Le Deal du moment : -24%
PC Portable Gaming 15.6″ Medion Erazer Deputy ...
Voir le deal
759.99 €

Partagez
Aller à la page : 1, 2  Suivant
Armarius
Armarius
Messages : 1018
Date d'inscription : 07/07/2017
MessageSujet: La Baronne, le duc et le comte. La Baronne, le duc et le comte.  Icon_minitimeMar 14 Jan - 14:19
La Baronne, le duc et le comte

Le chemin de Vendaume jusqu'à Aigues passait par Soulans. Eudes et son escorte, accompagné par son oncle Jean et les siens, avaient passé une nuit dans la capitale. L'occasion pour un dîné en famille, Jean étant ravi de revoir ses nièces.

Le lendemain, on reprit la route, descendant dans les Landes vers Vézier, puis prenant la direction de l'Est pour rejoindre la trouée d'Aigues. La région où était construite la petite cité d'Aigues-en-Puy était un seuil creusé par un affluant de la Bréa au milieu des montagnes du Massif des Aiguilles et de la Lande Bossue, un pays de colline qui annonçait les montagnes des Maurannes.
C'était un espace stratégique étroit d'une dizaine de kilomètre qui permettait de rejoindre les Landes Orientales dominée par les comtes de Trémanche aux Landes Occidentales, où régnaient les ducs de Cahogne. Sur le chemin, Eudes croisa plusieurs grosses forteresses, toutes possessions de la Baronne, et qui empêchaient tout passage d'une armée.

Aigues-en-Puy, comparée à Soulans ou Vendaume, ressemblait plus à un gros bourg qu'à une véritable ville.
Y vivaient à peine 5 000 âmes entassées dans une petite muraille délabrée, ses vilains comptant plus sur leurs défenses géographiques naturelles et le réseau de forteresse pour les défendre que sur leurs remparts.
La plupart des maisons étaient en bois, les rues étroites et boueuses, pleines d'ordures et de cochons, les éboueurs naturels. La cité avait la chance d'être un siège épiscopal. Seule la présence d'une belle cathédrale rehaussée un peu son prestige. L'église de l'évêque faisait un peu tâche au milieu des bâtisses biscornues. Aucun autre bâtiment ne ressortait, aucune tour, aucun hôtel, aucun édifice public comme on pouvait en trouver à Soulans. La ville semblait pauvre et misérable.
La Baronne vivait dans la citadelle, une petite forteresse autour de laquelle s'était fondée la cité. Elle n'avait rien de spectaculaire et ressemblait à tous les autres châteaux que le duc avait croisé en chemin. Sur les murs flottaient au vent les bannières de la Baronne avec l'aigle d'or de la maison d'Aigues.

A son arrivée, le 19 Ternembre (Mai) 1299, Eudes reçu pour tout comité d'accueil que quelques gardes crottés. L'un d'eux l'aborda lorsque le duc se présenta à la porte de la cité.

« Monseigneur Eudes de Cahogne ? La Baronne va vous recevoir, veillez me suivre. »

Et Eudes et les siens suivirent, entrèrent dans la ville sans aucun cérémonial, et remontèrent une rue, la seule plus ou moins pavées de la misérable cité.
Jean approcha son cheval de celui de son neveu et lui parla à voix basse.

« Plutôt froid comme accueil... non ? Tu t'étais bien annoncé en amont à la Baronne ?
Ce n'est pas ainsi qu'on reçoit le duc de Cahogne... »


Quelques badauds s'arrêtèrent sur les côtés pour observer le cortège cheminer vers la citadelle. Ils avaient tous l'air étonné, aucun ne semblait au courant de l'arrivée du plus puissant des princes des Franges Orientales. Certains râlaient car le défilé d'hommes en armes les empêchait de traverser la rue pour poursuivre leur quotidien.
Soudainement Jean interpella Eudes d'un air grave, lui montrant du doigt une maison, l'une des rares en pierre et qui semblait être un peu plus riche que les autres au point de lui donner presque l'apparence d'un hôtel particulier. Devant les portes des hommes tout en armures et en armes.

« Regarde Eudes, tu reconnais ces armoiries ? C'est inquiétant... »

Il y était accroché une bannière : une croix des Landes sur fond bleu entourée d'une bordure d'argent...
Eudes II de Cahogne
Eudes II de Cahogne
Fiche : Fiche
Messages : 369
Date d'inscription : 18/12/2019
MessageSujet: Re: La Baronne, le duc et le comte. La Baronne, le duc et le comte.  Icon_minitimeMar 14 Jan - 14:41
J’ai passé la nuit avec Arda. Comme ces soirs en Outremer. Jean était bien trop occupé avec ses nièces et Hubert, il n’a pas trop noté mon absence – apparemment, ils ont beaucoup ris ensemble. Cela m’a fait du bien, de pouvoir me rapprocher à nouveau d’elle. On a prit un bain et nous nous sommes embrassés, tandis que je lui confiais petit à petit tout ce que j’avais fais ces derniers jours. L’horreur avec laquelle j’ai découvert Claude de Toussaint, mon ami. Mon voyage en Vendaume. Le conseil. Arda ne m’a pas donné de conseils, elle a juste écouté, tout écouté.
Elle se fait passer pour la servante de Blanche. Sauf qu’elle a Albert avec elle. Blanche n’est pas sotte. Je crois qu’elle a deviné.

Arda sait que je vais bientôt me marier, mais elle n’a pas eu l’air d’avoir la moindre réaction.
Je sais que tout se fait dans sa tête, dans le secret de son âme.



J’ai demandé à mes solides Housecarles de bien me suivre. Domice d’Aigues est apparemment le genre d’homme que l’on menace et terrifie, selon Jean, je repose donc ma diplomatie non sur les richesses et la grandeur de Cahogne, mais bel et bien sur eux. Ils chevauchent de partout, m’encerclent, avec leurs grosses armures et leurs haches à l’épaule – j’ai demandé au capitaine de la garde qu’ils ne mettent pas leurs habits de cérémonie, mais les tenues plus rustiques qu’ils portent lorsqu’ils vont à la guerre, avec brigandine matelassée et camail autour du cou.
Aigues est une région stratégique. Il faut que je m’en empare comme première ligne de défense contre Trémanche, et également pour encercler l’archevêque. Après les échecs dans le comté de Valais, ma difficulté à faire entendre mes droits au Porez, et l’incertitude au niveau de la Transgarde, il serait en effet temps de m’assurer un gain territorial.

Dieu doit vraiment m’en vouloir. Je suis mal reçu. Et je reconnais l’héraldique que me désigne Jean qui est aussi mal à l’aise que moi.

« Thomas d’Estaing ! Est-ce que c’est lui ou un homme de sa famille qui est ici ?! »

Question purement rhétorique : Jean n’a aucune information de plus par rapport à moi. Je serre les dents. Mais inutile d’être nerveux. Ou irrespectueux.
Est-ce que la vieille peau me l’a fait à l’envers ? Je l’ignore. Je feins un grand sourire, plus détendu que je ne le suis réellement.

« J’espère que rien n’a été signé. Ce serait une insulte atroce au Duché de Cahogne.
Ou bien peut-être la baronne souhaite-t-elle faire des enchères… Voir qui de moi ou de Trémanche offrira les meilleures garanties…
Sourions, Jean. Pour l’heure, c’est tout ce que nous pouvons faire. »
Armarius
Armarius
Messages : 1018
Date d'inscription : 07/07/2017
MessageSujet: Re: La Baronne, le duc et le comte. La Baronne, le duc et le comte.  Icon_minitimeMar 14 Jan - 15:28
« Oui, une délégation du comte ou le comte lui même est là. Une rencontre impromptue, Dieu nous joue des tours Eudes. Ca va être l'occasion de rencontrer ton "vassal". Reste prudent, la Baronne a toujours eu des relations amicales avec le duché, mais c'est une vieille femme et les femme, surtout de cet age, peuvent être imprévisibles. »

Les soldats de la Baronne accompagnèrent Eudes jusqu'à la citadelle. Après un pont levis enjambant
une douve alimentée par les eaux du fleuve d'Aigues, ils entrèrent dans une basse court où ils purent descendre de cheval. Puis un soldat conduisit le duc dans le château, monta quelques marches et entra dans la forteresse.
On guida Eudes et Jean jusque dans une grande salle de banquet. Deux longues tables parallèles accueillaient des hommes en armes assis devant de grands plats richement dotés. Dans le fond sur une estrade, une table perpendiculaire aux deux autres, réservée aux grands nobles. La Baronne était là au centre, en train de manger elle aussi. Tous s'arrêtèrent lorsque Eudes entra, puis un héraut s'avança au centre de la pièce.

« Sa seigneurie le duc de Cahogne, Eudes II, accompagné de son oncle, monseigneur Jean, évêque de Villiers. »

La Baronne était bien entourée. Une dizaine de noble accompagnaient son repas. Directement à sa gauche était son frère, l'évêque Domice. A sa droite, un grand homme richement habillé et à l'apparence très noble.

