son oreille. En bout de piste, le raseteur montra son trophée à la foule. Le public devenait fou face aux prouesses du chevalier.

« Voici un platois qui pourrait mériter mon estime,
se permit de commenter Charles d'Annequin.
- Nous voilà d'accord sur un point mon ami, lui répondit Daguerre, ce Malville est une force de la nature.
- Il est encore plus impressionnant que la dernière fois. Cette adresse ! Cette vigueur ! Qu'en pensez vous mon prince ? »
Demanda Espien de Raysac à son suzerain.
Eudes II de Cahogne
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MessageSujet: Re: Le retour du croisé Le retour du croisé Icon_minitimeDim 29 Déc - 0:31
La question de Blanche sur la religion de ma maîtresse me fait soupirer des narines ; J’ai immédiatement un tic, une gestuelle de la main incontrôlée, comme il m’arrive d’en avoir lorsque je suis détendu et en présence de gens en qui j’ai confiance. Je chasse l’air de ma main, avec dédain, avant d’avoir cette réflexion :

« Elle a reçut l’onction. Mais uniquement pour survivre et ne pas être massacrée par des truands – elle n’a aucun amour pour le culte Triaphysistes, elle s’adonne toujours à certains usages païens…
Certains seulement. Tu l’aimerais beaucoup. Elle te ressemble énormément, maintenant que j’y pense. Et dans ma bouche, c’est uniquement un compliment. »


Sourire taquin, bien affectueux. Son rappel de notre enfance me fait avoir un demi-rire nostalgique. C’était tellement une belle époque, en effet ; Nous étions tout le temps ensemble. La seule personne que j’aimais plus que Blanche, c’était Raymond.

Malheureusement ce sale épouvantail d’Espien revient. J’aurais été heureux que ma sœur reste, j’aurais été prêt à le demander, quitte à faire un scandale, c’est vous dire à quel point j’aime ma sœur. Mais elle est plus maline que moi, et s’en va sans faire d’histoires.

« Tu ferais ça pour moi, ma Blanche ?
Tu me rendrais un grand service. Je te le revaudrai, cela, je peux te le jurer. »


Arda peut très bien se faire passer pour une servante, quelques temps. Ce n’est pas une grande princesse, elle n’attend pas à être affichée à mon bras devant tout le monde – je n’aurais pas osé la ramener en Cahogne si tel avait été le cas. Fille de harem, je pense qu’il serait même mieux pour elle de vivre en compagnie de femmes plutôt qu’au milieu d’une cour d’hommes. C’est là où est son élément, là où elle se sent le mieux.
Mais il y a le soucis de mon fils… Arda, contrairement à beaucoup de femmes de l’Empire, n’a pas eu recours à l’allaitement mercenaire, au service de grosses nourrices en couches : Elle nourrit notre enfant de son propre sein. On ne peut donc pas le séparer d’elle. Ça… ça c’est ennuyant.
Peu importe. Chaque chose en son temps.

Richard de Malleville entre en scène. Il est impressionnant. À la hauteur de sa réputation. Je palpite sur mon siège. Je suis obligé de me joindre aux applaudissements. Même le connétable est conquis – après la quasi-esclandre de tout à l’heure, c’est impressionnant.

« Ce que j’en pense ?
Je suis jaloux, monseigneur. Il me vole mes applaudissements ! »


Je dis cela sur le ton de la plaisanterie. Mais en est-ce tout à fait une ? C’est vrai. On m’a applaudit. Mais pas autant que ça. Voilà qui est fort dommage. Tout ça pour… Pour récupérer des glands, sérieusement ? Moi j’ai chassé des infidèles, j’ai pas fais mumuse avec des taureaux.
Me voilà soudainement de mauvaise foi, heureusement je la garde bien pour moi.

« Mais ne crions pas victoire trop vite. Je serre les dents.
Un drame est si vite arrivé…

Dieu, protégez ce chevalier. »


Dieu, s’il vous plaît.
Faites tomber ce chevalier.

Pas violemment, je ne lui souhaite pas du mal.
Juste une petite chute, pour le rendre un peu plus humble. Sa vantardise ne vous offense-t-elle donc pas, Seigneur ?
Armarius
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MessageSujet: Re: Le retour du croisé Le retour du croisé Icon_minitimeDim 29 Déc - 1:41
Richard continuait ses prouesses. Il semblait danser avec le taureau. Rares étaient les cavaliers d'une telle élégance, même parmi les plus valeureux landais. Mais tout pouvait allait très vite, une petite hésitation, une erreur, et le taureau pouvait faire basculer le chevalier. C'est ce qui faisait frisonner le public et rendait le spectacle si captivant.
Le duc n'était pas le seul à vouloir faire tomber le raseteur, tous les chevaliers landais présents dans l'arène le souhaitaient tout autant, jaloux de la maîtrise de Richard. Mais sa virtuosité les brides à la main était telle que même toutes les prières des moines de Cahognes n'auraient pu le faire chavirer.
Plus le temps passé et plus l'auroch se fatiguait. La raseteur tournait autour de la bête, la trompait par des feintes habiles, lui faisait faire des gestes inutiles qui l'épuisait. Voilà qu'il lui arracha son second gland, puis bientôt la cocarde sur son front. La bête ne savait plus où donner de la tête, son corps ne suivait plus.
Sûr de lui, Richard narguait l'auroch en faisant le fier devant son public. Il se délectait de ses moments où il était au centre du monde. Fils cadet de la maison de Malville, petits propriétaires terriens du Pays-Plat, lorsqu'il affrontait l'auroch sous les cris de la foule il avait l'impression d'être un roi, l'égal du duc, voir de l'Empereur.
Richard arrêta son cheval et mit pied à terre. Il allait finir seul à seul face à la bête. Il s'approcha doucement. Béothas reprit ses esprits et comme animé par une fureur vengeresse, fonça cornes toutes devant pour embrocher le chevalier. De justesse Richard évita la charge en mettant un pas de côté. Était-ce de la maîtrise ou bien le raseteur venait de voir la mort lui passer juste sous le nez ? La bête repassa une nouvelle fois, et encore une fois le raseteur fit le même geste. L'auroch effleura à peine l'armure du chevalier. Non, rien n'était improvisé, Richard maîtrisait parfaitement sa partition.
Au moment d'une nouvelle charge, la raseteur attrapa la ficelle du l'auroch nouée autour de l'une de ses cornes. Une geste d'une rapidité et d'une précision extrême.
La foule cria, le Bucentaure avait de nouveau dominé l'auroch.
Tout le monde dans l'arène cria, applaudit et se leva. La foule criait le nom du meilleur raseteur du pays. « Richard ! Richard ! Richard ! »
Sur l'estrade ducale, nobles platois comme landais étaient debout pour saluer le vainqueur du monstre.
De Raysac était tout souriant, heureux d'offrir un tel spectacle à son prince.

« Impressionnant n'est ce pas ? Vous n'aviez pas de tel spectacle en outremer ! Quel plaisir ce doit être pour vous que de rentrer enfin au pays ! »


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