La Baronne, le duc et le comte.  83fs
« Je connais cet homme, murmura Jean à son neveu, c'est Claude de Salignac, le bouteiller de Thomas d'Estaing. Ce sont ses hommes que l'on a dû croiser en arrivant. »

A première vu, le comte de Trémanche ne semblait pas être là en personne. Salignac devait le représenter, venu en ambassade pour négocier on ne sait quoi avec la Baronne. Peut être l'héritage de ses domaines ? Le comtat avait toujours sur jouer de la rivalité entre la Cahogne et la Trémanche, et la Baronne semblait continuer cette politique qui avait si bien réussie à ces prédécesseurs.
Celle-ci se leva, un peu difficilement. Elle était petite, les cheveux coincés sous un châle blanc qui lui recouvrait la tête.

« Bienvenu Eudes. J'attendais ta venue. Monseigneur Jean, c'est toujours un plaisir de vous voir.
Me feriez vous l'honneur de partager ma table ? »


Geneviève désigna une chaise à sa gauche, entre elle et son frère. Une autre chaise, un peu plus loin, devait être prévue pour Jean.
Eudes II de Cahogne
Eudes II de Cahogne
Fiche : Fiche
Messages : 369
Date d'inscription : 18/12/2019
MessageSujet: Re: La Baronne, le duc et le comte. La Baronne, le duc et le comte.  Icon_minitimeMar 14 Jan - 17:53
Mon intuition était la bonne. L’ambiance ne fait vraiment pas repas de famille : J’entre dans le château escorté par une bande de housecarles portant des haches et des massues, et à l’intérieur, c’est bondé de militaires de la famille d’Estaing. La vieille se tient près d’un homme qui, selon les dires de Jean, est probablement l’émissaire de cet enfoiré de comte de Trémanche.
Tenter de m’arracher le Porez ne lui suffit donc pas ? Je sens la migraine commencer à s’emparer de moi, pousser derrière mon œil droit. Mais je n’en montre rien. En m’approchant de la jolie table, je fais une toute petite révérence, une main dans le dos, à ma grande-tante.

« Ma Dame, c’est bien pour ça que je suis venu ! Cela fait beaucoup trop longtemps. Je viens tout juste de rentrer de Croisade, vous pouvez voir que j’ai encore mon bronzage sur moi ! »

Grand sourire, je fais un signe à Domice.

« Monseigneur, un plaisir. »

Puis à l’agent de sire d’Estaing.

« Sire ? Je ne suis pas sûr d’avoir eu l’honneur de faire votre connaissance ? »
Armarius
Armarius
Messages : 1018
Date d'inscription : 07/07/2017
MessageSujet: Re: La Baronne, le duc et le comte. La Baronne, le duc et le comte.  Icon_minitimeMar 14 Jan - 18:17
Domice se contenta d'un signe de tête, mais le bouteiller de Thomas d'Estaing se leva pour saluer Eudes.

« En effet monseigneur, nous ne nous sommes jamais rencontré je crois. Mais je pense que je vous aurais reconnu, vous ressemblez tellement à votre père. Je m'appelle Claude, seigneur de Salignac et bouteiller du comte de Trémanche.
- Assois toi donc à mes côtés Eudes,
proposa la Baronne, je t'ai réservé une chaise. Ça ne t'ennuie pas que je te tutoies ? J'avais l'habitude de le faire avec ton père, et comme dit le sire de Salignac, tu lui ressembles tellement... »

La Baronne se rassit, ainsi que Salignac.

« C'est amusant que vous arriviez maintenant monseigneur, nous étions justement en train de discuter de la croisade. Je disais à madame la Baronne que mon seigneur, le comte de Trémanche, était désireux de prendre la croix pour servir notre Eglise.
Comment ça se passe en ce moment en Ponantique ? Nos troupes sont-elles victorieuses ? Nous sommes si loin que nous avons peu de nouvelles. »


Eudes s'assit entre Domice et Geneviève. Malgré les amicalités échangées on sentait l'ambiance un peu tendue. Ce n'était pas un repas partagé entre amis loin de là.

« Bon Dieu Eudes, vous êtes venu nous rendre visite ou nous envahir ? intervint Domice d'un ton amusé, qu'est ce tout ces sauvages en armure ? Vous partez en guerre ? »

La voix de Domice était franche et assurée, loin de l'être faible que Jean avait décrit à son neveu. Certainement que se sentant tout fort de son entourage, avec sa sœur et les ennemis naturels de la Cahogne à côté, l'évêque d'Aigues se permettait-il de toiser le duc.
Eudes II de Cahogne
Eudes II de Cahogne
Fiche : Fiche
Messages : 369
Date d'inscription : 18/12/2019
MessageSujet: Re: La Baronne, le duc et le comte. La Baronne, le duc et le comte.  Icon_minitimeMar 14 Jan - 18:39
« Bien sûr que non ça ne me dérange, pas, ma dame- », que je répond avec une toute petite voix, en feignant de me corriger. « Je veux dire… Geneviève ? Je ne suis pas sûr de comment vous- comment tu préfères que je t’appelle… »

Je fais semblant d’être timide. Je n’ai jamais été timide. Même à huit ans je faisais le rigolard devant tout le monde. À quatorze je courtisais déjà des jeunes filles, toujours les amies et les suivantes de Blanche. Mais je sais très bien faire exprès.
Je vais donc m’installer à côté de « tatie », comme elle me le demande, tandis que Jean va sur sa place un peu plus lointaine. Je fais donc la connaissance de sire Salignac. Alors comme ça, le comte de Trémanche souhaite aller en Croisade ? Ça me fait doucement marrer.
Et c’est le moment parfait pour me faire mousser.

« Nos victoires en Ponantique ont été prodigieuses ! Je suis même parvenu à capturer un des frères cadets du sultan déposé par cette étrange secte des Munshaqqins. Il est enfermé ici, dans le duché de Cahogne. En cinq ans, aidé de mon frère, des poulains d’Outremer et des courageux moines-soldats des Portes-Croix, nous avons libéré une dizaine de villes et de châteaux-forts, maté les émirs et reformé une ceinture de fer pour défendre les sanctuaires sacrés du Tricéphale.
Il est certain qu’ils contre-attaqueront, mais pour l’heure, ces enfoirés d’infidèles ont décidé d’à nouveau se répandre en intrigues et en guerre civile entre eux. Peut-être qu’à un moment ils trouveront au sein d’eux un chef assez fort pour tous les fédérer, et alors il faudra à nouveau que l’Empire trouve des volontaires pour défendre le Ponant. »


Petit sourire en coin.

« Dommage que votre suzerain n’ait pas été avec nous, d’ailleurs. Il a raté une sacrée fête. Le déchaînement de la furie Cahonne. »

Domice ne se sent plus pisser. Je sais qu’il y a derrière cette carapace de vaurien un petit être terrifié et médiocre. Il se croit fort parce que les troupes de Salignac sont ici. Moi, je me contente de rire avec lui, de répondre à sourire amusé par un bien mauvais, qui affiche mes dents.

« Vous ne connaissez pas la Garde Housecarle, monseigneur ? Mon père a bâti énormément de choses durant son règne – Le Palais Ducal, la Nécropole, Soulans-la-Neuve… Mais de toutes les choses qu’il laisse derrière lui, ma préférée est celle-ci, sans aucune hésitation.
Je ne vais nul part sans mes Housecarles. Il n’y a aucun guerrier qui puisse les égaler dans toutes les Franges. Ils n’ont pas l’élan des chevaliers, mais ils compensent par une sauvagerie docte et exercée. Ils sont aussi disciplinés qu’ils sont capables de meurtre en masse, ils ont le sang de Berserkers Norges en eux. »


Je m’approche un petit peu de Domice, comme si je voulais lui chuchoter quelque chose.

« Une fois, j’avais faim, alors j’ai demandé à ce qu’on m’amène un porc à faire rôtir… Un de mes Housecarles a sorti sa hache, et, sans prévenir, sans un mot, il a tranché net une tête d’un de ces animaux massifs, en un seul coup.
Impressionnant, pas vrai ? »


J’espère que ça arrivera à le mettre mal à l’aise.
Armarius
Armarius
Messages : 1018
Date d'inscription : 07/07/2017
MessageSujet: Re: La Baronne, le duc et le comte. La Baronne, le duc et le comte.  Icon_minitimeMar 14 Jan - 19:25
Domice écarquilla les yeux et son sourire orgueilleux s'effaça.

« Hum... c'est sympathique... Vos hommes m'ont l'air bien chaleureux... » répondit-il ironiquement en regardant dans le vide.

Il y avait devant Eudes des plats remplis de viandes, de légumes, de fruits, ainsi que des pichets de vin et de bière. C'était un vrai banquet, Jean ne regrettait pas d’être venu.
Dans un coin, des musiciens s'affairaient à égayer de leur musique le repas. Devant eux un jongleur se donnait en spectacle.

« Que ta garde s'installe avec mes hommes et ceux de sire de Salignac, qu'on leur trouve une place et qu'on leur serve à manger.
Ton père avait l'habitude de me vouvoyer et de m'appeler ma "tante", en raison de son mariage avec ma nièce. Mais tu fais comme tu veux Eudes. D'ailleurs comment va ta mère ? Elle est toujours suivie par ce moine aux pieds nus ? Ou plutôt devrais-je dire, suit-elle toujours ce moine ? »


Avec délicatesse, la Baronne prit une coupe d'argent devant elle et la porta à ses lèvres. Elle avait beau ressembler à un pruneau sec, elle avait gardé toutes ses manières de jeune femme.

« Mon seigneur aurait été ravi de se joindre à vous, j'en suis certain, reprit Salignac, mais sire d'Estaing préfère attendre de régler quelques problèmes ici, notamment sa succession. Lorsque son épouse, votre cousine, lui aura donné un héritier ou deux, il sera libre de partir.
Peut être vous joindriez vous à lui ? Avez vous l'envie de repartir en outremer pour une nouvelle expédition armée ? »
Eudes II de Cahogne
Eudes II de Cahogne
Fiche : Fiche
Messages : 369
Date d'inscription : 18/12/2019
MessageSujet: Re: La Baronne, le duc et le comte. La Baronne, le duc et le comte.  Icon_minitimeMar 14 Jan - 19:38
L’astuce de Jean a l’air d’avoir bien fonctionné. Je fais un grand sourire à Domice tandis qu’il me dévisage. J’espère que je lui ai coupé l’appétit.
Et qu’il réfléchira à deux fois en regardant mes sauvages et leurs gigantesques haches. J’espère qu’il imagine sa tête à la place de celle porcine.

Je me place donc aux côtés de ma grande-tante. Et je fronce les sourcils et prend un air étonné lorsqu’elle me parle d’un… Moine aux pieds-nus. Il est vrai que j’avais vu un homme fort étrange à ses côtés, qui me mettait passablement mal à l’aise lors de mon retour dans le Pays-Plat. Mais elle ne me l’a pas présenté. De qui s’agit-il donc ?

« Ma mère semblait touchée de la mort de son mari. Heureusement la famille est là pour la soutenir.
Mais qui est donc ce moine dont vous parlez ? »


Mais alors qu’on devait discuter ensemble, Salignac reprend la discussion. Je lui lance un petit sourire et un petit rire honnête :

« J’ai juré à Basile de Sainte-Croix de l’aider. Le prince est un homme honnête. J’ai d’ailleurs très peur que mon frère Lothaire reste là-bas pour épouser l’une de ses filles…
Si la Ponantique devait se retrouver en danger, bien sûr que j’essayerai d’y revenir. Si c’est pour appeler Thomas d’Estaing frère de croix, j’en serais ravi. J’ai eu une discussion à ce sujet avec l’archevêque en arrivant ici, d’ailleurs – Un homme très pieux, et saint, il m’a répété plusieurs fois qu’il souhaitait que moi, votre suzerain, et même le Roi Dragomir s’unissent en tant que bons triaphysistes pour sauver nos frères en Outremer.
Le monde serait sans doute bien mieux si tous ces vœux pouvaient se réaliser. »


Même si en réalité, j’ai été dégoûté de la Croisade. Je ne pense pas que je remettrai jamais les pieds là-bas.
Et puis, il y a le Porez à régler.

« Et vous-même, sieur de Salignac ; Vous avez envie d’y aller, en Croisade ? »
Armarius
Armarius
Messages : 1018
Date d'inscription : 07/07/2017
MessageSujet: Re: La Baronne, le duc et le comte. La Baronne, le duc et le comte.  Icon_minitimeMar 14 Jan - 19:51
« Oh moi je suis un peu vieux pour prendre la croix. Et si mon suzerain part, il faudra que quelqu'un reste pour garder la maison.
Si Dragomir pouvait se joindre à la croisade ce serait un fort atout. Son armée est puissante et les dremmens sont vaillants. Mais pour le moment je l'imagine mal quitter son pays, il a fort à faire et on raconte que sa piété ne serait pas si sincère que ça, alors de là à le voir prendre la croix...
Mais que Dieu puisse vous entendre sire Eudes. »


Salignac leva son verre en direction de Eudes et bu une gorgée de vin, laissant la Baronne reprendre.

« Je parle de ce Etienne du Lac, votre mère ne vous en a pas parlé ? C'est un moine renégat, il a dû fuir son monastère à cause d'un texte qu'il a publié. C'était en fait un manifeste schismatique, il n'en portait pas le nom mais il en reprenait toutes les idées. Un homme dangereux donc, qui a beaucoup trop influence sur ma nièce. Je pense que Hugues ne l'aurait pas toléré dans son entourage. Sa mort a vraiment laissé un grand vide. »

La Baronne avait l'air triste en repensant à son neveu.
Eudes II de Cahogne
Eudes II de Cahogne
Fiche : Fiche
Messages : 369
Date d'inscription : 18/12/2019
MessageSujet: Re: La Baronne, le duc et le comte. La Baronne, le duc et le comte.  Icon_minitimeMar 14 Jan - 19:57
Je lève également mon verre, pour saluer de Salignac, et boit une gorgée.

Aux propos de ma tante, je ne peux pas m’empêcher de froncer les sourcils, de rage.

« Les schismatiques ? Je comprends que ma mère ne m’ait pas parlé de lui – je n’aurais pas plus toléré sa présence que mon père ! Je lui demanderai des explications sitôt rentré d’ici, c’est intolérable…
Je ne comprend rien à ces schismatiques. Qu’est-ce qu’ils revendiquent ? Qu’est-ce qu’ils cherchent donc à s’attaquer à la grande Église ? »


J’en rajoute un peu. Et je feigne un soupir.

« Enfin pardon, ma tante, je ne veux pas t’embêter avec des discussions de théologiens… Je ne suis pas érudit moi-même, je veux juste servir mon Seigneur aussi bien et aussi humblement que je le puisse…
J’espère que j’ai pu accomplir de grandes choses pour Lui en me battant en Croisade. Mais être un croyant, c’est une lutte de tous les jours. »


Je dis ça alors que j’ai passé la nuit d’hier à embrasser ma maîtresse infidèle.

« Je n’étais pas beaucoup proche de mon père, pour tout te dire. Je l’aimais, mais c’était un homme sévère, dévoué à son duché ! Je suis fier d’être son fils. Mais j’aimerais en savoir sur lui. En privé, quel genre d’homme était-il ? J’aimerais qu’il puisse être fier de moi, là-haut au ciel... »
Armarius
Armarius
Messages : 1018
Date d'inscription : 07/07/2017
MessageSujet: Re: La Baronne, le duc et le comte. La Baronne, le duc et le comte.  Icon_minitimeMer 15 Jan - 9:15
« Les schismatiques, intervint Domice, estiment que les pouvoirs spirituels ne devraient pas être réservés à une caste mais à l'ensemble de la communauté des croyants. Les sacrements pourraient être ainsi administrés par des laïcs, de tout age et même de tout sexe, pourvu qu'ils soient de pieux croyants. Ils sont doublement dangereux, car en remettant en cause l'autorité supérieure de l'Eglise, ils remettent en cause les fondements de notre société, car l'Eglise est le pilier de la société, son socle. S'attaquer à l'Eglise c'est vouloir détruire notre monde et le plonger dans le chaos !
Ils oublient que nous autres les clercs tenons notre légitimité des Apôtres eux même, à qui Dieu a confié la tâche d'instituer son Dogme. Nous sommes les successeurs de ces élus et c'est en ce sens que nous pouvons seuls détenir les pouvoirs spirituels. »


Domice avait beau être un homme médiocre, il restait un docteur en théologie, un grand connaisseur canonique et un pieux défenseur de l'Eglise.

« Vous avez raison Domice, soutint Jean. Il m'attriste de voir ma belle-soeur s'afficher avec un tel rigolo.
- Ils remettent seulement en cause votre idée de la société,
se permit de dire Salignac, pour en créer une nouvelle en parallèle. Je suis sur que nous pouvons coexister côte à côte en harmonie. Etienne du Lac a peut être des idées schismatique, mais il reste un pieux croyant, un fervent défenseur de Dieu, un amoureux du Dogme. Je ne vois pas en quoi il offenserait Dieu.
- Sire de Salignac,
lui répondit Domice, il ne peux exister deux Eglises voyons, c'est totalement insensé.
- Nous tolérons bien les Derzis sur nos terres, des infidèles qui prient un autre Dieu, pourquoi pas les schismatiques dans ce cas qui prient le même Dieu que nous ? »


La Baronne intervint pour faire cesser cette discussion.

« Messiers s'il vous plaît, ce n'est pas l'endroit pour débattre de religion, nous sommes ici pour partager un repas amical, alors je vous en prie, gardez pour vous vos opinions et mangez donc. »

Salignac acquiesça de la tête, comme pour s'excuser. Jean détendit l'atmosphère en levant son verre.

« A la Baronne ! »

Le suivirent les autres convives autour de la table. Genevière remercia Jean d'un signe de tête, puis elle se tourna vers Eudes.

« Ton père était un homme réservé, sincère et droit. Il était d'une grande élégance et d'une grande bonté. Je l'ai rencontré la première fois lorsqu'il est venu quérir la main de ma nièce. J'ai tout de suite été charmée par ce jeune homme. Il était en tout point différent de ton grand père, un homme orgueilleux et cynique. Hugues était gentil. J'ai toujours pensé que sa place n'était pas à la tête d'un duché, pas que je veux dire qu'il n'était pas compétent pour cela, mais la politique est un monde trop rude pour ce genre d'homme, Hugues n'était pas taillé pour ça et ça l'a rongé.
Lorsqu'il venait me voir, il ne me parlait jamais de politique, mais seulement d'architecture. Ça l'amusait beaucoup, contrairement aux jeux de pouvoir qui l'ennuyaient. Malgré cela, je trouve qu'il s'en est très bien sorti, ton père a été un homme d'état exemplaire.
J'aurai aimé mourir avant lui. Apprendre sa mort m'a terriblement attristé... »
Eudes II de Cahogne
Eudes II de Cahogne
Fiche : Fiche
Messages : 369
Date d'inscription : 18/12/2019
MessageSujet: Re: La Baronne, le duc et le comte. La Baronne, le duc et le comte.  Icon_minitimeMer 15 Jan - 11:41
Le sujet sur les schismatiques chauffe l'ambiance. Et je suis très, très étonné de voir Salignac décider de soutenir si ouvertement la co-existence avec les schismatiques ; non pas qu'il ait tort, je suis certain que c'est une solution préférable à celle d'aller exterminer des femmes et des enfants à coup d'épée, mais il le dit ici, dans la baronnie d'Aigues, devant un évêque important pour la succession de la baronnie qui semble bien moins enclin au dialogue, et à une baronne qui elle-même est réputée pour sa piété. Obéissant à son vœu, je remercie Jean de m'aider en mettant immédiatement fin aux disputes, et lève mon vin également.

Avant que la discussion ne se termine, je me tourne vers Domice et chuchote quelque chose dans son oreille, pour lui et pour lui seulement :

« Mettez un de mes Housecarles et Étienne du Lac dans la même pièce, je vous jure que cinq minutes plus tard il viendra demander pardon à l'Église. »


Une petite messe basse vilaine. Une plaisanterie que j'assume avec un sourire narquois pour faire rire l'évêque.
Mais je reprend ma petite mine timide et gentille lorsque je me tourne vers la baronne. Je suis heureux que Jean soit là : On passe pour les gens raisonnables.
Mais qu'est-ce que fout Salignac ici ? Ça, je l'ignore encore. On n'a toujours pas abordé le sujet du viager. Mais chaque chose en son temps.

« Je vois ce que tu veux dire, ma tante. En fait, pour tout te dire, je crois que, lorsque j'étais plus jeune, je lui en voulais. Je lui en voulais d'être plus un politicien qu'un père. La mort de mon grand frère, Hugues, m'avait profondément affecté, ça m'avait rongé, et je prenais le calme qu'affichait papa devant ce décès comme de l'indifférence. Mais il avait ce duché à gérer, Il avait des conseillers autour de lui, des légistes, un Parlement, des voisins avec qui parler, tout ça dans l'intérêt de la Cahogne et de son peuple. Si je suis parti en Croisade, c'était aussi un peu pour cela, pour tenter de m'éloigner de lui, de... Je ne sais pas trop comment dire, de me réaliser ailleurs.
Je regrette tellement qu'il soit mort si tôt. Je regrette tellement de ne pas être rentré plus tôt. Je me rends compte de tout ce que j'ai perdu avec lui. Je ne reverrai jamais mon père, je ne pourrai plus jamais lui dire que je l'aime, et ça me ronge, ça me fait grincer des dents.
C'est pour cela que j'ai amené l'évêque de Villiers ici, d'ailleurs. Je me suis tant éloigné de ma famille ; j'aimerais rebâtir nos liens qui ont été éprouvés. Je pense que c'est ce qu'une famille doit faire lorsqu'elle perd l'un des leurs, se replier sur ce qui est essentiel, la famille. »

Et là, pour le coup, et pour une fois, je ne mens même pas. Pas d'hypocrisie, pas de tristesse feinte. Je fais un sourire triste à mon oncle Jean que j'adore. Puis à la baronne, qui passait à mes yeux pour une vieille peau hideuse et sénile.
En réalité, elle avait l'air d'aimer mon père. Et même si j'aimais peu mon père, l'affection qu'elle avait envers lui la rend beaucoup plus humaine à mes yeux. J'ai envie de faire sa connaissance, et le plus vite possible, étant donné le peu de temps qu'il lui reste.

« Mais je n'aime pas parler de choses tristes. On ne devrait pas se rappeler de la mort de quelqu'un, mais de sa vie. Ne pas discuter de lui au passé - nous mourrons tous un jour, c'est inévitable, et ce n'est pas cela qui compte, non.
En fait, je vais faire un jeu ; Tous, autour de cette table, vous avez dû connaître mon père, même de loin. Alors allez-y, j'aimerais savoir : Quel est le meilleur souvenir que vous ayez de lui ? Pas ses grandes réalisations, non, je ne vous parle pas de me raconter une chronique de son règne... Je veux dire une anecdote, une plaisanterie, une chose qu'il a fait qui est restée gravée en vous ? »
Armarius
Armarius
Messages : 1018
Date d'inscription : 07/07/2017
MessageSujet: Re: La Baronne, le duc et le comte. La Baronne, le duc et le comte.  Icon_minitimeMer 15 Jan - 18:09
Domice afficha un sale sourire à Eudes et lui murmura lui aussi.

« Oh oui monseigneur, tel un cochon n'est ce pas ? »

Salignac reprit la parole.

« Je n'ai pas connu personnellement votre père sire Eudes, mais je l'ai rencontré plusieurs fois à l'occasion d'ambassade. J'ai déjà passé plusieurs jours à Soulans. Il a toujours été un homme très courtois tout en étant un politicien retord. Je suis étonné d'entendre qu'il n'aimait pas ça car il menait son rôle à la perfection. »


La Baronne se mit à sourire.

« J'ai un souvenir qui me revient. L'un des courtisans de Hugues, originaire de Valentine, lui avait parlé d'une machine appelée "chaise volante" qui par un système de poids et contre-poids permettait de monter et descendre entre les étages sans aucun effort. Mon Hugues, toujours l'esprit innovant quand il s'agissait de ses bâtisses, exigea de suite qu'on lui construise l'une de ses machines dans son palais.
Un jour où je m'étais rendue le voir à Soulans il me dit : "ma tante, vous n'aurez plus à vous épuiser à monter les marches de mon palais, j'ai pour vu un fauteuil volant qui vous transportera d'étage en étage !".
Je n'étais pas très rassurée à l'idée de monter là dedans, mais si cela pouvait m'éviter de monter les escaliers c'était tout de même tentant.
Sauf qu'en chemin, la machine s'est détraquée et nous sommes restés bloqués trois heures entre deux étages ! J'étais très un colère, une vieille femme comme moi n'a pas trois heures à perdre ainsi.
Mais ça reste un grand moment car pendant trois heures nous avons discutés et ris. Lorsqu'on vint enfin nous délivrer, nous étions presque déçus que ce moment d'intimité soit terminé. Aujourd'hui je repense à ce souvenir avec bonheur.
Inutile de dire qu'il fit tout de suite démonter sa machine ! »


La Baronne ria puis bu une gorgée de vin. Elle n'avait pratiquement pas touché à son assiette devant elle qui restait pleine de viandes et de fromages.
La Baronne se leva. Un valet derrière elle s'empressa pour l'aider en lui tenant le bras, mais la vieille femme se dégagea en râlant, réclamant qu'on lui donne simplement sa canne.

« Suivez moi tous les deux, dit-elle en désignant Eudes et Salignac, j'ai a vous parler en privé. »


La démarche de la Baronne était mal assurée, appuyée maladroitement sur sa canne. Assise derrière sa table, Eudes n'avait pu le voir au premier abord mais la Baronne semblait très diminuée. Après tout, elle n'était pas plus immortelle que d'autres, et enfin peut être approchait-elle de la fin.
Elle conduisit ses invités dans une chambre privée. A l'extérieur, le temps s'était obscurci et la pièce était sombre malgré les grandes fenêtres vitrées. D'une cheminée provenait lumière et chaleur. Placé devant, trois fauteuils. La Baronne s'assit sur le plus riche qui lui était réservé, et invita Eudes et Salignac à prendre place sur les deux autres en face d'elle.
La vieille dame était essoufflée de son périple entre la salle du banquet et la chambre privée, bien qu'elle tentait de ne pas le montrer pour ne pas paraître affaiblie.
Une fois son souffle reprit elle annonça.

« Je sais pourquoi vous êtes venus me voir tous les deux. Je suis vieille et sans enfant, vous espérez obtenir mon héritage, pour vous ou votre seigneur.
J'avais fait mon choix en la personne de Hugues, mais cet idiot a décidé de mourir avant moi... »


La Baronne toussa. D'avoir fait cent pas l'avait épuisé.

« Il aurait été naturel que je choisisse son fils pour me succéder. Mais ce qui avait guidé ma décision était la loi du cœur, et non la loi féodale. »


La Baronne sortie une lettre de sa robe. Elle portait le sceau de l'archevêque.

« Voici une lettre de sa sainteté Adrien IX. Il a toujours été de bons conseils. Dans sa lettre il me fait part de son idée de confier ma baronnie à l'évêque d'Aigues, pour créer une principauté ecclésiastique. C'est une idée brillante.
Hélas, j'ai le malheur de connaître l'évêque d'Aigues. J'aurais pu me laisser tenter par le projet de l'archevêque si mon frère n'avait pas été un idiot complet. Le faire baron serait une catastrophe pour mes sujets, tant il peut se montrer cruel et méchant. »


La Baronne jeta la lettre au feu, enterrant, ou plutôt incinérant, la belle idée de l'archevêque.

« De mon grand age et ma longue expérience, je sais discerner l'homme bon du malhonnête. Thomas est un bigot zélé trop soumis à l'Eglise doublé d'un étourdi imprudent, et toi Eudes, tu es un hypocrite calculateur qui feigne la pudeur et la gentillesse.
J'ai bien réfléchi et j'ai décidé de ne pas choisir. Aigues est une place stratégique et la donner à l'un d'entre vous déstabiliserait la région au détriment du peuple dont j'ai la garde. J'ai donc eu une autre idée.
Plutôt que de confier ma baronnie à l'un ou à l'autre, j'aimerai la confier à vous deux à la fois. Faire d'Aigues une coseigneurie gérée à la fois par le duc de Cahogne et le comte de Trémanche. Les revenus de mes domaines seraient divisés en deux parts égales et mes châteaux gardés par des garnisons composées de cahons et de trémanchottes.
Qu'en pensez vous ? »


Salignac semblait surprit d'une telle proposition, il regarda Eudes et le laissa réagir le premier.
Eudes II de Cahogne
Eudes II de Cahogne
Fiche : Fiche
Messages : 369
Date d'inscription : 18/12/2019
MessageSujet: Re: La Baronne, le duc et le comte. La Baronne, le duc et le comte.  Icon_minitimeMer 15 Jan - 21:26
Mon petit sourire affable et ma mine gentille s’estompent dès lors qu’elle sort les deux mots pour me qualifier : « hypocrite » et « calculateur ». Elle est forte. Elle est très forte. Je me retrouve à tordre mes lèvres et à poser un poing dans le dos, pour feindre ma majesté, et redevenir le petit connard égocentrique que je suis.

Je suis au moins rassuré qu’elle ne soit pas acquise à l’idée folle d’Adrien IX de confier Aigues à l’Église. Bien. Pourtant je suis sûr que je peux faire en sorte que Domice m’ait à la bonne. Peut-être est-ce un bon cheval sur lequel parier ? Difficilement. Je ne sais pas trop. Je n’ai pas envie de m’amuser à faire des bûchers d’hérétiques, surtout si ma mère en fréquente un.
Puisque Salignac ne veut pas parler, c’est moi qui vais devoir le faire :

« Partager votre baronnie aurait au moins un avantage : Cela forcerait d’Estaing et moi à travailler de concert, et à rivaliser de bienfaits pour que votre population ne passe pas dans un camp ou l’autre.
Pourquoi pas, après tout. Je souhaite être en paix avec mon voisin de Trémanche. Mais s’il n’y avait que la baronnie d’Aigues à devoir s’occuper... »


Je me tourne alors vers l’émissaire de Thomas d’Estaing.

« Votre suzerain me fait beaucoup de mal à réclamer le Porez. Je comprend qu’il en a une certaine légitimité : Son épouse est la fille de l’ancien comte. Mais vous comprenez que cela puisse m’inquiéter d’avoir une terre aussi riche et puissante, voisine, passer sous son contrôle ?
Si nous réglons la succession du Porez pacifiquement, j’accepte volontiers de partager d’Aigues avec votre sire. Autrement, cela risque simplement de créer des troubles ici. Vous comprenez ? »
Armarius
Armarius
Messages : 1018
Date d'inscription : 07/07/2017
MessageSujet: Re: La Baronne, le duc et le comte. La Baronne, le duc et le comte.  Icon_minitimeMer 15 Jan - 22:01
« En vérité monseigneur, si je suis venu ici c'est aussi bien pour voir la Baronne que pour vous rencontrer. L'affaire d'Aigues et celle du Porez concernent nos deux états, s'ils peuvent être réglées ici dès maintenant cela fera gagner du temps à tout le monde.
L'idée d'une coseigneurie comme l'envisage madame la Baronne est envisageable si nous arrivons à nous entendre sur le Porez. Il y a une rivalité endémique qui oppose les ducs de Cahogne aux comtes de Trémanche, mais Thomas d'Estaing ne vous considère pas comme un ennemi, au contraire, il a beaucoup d'admiration pour les croisés et en cela il vous tient en haute estime. »


Le bouteiller parlait avec emphase. Il était de la vieille noblesse, sûr de son rang et de son prestige. Il se tenait bien droit, était bien apprêté, bien rasé et bien habillé, portant de riches vêtements de soi et des bijoux d'or et d'argent. Tout chez lui rappelait son haut statut.

« Avec sa grande expérience et sa connaissance de la politique, madame la Baronne pourra nous servir d'arbitre. »

Geneviève acquiesça d'un signe de tête, favorable à servir d'intermède.

« Nous avons apprit que vous vous déclarez comte de Porez et en appelez au Sénat impérial pour juger de notre querelle. Nous trouvons ça fort regrettable. Nous pouvons régler cela sans en appeler à l'Empereur.
Notre position est simple : nous jugeons la loi de succession imposée à l'apanage illégale. De quel droit écarter les femmes de l'héritage alors que dans l'histoire de la Cahogne une duchesse a été reconnue sur le trône ? Madame la Baronne nous donne un bon exemple de l’absurdité d'une telle loi, en l'absence d'héritier mâle les femmes sont tout à fait capables d'exercer le pouvoir.
Certes, Lothaire a concédé le Porez à son fils Raoul et déclaré qu'en l’absence d'héritier mâle l'apanage reviendrait aux ducs. Mais il n'avait pas le droit de le faire, la coutume se place au dessus des hommes et même le duc de Cahogne doit s'y soumettre.
Nous comprenons vos inquiétude, et si vous acceptez Clotilde sur le trône comtal, celle-ci est toute disposée à vous vouer allégeance si vous acceptez ses conditions. Ainsi, le Porez reviendrait sous votre giron, mon seigneur promettant de ne pas s'ingérer dans les affaires du comté, Clotilde sera la seule maître du Porez et sera soumise à votre justice. »


Salignac regardait la Baronne. C'est à la fois à Eudes et à Geneviève qu'il s'adressait, tentant de convaincre le jeune duc et la vieille baronne du bien fondé de son plan.

« Les exigences de Clotilde sont simples, elle veut une totale liberté. Elle veut la pleine possession du Porez sans ingérence de votre part, sauf si l'on fait appel à votre justice. Elle veut jouir de tous les revenus, des droits de justices aux taxes de péages. Elle veut l'hommage-lige de tous les seigneurs du Porez et le contrôle sur toutes les garnisons des forteresses relevant de sa juridiction.
Elle veut la liberté de choix des époux et épouses pour ses enfants. Elle désire la succession pour sa fille aînée si elle n'a pas d'héritier mâle avec Thomas, et si elle n'a pas d'enfant elle veut la liberté de choisir son successeur, tout comme madame la Baronne le fait.
En échange de tout cela, qui n'est en vérité que le droit normal de tous seigneurs sur ses terres, Clotilde s'engage à rendre hommage à vous seul, à vous aider et à vous rendre bonne justice, à répondre à vos appels sans attendre, à servir à la cour.
Cela me semble raisonnable non ? »
Eudes II de Cahogne
Eudes II de Cahogne
Fiche : Fiche
Messages : 369
Date d'inscription : 18/12/2019
MessageSujet: Re: La Baronne, le duc et le comte. La Baronne, le duc et le comte.  Icon_minitimeMer 15 Jan - 22:23
Je ris à la proposition de Salignac – pas d’un rire hautain et mauvais, mais d’un vrai rire amusé, sympathique, qui invite la baronne et l’émissaire à me rejoindre.

« Mais oui, votre sire ne s’ingérerait pas dans les affaires de Clotilde – et dites-moi, avec lui en Trémanche, et elle en Porez, comment comptent-ils remplir leur devoir conjugal, hein ? Il faut bien qu’ils partagent le même lit pour faire des enfants, n’est-ce pas ? Un mari et une femme ça doit bien trouver des sujets de discussions de temps en temps, vous allez me dire qu’entre la viande et le fromage votre sire ne discutera jamais de mon Porez ? »


J’agite la tête, tout rigolard. J’espère que je peux au moins convaincre la baronne par ma sympathie.

« Je veux bien que Clotilde hérite. Pas parce que j’ai quelque chose à faire de ce que vous estimez être la coutume – je n’en ai cure, je suis sûr qu’à Soulans je peux trouver une douzaine de légistes qui seraient en mesure de vous sortir de vieux usages Cahons ou Impériaux, des exemples historiques et des lois qui se contredisent. Nan, ni vous ni moi ne sommes des avocats, ne nous avilissons donc pas en tombant à leur niveau. »

Sourire qui affiche mes dents blanches. J’espère que lui aussi je peux le faire rire.

« Je veux qu’elle hérite parce que c’est ma cousine, qu’elle appartient à ma famille, et que la famille est la chose qui me tient le plus à cœur, au-delà de tout le reste.
Mais si elle hérite, et qu’elle obtient le Porez, sans que je puisse y dire quoi que ce soit, alors elle héritera avec toutes les règles féodales qui s’appliquent en Cahogne. Cela veut dire que je peux exiger le relief – et j’exigerai le relief. Cela veut également dire que je peux m’opposer à ses projets de mariage. Je peux également exiger les quatre cas, l’appeler à la guerre en cas d’ost – et comme c’est une femme et qu’elle ne pourra donc pas venir en armure et à cheval, elle devra me payer un fort écuage et m’offrir l’aide des levées militaires du Porez. J’aurai également un droit de justice, et les sujets de Porez pourront venir à moi en cas d’appel. Elle me devra également loyauté et fidélité : Tous mes vassaux travaillent dans mon intérêt, même si comme tout seigneur des fois j’ai l’impression que ce n’est pas le cas. »


Je dis cette dernière phrase pour ricaner, mais elle est d’autant plus drôle qu’elle est vraie.

« De plus, j’aimerais qu’il soit indiqué clairement sur un papier, que le comte de Trémanche et le comte de Porez ne soient jamais la même personne. J’aimerais que ma cousine et son mari fassent tout pour avoir deux beaux enfants mâles, afin que chacun puisse avoir une part. Vous comprenez, il serait embêtant pour tout le monde que dans le futur, le comte de Trémanche ait à s’agenouiller devant le duc de Cahogne pour prendre la suzeraineté du Porez, n’est-ce pas ? Cela ne serait que de l’hypocrisie et provoquerait nombre de problèmes d’instabilité.
Vous dites que vous êtes dans votre bon droit – je le suis également à exiger tout ça, en tant que suzerain du comté de Porez.
En échange, j’aimerais que vous sachiez que je n’ai également rien contre votre sire. Je souhaite son amitié et son affection. Nous pourrions nous rencontrer et nous serrer la main. Avec le mariage de ma cousine, nous sommes presque de la même famille, et j’aimerais que nous nous rapprochions encore plus. Un jour, nous partirons dans le Ponant ensemble. Qu’en dites-vous ? »
Armarius
Armarius
Messages : 1018
Date d'inscription : 07/07/2017
MessageSujet: Re: La Baronne, le duc et le comte. La Baronne, le duc et le comte.  Icon_minitimeMer 15 Jan - 22:47
Malgré les plaisanteries de Eudes, Salignac resta de marbre. Lorsqu'il négociait, il n'y avait pas de place à l'humour. Au contraire, le bouteiller fronça des sourires comme s'il était offensé par ce manque de sérieux. Il répondit assez sèchement.

« Non effectivement, peut être que Clotilde ne résidera pas en permanence en Porez et qu'elle vivra en partie à Espellier avec son époux. Certainement que Thomas pourra apporter ses conseils à Clotilde, tout comme Clotilde conseille le comte, mais ça ne veut pas dire que sire Thomas prendra les décisions à la place de son épouse ou qu'il débarquera dans le Porez avec son armée. »

La Baronne écoutait attentivement sans dire un mot, laissant ses deux invités débattre entre eux. Le sujet du Porez avait supplanté celui d'Aigues dans la discussion, mais la Baronne ne s'en trouvait pas offusquée, elle était assez intelligente pour comprendre que du Porez dépendait le sort de sa baronnie.

« Mais soyez assuré que Clotilde vous réservera tous les droits qui sont les vôtres, comme le réclame la coutume. Car si vous n'en avez cure de la coutume, c'est elle qui régit notre monde et conditionne nos relations.
Mais dans ce cas, si vous reconnaissez que la coutume rend caduque la loi de succesion du Porez, vous ne pouvez pas exiger un partage entre le Porez et la Trémanche car il n'est pas d'usage de faire ainsi. La Trémanche et la Cahogne ont toujours été régit par la primogéniture. Le système d'apanage instauré par votre arrière grand-père est une nouveauté propre à votre duché et qui ne constitue pas une coutume, mais un choix du souverain. Thomas et Clotilde se réservent ce choix et vous ne pouvez les obliger à partager leur patrimoine.
Le fils aîné de Thomas et Clotilde recevra en temps voulu la pleine propriété de la Trémanche et du Porez. Et comme il se doit, il viendra vous prêter allégeance pour la terre qui relève de votre pouvoir. »
Eudes II de Cahogne
Eudes II de Cahogne
Fiche : Fiche
Messages : 369
Date d'inscription : 18/12/2019
MessageSujet: Re: La Baronne, le duc et le comte. La Baronne, le duc et le comte.  Icon_minitimeMer 15 Jan - 23:12

Salignac est un de ces vieux maniérés. Depuis mon retour en Croisade, j’ai remarqué que le courant passait beaucoup mieux auprès des jeunes ; Ils se prennent moins au sérieux que ces viocs qui, heureusement, mourront les uns après les autres pour laisser la place à nous, la nouvelle génération. Qu’importe. S’il ne veut pas rire, moi, je continue de sourire, plaisantin comme toujours.

« Les coutumes féodales ne sont pas les lois divines, sire Salignac. Elles sont transgressées et modifiées par l’usage qu’en font ceux qui les subissent, lorsque les deux parties sont d’accord, parce qu’elles ne viennent pas de Dieu lui-même. Je n’ai pas dis que je reconnaissais que les traités que mon arrière-grand-père ont fait sont caduques, j’ai dis que je reconnaissais que Clotilde pouvait prendre le Porez parce qu’elle était ma cousine et que je l’aimais. Les systèmes d’apanages existent parce que le duc tout comme les apanagistes étaient d’accord pour qu’ils existent, qu’ils ont écrit cela, qu’ils l’ont officialisé, et c’est devenu la loi courante.
Vous aimeriez que l’on déterre tous les usages qui ont jamais eu court ? Tous ? Mince, il va falloir qu’on me retrouve une couronne de Roi ! »


Je ricane.

« Que l’on se mette d’accord, Salignac – Parlez-vous avec les pouvoirs plénipotentiaires ? Je veux dire, je suis duc de Cahogne, je connais mon intérêt. Mais vous-même, quel intérêt représentez-vous donc ? Celui de votre sire ? De son épouse ? Des deux à la fois ? Vous comprenez qu’avec une seule bouche pour eux deux, je ne peux qu’être très méfiant lorsque vous me déclarez, sans sourciller, qu’ils ne prennent pas les décisions ensemble.
Ce que je demande n’est pas inadmissible. Cela permettra d’avoir un bon comte de Trémanche qui s’occupe uniquement du comté de Trémanche, et un bon comte de Porez qui régnera en Porez, en tant que mon vassal, et il n’y aura jamais de problèmes de cas de consciences ou d’intrigues qui peuvent avoir lieu, si jamais il y avait des soucis dans le futur entre nos deux principautés. Je le fais dans l’intérêt de nos patries et de nos sujets. Et cela ne dépossède en rien ni d’Estaing, ni Clotilde ; Tenez, il n’est même pas obligé qu’ils fassent deux enfants mâles. Je suis prêt à reconnaître qu’une fille puisse hériter du Porez, si jamais c’est un garçon qui doit prendre la Trémanche et qu’il n’y a pas d’autre mâle en droite lignée. Cela doit bien convenir, non ? »
Armarius
Armarius
Messages : 1018
Date d'inscription : 07/07/2017
MessageSujet: Re: La Baronne, le duc et le comte. La Baronne, le duc et le comte.  Icon_minitimeJeu 16 Jan - 0:09
« Une couronne de roi pour un usurpateur ! »

Salignac commençait visiblement à perdre patience face à l'insolence du jeune duc.

« Vous n'êtes pas plus le successeur des rois de Cahogne que votre ancêtre Raoul n'était celui des ducs de Cahogne ! Il n'a reprit ce titre qu'en profitant d'une époque troublée ! »

Remarquant qu'il avait haussé la voix un peu plus fort que prévu, et cela devant la Baronne, Salignac reprit son calme.
L'orgueil des ducs de Cahogne à se croire les maîtres de l'ensemble des Franges Orientales comme pouvaient l'être les anciens rois avait toujours eu le don d'énerver les comtes de Trémanche. Cela relevait plus de la jalousie, Raoul s'était dit nouveau duc de Cahogne avant la maison d'Estaing. Depuis, les comtes de Trémanche courraient après les ducs de Cahogne, comme lorsque Hugues II reçu le titre de prince électeur, titre obtenu peu après par le comte pour ne pas se laisser distancer.

« Je représente monsieur le comte et madame la comtesse, et ai toute légitimité pour négocier avec vous. Le comte de Trémanche n'ira pas diviser le patrimoine qui lui revient de droit, c'est une condition non négociable. »

Salignac se tourna vers la Baronne, la pressant du regard pour qu'elle apporte son avis. La bouteiller de Thomas d'Estaing la mettait dans l'embarra, elle ne pouvait se permettre de soutenir l'un contre l'autre, cela en allait de son plan de coseigneurie pour ses domaines.

« Vos exigences à tous les deux sont légitimes. Thomas aimerait faire entrer le Porez dans le patrimoine de sa famille. Si son successeur voue allégeance au duc et respecte ses droits et devoirs, je ne vois pas où il pourrait y avoir de querelle. Mais c'est être bien naïf pour penser que tout se fera dans l'ordre, les Bohain et les Estaing se querellent depuis trop longtemps. Eudes cherche simplement à assurer la paix, non à limiter l'emprise du comte de Trémanche. »

Peut être l'amour pour le père de Eudes l'avait-il emporter, la Baronne semblait soutenir Eudes.  

« Et si, reprit Salignac, Clotilde et Thomas n'ont qu'un seul enfant ? Héritera t-il du Porez et de la Trémanche ?
Vous dites vrai madame la Baronne, lorsque vous parlez de la rivalité qui existe entre la maison de mon suzerain et celle des ducs. Peut être faudrait-il les rapprocher pour assurer la paix du pays. Le mariage de Thomas et de Clotilde a été une première étape.
Si nous imaginons que le fils de Thomas et Clotilde épouse votre future fille, cela fera du prochain comte de Trémanche et de Porez votre gendre, et ses héritiers vos petits-enfants. Vous venez de le dire, la famille est ce qu'il vous tient le plus à cœur, si les Bohain et les Estaing s'unissent et deviennent liés par le sang, cela ne sera que bénéfique pour les Franges.
- Rien de mieux qu'un mariage pour assurer la paix »
rajouta la Baronne.
Eudes II de Cahogne
Eudes II de Cahogne
Fiche : Fiche
Messages : 369
Date d'inscription : 18/12/2019
MessageSujet: Re: La Baronne, le duc et le comte. La Baronne, le duc et le comte.  Icon_minitimeJeu 16 Jan - 0:38
Salignac a pété une pile. Étrange émissaire que celui qui traite la personne avec qui il traite de descendant d’usurpateur. Cela renforce encore plus mon sourire, le transforme en un rictus sardonique. Il croyait faire de l’effet ? Me choquer ? Il se ridiculise tout seul.
Voilà donc la grandeur de la famille des comtes de Trémanche. La seule chose que je regrette, c’est qu’il n’ait pas commis un tel impair en public, devant encore plus de témoins. Cela aurait été hilarant.

« Si Clotilde et Thomas n’ont qu’un seul enfant, le comté de Porez me reviendra. S’ils n’ont pas d’enfant tout court, le comté de Porez me reviendra. C’est une terre apanagiste que je confie à un nouvel apanagiste, je me contente de modifier une clause ancienne qui interdisait aux filles d’hériter, et je ne touche à rien d’autre.
C’est déjà un grand recul que je subis : Je devrais normalement recevoir le Porez en entier, devenir son suzerain direct, et ne pas avoir à redistribuer le fief. Vous noterez que pour l’instant, c’est moi qui offre le plus entre nous deux.
Et qui est le plus respectueux, également. »


Sourire mauvais.
Va te faire foutre, Salignac.

« Cela ne nous empêche pas d’unifier nos familles. C’est un projet derrière lequel je peux me projeter, également. Cela assurerait enfin la paix perpétuelle entre Trémanche et Cahogne, et nous pourrions nous concentrer sur des ennemis bien plus ennuyants. Comme les infidèles du Ponant. Ou les païens à l’est.
Malheureusement, nos jeunes âges jouent. Je n’ai pas encore d’enfants, Clotilde non plus, et déjà que l’Église n’aime pas les mariages jeunes, vous imaginez, prévoir des fiançailles d’âmes qui n’ont même pas été conçues ? »


Je réfléchis un instant.

« Pourquoi ne pas jurer tous les deux sur la Croix ?
Thomas d’Estaing rêve de partir en Croisade. J’ai juré à Basile de Sainte-Croix de retourner l’aider s’il le fallait. Nous avons là un point d’accord. Lions nos destins à l’Outremer. Jurons-nous paix, et assistance mutuelle face aux ennemis du culte triaphysiste. Ce sera un serment que nous pourrons faire valoir l’un l’autre face à des adversaires de l’Église. Et cela garantira que nous ne pourrons nous faire du mal l’un contre l’autre. N’est-ce pas une bonne idée ? »
Armarius
Armarius
Messages : 1018
Date d'inscription : 07/07/2017
MessageSujet: Re: La Baronne, le duc et le comte. La Baronne, le duc et le comte.  Icon_minitimeJeu 16 Jan - 1:14
Salignac se mit à sourire, comme si Eudes l'amusait.

« Je crois que votre voyage de cinq ans en Ponantique vous a un peu trop éloigné des réalités dans les Franges Orientales. Vous êtes celui qui offre car vous ne pouvez pas faire autrement, vous n'êtes pas en position de réclamer quoi que ce soit. Si vous estimez devoir recevoir le Porez en entier pourquoi ne pas venir le prendre ?
En vérité, c'est nous qui offrons le plus dans cette histoire. Clotilde vous offre son allégeance par respect du droit et par respect pour vous. Mais dans les faits, elle pourrait très bien ne pas le faire et vous n'auriez même pas la possibilité de lui arracher un serment.
Rendez vous bien compte monseigneur. Votre titre est peut être le plus pompeux des Franges, à vous dire l'héritier de nos anciens rois, mais dans les faits vous n'êtes plus depuis longtemps le plus puissant des princes de la région. Vous ne parvenez même pas à prendre un petit territoire à un comte bâtard, vous vous faite enfermer dans votre propre ville, vous ne réussissez pas à défendre quelques colons contre de faibles païens. Et maintenant vous vous croyez en position de faire plier la Trémanche ?
Vous n'avez pas comprit la situation monseigneur. Je vous l'ai dit, sire Thomas a du respect pour vous car vous êtes croisé, vous vous êtes battu pour la vraie religion, et il vous admire pour cela.
C'est la seule chose qui le pousse à négocier avec vous, autrement il n'aurait pas daigné vous envoyer une missive. Clotilde est comtesse de Porez depuis 2 ans, son pouvoir est installé et accepté par la population. C'est un état de fait que nous cherchons à régularisé par un traité en bonne et due forme. Mais s'il s'avère que les négociations n'aboutissent pas, cela restera comme cela.
Et c'est vous qui allait tout perdre. »


Gardant son sourire de fierté, Salignac se renfonça dans son siège.
Eudes II de Cahogne
Eudes II de Cahogne
Fiche : Fiche
Messages : 369
Date d'inscription : 18/12/2019
MessageSujet: Re: La Baronne, le duc et le comte. La Baronne, le duc et le comte.  Icon_minitimeJeu 16 Jan - 1:44
Il sourit. Pour se moquer de moi.
Je souris aussi. Comme depuis tout à l’heure.
On s’affronte, nos regards vissés l’un contre l’autre. On s’oppose. On se hait.

Quel étrange émissaire que voilà. Il n’a pas froid aux yeux, à parler à un Duc comme il fait.

« Hé bien, au moins, on ne pourra pas vous reprocher votre hypocrisie, sire Salignac. »

Comment Clotilde et Thomas réagiraient s’ils étaient ici ? J’aurais bien préféré négocier avec eux, d’égal à égal, plutôt qu’avec un sous-fifre aussi irrespectueux. Espien en aurait fait une bouchée, je suis sûr.

Qu’est-ce que dirait mon chancelier s’il était ici ?

« Lorsque vous dites que la population du Porez accepte le règne de ma cousine… Est-ce que vous comptez les schismatiques dedans ? Ils avaient l’air de beaucoup déranger Son Excellence lorsque je suis venu le voir en Vendaume.
Il était fasciné par mon voyage en Outremer. C’est que c’est utile, d’avoir un croisé sous la main, n’est-ce pas ? »


Petit pouffement de rire.

« Vous me chagrinez, Salignac. Vous me faites du tort.
Vous vous moquez du règne de mon père. C’est vrai – il n’a pas été aidé durant sa vie. Entouré de sycophantes, de lâches, de traîtres, il n’a cessé d’accumuler les ennuis. C’est aussi pour ça que je suis revenu ici, dans l’Empire.
Mon père est mort. Ses ennemis l’ont ruiné et enfermé dans sa Nécropole. Je compte bien faire en sorte que ses descendants se souviennent à jamais de lui. Je ne trahirai pas son souvenir. Toutes ces difficultés dont vous me parlez – très bientôt, elles disparaîtront des mémoires. »


Là, je lance un regard insistant à la baronne.
Ce n’est pas seulement moi que Salignac a insulté avec son bilan. C’est Hugues. C’est mon papa. L’homme qu’elle avait l’air d’aimer.

« Mais ne croyez pas un seul instant que je manque de ressource, ou de ressort. J’ai l’habitude de rétribuer toutes les personnes que je côtoie jusqu’au dernier sou – amis, comme ennemis.
Ma condition est un point trop petit, trop minuscule, pour mériter que ma famille et celle de Thomas d’Estaing ne se déchirent. C’est une clause. Une petite ligne sur un traité. N’en faites pas une histoire d’honneur, et n’attaquez pas celui de ma maison pour si peu.
Parce qu’autrement, j’en ferai une affaire personnelle. J’y mettrai mon cœur.
J’irai devant l’archevêque, où je lui parlerai des foyers d’hérétiques qui vivent dans cette terre qui devrait être sous ma garde.
J’irai devant le Sénat, et Sa Majesté Impériale Cornelio-Duarte, et je lui parlerai du grand mépris que me vouent les comtes du Trémanche qui bafouent le droit qu’un prince a établi dans son propre domaine.
Et pensez à vous au milieu de tout cela, Salignac. Vous, simple émissaire, simple ambassadeur – irez vous expliquer à ma cousine et à son mari, des gens de bien meilleure qualité que vous, que toute cette affaire vient uniquement des propos déplacés que vous avez tenu envers ma personne ?
Envers un Croisé héroïque qui a sauvé la Ponantique ? »


Je suis pauvre d’argent. Je suis acculé de toute part. Il a raison. Il est clairvoyant.
Alors je presse l’unique et seul avantage que j’ai :
Mon prestige.

C’est tout ce que j’ai pour moi.

« Qu’en pensez-vous, ma tante ? »
Armarius
Armarius
Messages : 1018
Date d'inscription : 07/07/2017
MessageSujet: Re: La Baronne, le duc et le comte. La Baronne, le duc et le comte.  Icon_minitimeJeu 16 Jan - 2:33
La question de Eudes mit mal à l'aise sa grande tante.

« Je ne sais que dire Eudes... »

Salignac se leva et réajusta son veston.

« Si vous voulez chasser les hérétiques du Porez commencez donc par chasser votre mère. Elle risque de faire un peu tâche dans votre belle image de "croisé héroïque qui a sauvé le Ponant".
Votre orgueil vous perdra monseigneur. Mais c'est bien là la seule chose auquel vous pouvez encore vous accrocher. Allez donc quérir l'aide de l'Empereur, de l'Archevêque, et même du Triarque si vous voulez, mais ils ne vous sauverons pas.
Madame la Baronne, je crains que nous ne puissions nous mettre d'accord aujourd'hui, votre petit-neveu est bien trop borné. Peut être qu'avec l'age viendra bientôt la maturité. Sur ce, je vais retourner à mes quartiers. Madame. Sire Eudes. »


Et Claude de Salignac quitta la chambre privée de la Baronne.
Un long silence s'installa avant que la Baronne n'éclate de rire.

« Je n'en attendais pas moins. Je connais bien sire de Salignac, je me doutais de la tournure qu'allait prendre cette discussion. Mais votre opposition n'arrange pas mes affaires.
Eudes, notre mission première en tant que souverain est avant tout d'assurer la paix. J'ai toujours réussi à le faire pour ma petite baronnie et je sais que gérer un grand duché est d'un tout autre ordre. Mais parfois il faut savoir taire son orgueil et accepter quelques concessions. Si tu déclares la guerre au comte de Trémanche, les Franges Orientales vont plonger dans le chaos pour longtemps. J'aimerai éviter ça. »


La Baronne soupira. Elle était épuisée. Son corps ne lui permettait plus de participer à de tel débat.

« Eudes, je vais te révéler un secret que je n'ai pas dit au sire de Salignac. J'ai écrit dans mon testament une clause. Si jamais je meurs sans désigner d'héritier tous mes biens iraient à l'Archevêque de Vendaume. Je préférerai que mon idée de coseigneurie se concrétise. Je pense que cela peut apporter la paix en vous forçant à collaborer.
Vois comme je suis affaiblie, je pourrais très bien mourir demain. Si vous ne parvenez pas à temps à vous mettre d'accord, mon projet ne pourra pas se faire. »

Eudes II de Cahogne
Eudes II de Cahogne
Fiche : Fiche
Messages : 369
Date d'inscription : 18/12/2019
MessageSujet: Re: La Baronne, le duc et le comte. La Baronne, le duc et le comte.  Icon_minitimeJeu 16 Jan - 10:16
Mon sourire narquois disparaît sitôt que Salignac dégage de ma vue. Et je me retrouve maintenant seul avec ma grande-tante. Je hausse les épaules à sa suggestion :

« Je n’ai aucune intention d’entrer en guerre contre Thomas d’Estaing. C’est le mari de ma cousine, c’est un triaphysiste – et de toute façon, le duché de Cahogne a déjà bien trop d’ennemis comme ça pour risquer une guerre sur autant de fronts, d’un coup.
Salignac me prend pour un imbécile qui se sur-estime. Pourtant je n’ai pas eu l’impression de demander grand-chose. »


Je passe une main sur ma tempe.

« Je souhaite aussi accepter cette idée de co-seigneurie. Et avec Clotilde en vassale ça me permet tout de même d’obtenir une prise sur le Porez que je n’ai pas actuellement.
Non, ce n’est pas par la guerre que je pense pouvoir menacer d’Estaing – c’est par le droit. Je pense sincèrement qu’en appeler au Sénat est une bonne idée. Ce que je manque au niveau militaire et financier, je crois pouvoir le compenser grâce à ma diplomatie et mes légistes. »


Faut dire que c’est moins impressionnant que les charges de chevaliers, mais ça se vaut quand même.

« Je comptais envoyer ma sœur, Blanche, négocier avec Clotilde de toute façon. Ce sont deux femmes amies. Blanche m’aime sincèrement, Clotilde était très proche… S’il y a quelque chose qui peut se négocier, c’est bien entre elles, les femmes sont bien souvent moins bornées et orgueilleuses que nous les hommes, tu as bien pu voir comme ça s’est fini avec ce bouteiller.
Mais il est vrai que malheureusement ton état ne te permet pas d’attendre. Moi je peux me permettre de me tourner les pouces pendant des années le temps que les avoués et les procureurs de nos deux camps se disputent et lancent des appels au Sénat. Mais la baronnie d’Aigues... »


Je passe ma main sur mon menton, bien ennuyé.

« Cela m’emmerde. Je sens dans mes tripes qu’il faut que j’accepte le vassalage. Que déjà obtenir le relief et tous mes droits de suzerain c’est énorme. Demander à séparer le patrimoine, c’est quelque chose de si minuscule, qui n’aura pas d’influence avant… Avant des décennies, si seulement il a une influence un jour. Je pourrais très bien mourir demain en glissant sur un fruit, ou vivre jusqu’à mes cent ans ! Le destin est tellement étrange.
Qu’est-ce que tu me conseilles de faire, ma tante ? Je veux dire – vraiment, en conseil, dans mon intérêt. Qu’est-ce que tu ferais si tu étais à ma place ? »
Armarius
Armarius
Messages : 1018
Date d'inscription : 07/07/2017
MessageSujet: Re: La Baronne, le duc et le comte. La Baronne, le duc et le comte.  Icon_minitimeJeu 16 Jan - 10:45
La Baronne réfléchit.

« C'est une affaire complexe...
En tout cas, n'espère pas trop compter sur le Sénat. Les sénateurs de l'Empire ne peuvent rien contre un état de fait. S'ils te sont favorables, te déclarent comte légitime du Porez, crois tu vraiment que Clotilde va partir et abandonner tout ses biens d'elle même ? Le droit et la diplomatie ne sont en vérité pas grand chose face à une armée, et l'Empereur n'a pas le pouvoir de faire appliquer les décisions du Sénat.
Je pense... du moins dans un premier temps, que tu devrais accepter les propositions de Salignac et de son suzerain. »


Disait-elle ça sincèrement ou juste pour pousser Eudes à accepter et ainsi régler le problème de sa succession ?

« En temps normal je te dirais de ne pas te précipiter, mais étant donné mon état de santé... »
Contenu sponsorisé
MessageSujet: Re: La Baronne, le duc et le comte. La Baronne, le duc et le comte.  Icon_minitime
La Baronne, le duc et le comte.
Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut
Page 1 sur 2Aller à la page : 1, 2  Suivant

Sujets similaires

-
» Comté du Valais
» Comté de Douves
» Comté de Rieux
» Comté d'Estaing
» Comté de Grâces

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Casus Belli :: RP :: Les Landes-